Parvenir à l’inclusion financière : l’importance des fintech, de l’utilisation des comptes bancaires et de l’innovation

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Soahanginirina Razafindrahanta, a teller at a Baobab bank outlet counting out money for a customer in Antananarivo, Madagascar. © Nyani Quarmyne/International Finance Corporation
©  Nyani Quarmyne/IFC

Sa Majesté la Reine Máxima, mandataire spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la promotion de services financiers accessibles à tous et favorisant le développement (a), et M. Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale.
 
Depuis près d’une décennie, la communauté internationale et les États déploient des efforts concertés pour développer l’inclusion financière.  L’enjeu est de mettre en place un système financier accessible à tous et favorisant la stabilité ainsi que l’équité des progrès.

Le défi à relever est de taille. En 2013, lorsque nous avons commencé à nous mobiliser en faveur de l’accès aux services financiers, nous avons estimé que la définition d’une cible assortie d’une date butoir nous permettrait de rester concentrés sur notre objectif et de mesurer les avancées.
 
Le mois dernier, nous avons appris que ces avancées étaient solides et continues, ce dont il faut se réjouir. D’après la base de données Global Findex, plus d’un demi-milliard de personnes ont pu ouvrir un compte courant au cours des trois dernières années. Ces progrès ont été obtenus sous l’effet conjugué de la technologie, de l’investissement privé, des réformes de la politique publique et du soutien de la communauté internationale. Depuis 2011, la proportion d’adultes disposant d’un compte bancaire a grimpé de 51 à 69 %, et 1,2 milliard d’individus de plus ont désormais accès à des services financiers. 
 
La base de données Global Findex aide les États et les organisations de développement à cerner la manière dont les populations utilisent les services financiers, quelles sont les lacunes et comment cibler les interventions . Les informations qu’elle contient sont essentielles pour parvenir à l’accès financier universel en 2020 (a) : lancée par le Groupe de la Banque mondiale en 2013, l’initiative « UFA2020 » vise à permettre à tous les adultes, dans le monde entier, de posséder un compte courant d’ici 2020. Une trentaine de partenaires opérant dans le secteur financier se sont associés à cette initiative et contribuent à la réalisation de cet objectif majeur. Le Groupe de la Banque mondiale est en bonne voie pour concrétiser son engagement : parvenir à accroître d’un milliard le nombre de nouveaux détenteurs de comptes à l’horizon 2020. 
 
De l’accès à l’utilisation des services financiers
 
Mais l’accès aux services financiers n’est pas une fin en soi : ce qui importe, c’est l’utilisation de ces services. L’enjeu de l’inclusion financière n’est pas tant de posséder un compte bancaire que de s’en servir pour échapper à la pauvreté, faire face à des imprévus et vivre mieux. 

À cet égard, les données Findex les plus récentes mettent en évidence l’impact des technologies numériques à la fois sur l’accès à un compte et sur l’utilisation de ce compte. Le service d’argent mobile créé au Kenya est un exemple bien connu : aujourd’hui, plus de 70 % des Kenyans se servent de leur téléphone portable pour effectuer des opérations bancaires . En Mongolie, le taux de détention de ce type de compte est passé de moins de 5 % à environ 20 %. 
 
Inégalités et exclusion
 
Les nouvelles données Findex révèlent par ailleurs que les progrès réalisés à ce jour sont inégaux, et que les femmes, les pauvres et les personnes sans emploi en sont largement exclus.  
 
De fait, malgré des avancées globales, les écarts d’inclusion financière n’ont guère diminué depuis que nous avons commencé à les mesurer en 2011. Si, aujourd’hui, 65 % des femmes possèdent un compte, contre 58 % en 2014, l’écart entre les sexes est encore de 9 points de pourcentage dans les pays en développement. Au Bangladesh, 36 % des femmes détiennent un compte, contre 65 % des hommes, soit une différence de 29 points de pourcentage.  Au Pakistan, un homme est cinq fois plus susceptible qu’une femme d’ouvrir un compte.
 
Pour remédier à ces disparités, il faut déterminer quels sont les besoins des femmes et ce qu’elles attendent des services financiers. Nous savons que le respect de la vie privée, le faible coût des services et la sécurité sont pour elles des priorités, mais nous devons mieux déterminer en quoi leurs objectifs financiers diffèrent de ceux des hommes, et identifier les produits et les stratégies qui permettront de résorber cet écart entre les sexes.  
 
Cette approche centrée sur les consommateurs nous ramène à la question de l’utilisation des comptes bancaires. Actuellement, un compte sur cinq est inactif, c’est-à-dire qu’il n’a donné lieu à aucun versement ni retrait au cours des 12 derniers mois. Le taux de comptes inactifs varie d’une région à l’autre, mais il est particulièrement élevé en Asie du Sud. Pour concevoir à la fois de nouveaux services et une nouvelle réglementation, il sera crucial de comprendre les difficultés auxquels sont confrontés les femmes, les pauvres, les petits agriculteurs et les autres catégories de population exclues.
 
La possibilité d’effectuer directement un virement électronique encouragerait à ouvrir un compte et à l’utiliser.  Si, par exemple, l’administration publique passait au paiement numérique, l’augmentation du taux d’inclusion financière des femmes pourrait atteindre jusqu’à 20 points de pourcentage aux Philippines, et 28 points au Chili. De même, dans le secteur agricole, on estime que la numérisation des paiements pourrait faire diminuer d’un quart le nombre de personnes non bancarisées au Mozambique, au Nigéria et au Viet Nam. Et la numérisation des salaires devrait permettre l’inclusion financière de quelque 230 millions de personnes non bancarisées qui sont actuellement rémunérées en espèces.
 
Les transferts d’argent des migrants constituent un autre secteur prometteur : dans les pays en développement, environ 280 millions de détenteurs de comptes, dont 10 millions au Bangladesh et 65 millions en Inde, continuent d’envoyer ou de recevoir des fonds à l’aide de services en espèces ou au guichet.

L’innovation en marche

Les nouvelles technologies vont améliorer la numérisation et abaisser le coût des services financiers.  Ainsi, au Sénégal, la réglementation sur l’argent électronique et les politiques de numérisation ont permis d’ouvrir le marché à de nouveaux émetteurs de monnaie électronique et d’accroître l’accès aux services financiers. Les données Findex montrent que les réformes et l’intensification de la concurrence ont ramené la proportion des adultes non bancarisés de 85 % en 2014 à 58 % en 2017.
D’autres interventions portent sur l’amélioration de l’infrastructure, par exemple pour la délivrance de pièces d’identité numériques : lorsqu’on peut prouver son identité par des moyens numériques, il est beaucoup plus facile d’ouvrir un compte bancaire.  
 
En outre, il faut s’attendre à ce que les innovations dans le secteur des fintech, de la blockchain à l’intelligence artificielle, reconfigurent à l’avenir l’ensemble de la chaîne de valeur des services financiers. Ce qui rend d’autant plus nécessaire la recherche d’un équilibre entre mise à profit des technologies financières, gestion des risques et stabilité, et protection des consommateurs, surtout des plus pauvres.
 
Plusieurs pays ont adopté à cette fin des approches intéressantes. Ainsi, la Malaisie et le Kenya se sont lancés dans la mise en place d’un « bac à sable réglementaire », c’est-à-dire un espace d’expérimentation bénéficiant d’une réglementation allégée qui permet au régulateur de mieux comprendre les opportunités et risques potentiels des innovations en situation réelle et dans un environnement contrôlé. De leur côté, le Mexique et les Philippines expérimentent les RegTech, c’est-à-dire l’alliance de la réglementation et de la technologie pour réduire les coûts et les délais de mise en conformité et de supervision.
 
De nombreux pays ont défini des stratégies nationales d’inclusion financière car ils savent que celle-ci peut renforcer l’économie, faire reculer les inégalités et aider des millions d’individus à sortir de la pauvreté. Ces stratégies, qui visent à coordonner et accélérer les efforts d’inclusion financière, rassemblent les autorités chargées de la surveillance financière, des télécommunications et de la concurrence, les ministères chargés de la protection sociale et de l’éducation, ainsi que le secteur privé.
 
L’inclusion financière a nettement progressé dans le monde depuis que nous avons commencé à la mesurer. Des millions d’individus ont aujourd’hui la possibilité de vivre mieux. Tous les acteurs — pouvoirs publics, organisations de développement, société civile et secteur privé — doivent continuer d’œuvrer ensemble pour que le nombre de personnes bancarisées continue de s’accroître.

Auteurs

H.M. Queen Máxima

H.M. Queen Máxima, UN Secretary-General’s Special Advocate for Inclusive Finance for Development

Ulrich
05 juillet 2018

Belle analyse.
Les pays en développement notamment africains souffrent encore de l'attachement au cash.
Heureusement les paiements mobiles sont entrain de venir changer la donne.
Cependant, les innovations financières construites pour les plus pauvres peuvent représenter un réel danger pour la stabilité du système financier international.
Vivement que ces innovations soient conjointement menées avec des programmes d'éducation financière taillés sur mesure.
Mon sujet de Doctorat PhD s'intitule : "Inclusion financière, croissance économique et pauvreté dans la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale."
À bientôt peut-être pour un stage au sein de votre institution.

NEBIE
16 août 2018

Analyse pertinente, mais j'aimerais poser une question: Quelle pourrait être le rôle de la poste pour la promotion et l'effectivité de l'inclusion financière dans un pays comme le Burkina Faso (Taux de bancarisation très bas (13,14 en 2017) ?

Ballo
04 septembre 2018

Est ce que les femmes en milieu rural seront pris en compte?