Combler le fossé hommes-femmes dans l’agriculture en Afrique #AfricaBigIdeas

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En Afrique subsaharienne, la productivité des agricultrices est très inférieure à celle de leurs homologues masculins. Une nouvelle publication réalisée conjointement par la Banque mondiale et l’organisation ONE et intitulée Harmoniser les règles du jeu : Améliorer les perspectives des femmes agricultrices en Afrique montre l’ampleur de ces disparités (a). Selon ce rapport d’orientation fondé sur des données probantes, la productivité à l’hectare des femmes est par exemple inférieure de 23 % à celle des hommes en Éthiopie. Si cette découverte n’est pas totalement une révélation (a), c’est un état de fait qui entraîne des conséquences coûteuses pour ces femmes et leurs enfants, pour les ménages et pour toute l’économie d’un pays.
 
Le remède à ce fossé entre les sexes semble évident : il faut aider les femmes à avoir accès à la même quantité de ressources productives (intrants agricoles notamment) pour leur permettre d’obtenir les mêmes rendements que les hommes. Nombreux sont les rapports, ouvrages et autres études à avoir préconisé cette mesure.
                          
Or il s’avère que les choses ne sont pas si simples. Le nouveau rapport cité précédemment montre que, contrairement à ce que l’on pense, il ne suffit pas de garantir une égalité d’accès aux ressources productives pour gommer les disparités de rendement entre hommes et femmes. Ce rapport, qui s’appuie sur des travaux issus de deux initiatives de la Banque mondiale — enquêtes sur la mesure des niveaux de vie dans l’agriculture (LSMS-ISA) (a) et Gender Innovation Lab (a) — et utilise une méthode statistique dite de décomposition, ne remet pas en cause l’importance des disparités liées à la quantité de ressources productives mais souligne le rôle encore plus important d’un autre aspect : celui des écarts observés au niveau du rendement de ces ressources.
 
Prenons le cas de la main-d’œuvre agricole, qui constitue selon le rapport l’un des principaux facteurs d’inégalité. Au Niger, les agricultrices utilisent moins de main-d’œuvre masculine, ce qui contribue à un écart de productivité entre les hommes et les femmes de 19 % à l’échelle du pays. Et même à quantité de main-d’œuvre égale, les hommes continuent d’avoir le dessus, avec une production par hectare plus élevée que chez les femmes. Cette disparité peut s’expliquer par toute une série de facteurs qui varient selon les circonstances : comme les femmes doivent s’occuper des enfants, elles sont moins en mesure de mobiliser et surveiller leurs ouvriers, tandis que ces derniers ont tendance à s’appliquer davantage sur des exploitations tenues par des hommes ; les agricultrices peuvent également avoir du mal à disposer de bras aux moments clés (semailles, moisson) et/ou connaître des contraintes financières qui les obligent à embaucher un personnel moins performant.
 
Comment, dès lors, harmoniser les règles du jeu ? Après avoir mis en évidence les principaux facteurs d’inégalité entre les sexes, le rapport propose un plan d’action en dix points à partir de l’examen d’études d’impact et d’autres travaux de recherche rigoureux. Même s’il reste encore des zones d’ombre importantes, notre socle de connaissances s’enrichit en ce qui concerne la lutte contre les disparités hommes-femmes dans l’agriculture.
 
Par ailleurs, on peut aussi s’inspirer des leçons que nous livrent d’autres secteurs. L’instauration de services pour la petite enfance en milieu rural offre ainsi une piste intéressante. Dans le cadre d’une évaluation aléatoire (a) conduite sur un programme de prise en charge préscolaire dans des villages du Mozambique, Sebastian Martinez et al. ont fait le constat suivant : ce programme a non seulement amélioré la scolarisation et le développement des jeunes enfants bénéficiaires mais il a aussi eu des retombées positives sur les personnes qui s’occupent principalement des enfants, qui ont vu leur participation à la vie active augmenter de 26 % par rapport à un groupe témoin. Il faudrait expérimenter cette approche pour déterminer si elle peut contribuer à donner plus de temps aux agricultrices pour qu’elles puissent être plus productives, et contribuer ainsi à réduire le fossé hommes-femmes en Afrique.
 
Il s’agit du premier billet d’une série intitulée #AfricaBigIdeas, l’occasion pour les chercheurs de la Banque mondiale de présenter leurs idées les plus innovantes.
Vous avez une bonne idée pour l’Afrique ? Faites-nous en part en utilisant le hashtag #AfricaBigIdeas

Auteurs

Michael O’Sullivan

Economist and land thematic leader, World Bank's Gender Innovation Lab