En RCA, le téléphone portable n’est pas seulement un outil de communication, c’est le principal moyen d’accès à Internet. Cependant la qualité du service est inégale, et les données mobiles restent chères. Si les opérateurs mobiles fournissent une couverture et des services à leurs clients, l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la Poste (ARCEP) est confrontée à des obstacles persistants pour surveiller de manière indépendante les performances ou demander des comptes aux fournisseurs. Une situation qui commence à évoluer.
Avec l’appui du Projet de gouvernance numérique du secteur public (PGNSP) de la Banque mondiale, le gouvernement a pris des mesures concrètes pour renforcer la capacité de l’ARCEP à réguler le secteur. Parmi les avancées les plus significatives, la mise en œuvre d’une nouvelle gamme d’équipements de surveillance numérique s’est concrétisée en avril 2024, lors d’un lancement officiel au siège de l’ARCEP à Bangui, en présence du Premier ministre. Le régulateur a désormais la capacité d’analyser en temps réel des données détaillées sur les performances des réseaux mobiles, sans dépendre uniquement des informations communiquées par les opérateurs.
Cette nouvelle plate-forme collecte, directement depuis les réseaux, des données statistiques et basées sur des événements. Elle permet de couvrir l’ensemble des informations disponibles, de la qualité des appels au débit internet, en passant par les interruptions de service. D’une capacité de stockage de 80 téraoctets, ces nouveaux équipements permettent à l’ARCEP de suivre les tendances sur la durée, de détecter les anomalies et de mieux comprendre l’état réel de la connectivité sur l’ensemble du territoire.
Autre innovation, le système de gestion du spectre joue un rôle tout aussi important. Cette antenne de haute technologie, peut capter des signaux de fréquence jusqu’à 60 kilomètres de distance. L’ARCEP peut ainsi détecter les brouillages ou l’utilisation non autorisée du spectre, ce qui constitue une étape essentielle pour une gestion équitable et efficace des ondes.
Cependant les outils numériques à eux seuls ne font pas la force d’un régulateur. Le projet a donc également soutenu un programme de formation de 22 semaines pour le personnel de l’ARCEP. Plus de 50 employés ont participé à des sessions animées par des experts, couvrant l’ensemble des sujets, de l’analyse de réseau aux aspects juridiques de la réglementation. Le programme comprenait des ateliers immersifs à Bangui et un voyage d’étude à Casablanca pour apprendre d’autres régulateurs de la région. Au total, les personnels de l’ARCEP ont ainsi suivi plus de 7 000 heures de formation.
Ce changement a eu un impact profond sur le fonctionnement de l’institution. Un des membres du personnel résume ainsi la transformation : « Avant, nous naviguions sans repères. Maintenant, nous pouvons enfin voir ce qui se passe en temps réel. »
Ces améliorations peuvent sembler techniques, mais leur impact, lui, est bien concret. Une supervision renforcée accroît les incitations des opérateurs à améliorer la qualité de leur service et contribue à une allocation plus équitable des ressources publiques, notamment des fréquences radio. Avec à la clé pour les Centrafricains, une connectivité plus abordable et de meilleure qualité.
Ce travail ne fait peut-être pas les gros titres, mais il est essentiel. Dans les contextes fragiles, les progrès commencent souvent en coulisse, par le renforcement des institutions qui rendent possible un avenir numérique. La réforme de l’ARCEP rappelle que les transformations majeures ne passent pas toujours par une nouvelle application ou un lancement de satellite. Elles tiennent parfois à la construction patiente de la confiance, des capacités et des systèmes, étape par étape.
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