La politique budgétaire est l'un des principaux instruments macroéconomiques dont disposent les gouvernements. Ses objectifs sont vastes et couvrent toutes les recettes et dépenses publiques, mais l'un de ses principaux objectifs est de promouvoir la stabilité macroéconomique, qui à son tour soutient la croissance à long terme. Dans l'idéal, le PIB suit une tendance stable à la hausse. En réalité, les économies connaissent des expansions et des récessions (cycles économiques) qui introduisent de l'instabilité. La politique budgétaire peut contribuer à lisser ces cycles en atténuant les récessions et en rendant les expansions plus durables. Par exemple, lorsque l'activité privée faiblit pendant une récession, l'État peut augmenter les dépenses pour stimuler la demande et amortir le ralentissement. Une telle approche est connue sous le nom de politique budgétaire contracyclique.
Les économies du CCG sont confrontées à un problème fondamental : comment stabiliser la croissance lorsque les cycles économiques sont amplifiés par les fluctuations des prix du pétrole. Étant donné que les dépenses publiques sont importantes par rapport au PIB dans les pays du CCG et que la politique monétaire est limitée par l'ancrage du taux de change au dollar des États-Unis, la politique budgétaire reste le principal outil de stabilisation macroéconomique. Les décideurs doivent donc répondre clairement à deux questions :
- La politique budgétaire est-elle contracyclique dans la pratique ?
- Dans quelle mesure la politique budgétaire affecte-t-elle le PIB hors hydrocarbures, en particulier pendant les périodes de ralentissement économique où l'aide est le plus nécessaire ?
Nous avons mené une série d'études pour répondre à ces questions fondamentales pour le CCG. Dans une récente publication de Bogetic et Naeher, parue dans le Gulf Economic Update, en décembre 2024, il s'agit de déterminer si les pays du CCG mettent en œuvre des politiques budgétaires contracycliques. La politique budgétaire contracyclique se traduit par une corrélation négative entre la composante cyclique de la croissance du PIB et la composante cyclique des dépenses publiques, et par une corrélation positive entre les composantes cycliques de la croissance du PIB et les recettes publiques. Dans la plupart des économies du CCG, les données illustrent précisément ces relations. La figure 1 récapitule ces conclusions.
Figure 1 : La politique budgétaire des pays du CCG est conforme aux principes de la politique budgétaire anticyclique
La deuxième étape consiste à déterminer dans quelle mesure la politique budgétaire influe sur la production. Un récent document de travail de notre équipe, paru dans le Bulletin d'information économique du Golfe de juin 2025, estime l'ampleur des multiplicateurs budgétaires pour les pays du CCG. Dans la littérature macroéconomique, le multiplicateur budgétaire est l'effet d'un instrument budgétaire donné (comme les dépenses de consommation publiques) sur le PIB. Par exemple, un multiplicateur de 0,1 pour la consommation publique signifie que chaque dollar de consommation publique est associé à une augmentation de 0,1 dollar du PIB hors hydrocarbures.
Nos résultats montrent que les multiplicateurs de dépenses dans les économies du CCG sont positifs et statistiquement significatifs, se situant généralement entre 0,1 et 0,4 (figure 2). En d'autres termes, les dépenses publiques de consommation contribuent à l'augmentation du PIB hors hydrocarbures dans cette fourchette, bien que l'ampleur varie d'un pays à l'autre.
Figure 2 : Estimations du multiplicateur budgétaire des dépenses publiques dans les pays du CCG
Pour comprendre les implications pour la politique de stabilisation, nous avons en outre divisé l'échantillon en épisodes expansionnistes et récessionnistes afin de déterminer si les multiplicateurs dépendent de l'état de l'économie. Cette dépendance à l'égard de l'État est pertinente du point de vue des politiques: lorsque l'économie est relâchée en période de récession, on pourrait s'attendre à ce que la politique budgétaire soit plus efficace.
C'est précisément ce que nous constatons. Dans les pays du CCG, les multiplicateurs sont nettement plus importants en période de récession qu'en période d'expansion, ce qui constitue un soutien plus puissant à la production lorsque l'économie est faible (figure 3). En période d'expansion, en revanche, le multiplicateur estimé est proche de zéro, ce qui indique que la consommation publique supplémentaire a peu d'impact mesurable sur le PIB hors hydrocarbures.
Figure 3 : Les multiplicateurs budgétaires des dépenses publiques de consommation varient en fonction de l'état de l'économie
Prises ensemble, ces conclusions clarifient à la fois les forces et les limites de la politique budgétaire dans le contexte du CCG. Du côté positif, la politique budgétaire de la plupart des économies du CCG fonctionne de manière contracyclique, les multiplicateurs de dépenses sont en moyenne positifs et leur puissance augmente en période de récession — précisément au moment où la stabilisation est la plus utile. Dans le même temps, les multiplicateurs moyens sont modestes par rapport à ceux rapportés dans d'autres économies à revenu élevé, et l'impact des dépenses pendant les phases d'expansion semble limité. Ces résultats soulignent l'importance du calendrier et de la conception: les retombées sont d'autant plus grandes lorsque les mesures de relance sont mises en œuvre pendant les périodes de ralentissement économique, et la composition des dépenses est importante pour l'efficacité.
Ces travaux de recherche visent à mieux concevoir les politiques budgétaires dans les pays du CCG. À l'avenir, les micro-projets pourront mieux cerner les catégories de dépenses et les mécanismes d'exécution qui auront le plus d'impact sur la croissance et de résilience dans les économies des pays du CCG.
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