850 millions de personnes dans le monde n’existent pas officiellement – Pourquoi et comment faut-il y remédier ?

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Large sourire d'une femme africaine pendant son relevé de données biométriques dans un service d’état civil.
La Banque mondiale et son initiative ID4D offrent un soutien sur mesure pour renforcer l'accessibilité, l'organisation et la gestion des services d'identification et d'état civil dans 57 pays. © Midas, Groupe de la Banque mondiale.

Imaginez qu'il vous soit impossible de prouver qui vous êtes : pas de certificat de naissance, pas de carte d'identité, pas de passeport, pas de permis de conduire…

Faire en sorte que chacun dispose d'une forme d'identification officiellement reconnue est important pour la promotion d'un développement équitable et durable (a). Car posséder une preuve d'identité légale est non seulement un droit élémentaire, mais aussi le sésame pour accéder à toutes sortes de services et d'opportunités, qu'il s'agisse de trouver un emploi, d'ouvrir un compte en banque ou de bénéficier d'aides sociales. Le développement des services numériques a rendu encore plus nécessaire de pouvoir vérifier l'identité d'une personne en ligne et à distance, de manière sûre et pratique.

Pourtant, selon des estimations récentes, environ 850 millions de personnes dans le monde n'ont toujours pas de papiers d'identité officiels (ni a fortiori de documents biométriques). 

Pour y remédier, la Banque mondiale a lancé l'initiative Identification pour le développement (a), plus connue sous son acronyme en anglais ID4D. L’objectif est d'étendre l'accès à une identité officielle aux innombrables « invisibles », ce qui consiste tout d'abord à les comptabiliser. 

Depuis 2016, ID4D fournit des estimations du nombre de personnes qui possèdent un document officiel, contenues dans sa base de données mondiale (a). Amplement réactualisée en 2021-2022 et incluant désormais des sources de données supplémentaires, celle-ci offre le tableau le plus complet à ce jour de la situation dans le monde. 

En partenariat avec l'enquête Global Findex, ID4D a recueilli des données représentatives sur la détention et sur l'utilisation de documents d'identité. À l'aide de ces nouvelles données individuelles, s'ajoutant à un corpus d'informations administratives procuré par les services d'état civil et considérablement agrandi, il a été établi qu’un peu moins de 850 millions de personnes dans le monde étaient dépourvues de pièce d'identité à la fin de l'année 2022 — la méthodologie utilisée pour arriver à cette estimation est décrite dans le rapport ID4D sur les taux de couverture dans le monde (a). 

Qui sont les 850 millions d’« invisibles » ? 

Le manque d'accès aux systèmes d'enregistrement de l'état civil et d'identification concerne principalement les économies à revenu faible ou intermédiaire inférieur d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud. 

Un grand nombre des personnes sans pièce d'identité font partie de groupes marginalisés et plus de la moitié d’entre elles sont des enfants dont la naissance n'a pas été enregistrée. En outre, dans les pays à faible revenu et malgré des progrès, le taux de détention d’un document officiel chez les femmes reste inférieur de 8 points de pourcentage à celui des hommes. Le fossé est aussi considérable pour d'autres groupes vulnérables : les adultes ont moins de chances de détenir une pièce d'identité s'ils ont moins de 25 ans, s'ils n'ont qu'un niveau de scolarisation primaire, voire moins, s'ils sont sans emploi, s'ils font partie de la tranche des 40 % les plus pauvres ou s'ils habitent une zone rurale.

Causes et conséquences de l'absence de pièce d'identité

Toutes sortes d'obstacles expliquent le nombre élevé de personnes sans pièce d'identité. 

Dans les pays à faible revenu, 46 % des adultes indiquent ne pas avoir de pièce d'identité en raison des formalités exigées, 44 % parce qu'ils sont trop éloignés d'un service d'état civil, et 40 % à cause de frais prohibitifs.  Ces obstacles se cumulent souvent pour les personnes en situation de handicap ou faisant partie d'une minorité sexuelle ou de genre, les filles et les femmes, ainsi que d'autres groupes vulnérables. Dans certains cas, ces groupes sont confrontés à des obstacles à la fois juridiques et pratiques.

L’absence de pièce d'identité empêche d’avoir accès à des services et d'exercer ses droits.

Environ un adulte sur trois dépourvu de pièce d'identité dans le monde signale des difficultés à utiliser des services financiers, à recevoir des aides financières de l'État, à postuler à un emploi ou à voter. . Près de 40 % d'adultes sans pièce d'identité ont du mal à obtenir une carte SIM ou un abonnement à un service de téléphonie mobile, et 25 % déclarent éprouver des difficultés à se faire soigner.

Mais détenir une pièce d'identité ne suffit pas : la qualité compte aussi. 

Le fait qu'environ 850 millions de personnes n'aient pas de preuve essentielle et officielle d'identité ne signifie pas que les 7 milliards d'autres individus dans le monde disposent tous d'un document de qualité satisfaisante.  Une pièce d'identité de qualité doit être inclusive, reconnue comme fiable, vérifiable et adaptée à son objectif, comme souligné dans les principes sur l'identification pour un développement durable et détaillé dans le Guide pratique ID4D (a). La récente mise à jour apportera prochainement de nouvelles informations clés sur les systèmes d'identification et d'état civil dans le monde.

Des enseignements essentiels pour les pouvoirs publics

  • Les pouvoirs publics et autres parties prenantes doivent faire leur maximum pour réduire ou éliminer les obstacles qui persistent à empêcher des personnes d'obtenir une preuve officielle ou légale de leur identité. Cela consiste notamment à abolir les inégalités, ainsi que les démarches onéreuses et frais d'obtention des justificatifs, via une réforme des législations et réglementations concernées et par l'amélioration des processus et de la qualité des prestations au public.
  • Il est également essentiel d’assurer des relations et une communication proactives et suivies avec les populations locales, les responsables locaux, ainsi que les organisations de la société civile. Pour instaurer confiance et adhésion, il est indispensable de mener de solides campagnes d'information et d'éducation, de mobiliser fréquemment la société civile et de mettre en place des mécanismes de règlement des plaintes bien pensés. 
  • Pour suivre et améliorer l'accès à l'identification, il faut une collecte de données plus efficace et plus régulière. Les pays et partenaires du développement doivent investir dans l'amélioration de la collecte de données sur les systèmes d'identification par différents moyens, dont les recensements et enquêtes.

​Il est clair qu'une importante marge de progrès existe, tant sur le plan de la couverture des systèmes d'identification que de leur qualité. C'est pourquoi la Banque mondiale et son initiative ID4D offrent un soutien sur mesure pour renforcer l'accessibilité, l'organisation et la gestion des systèmes d'identification et d'état civil dans 57 pays . Ces efforts ont pour but d'aider les personnes sans pièce d'identité à en obtenir une, et celles qui en disposent à bénéficier de tous ses avantages.

Auteurs

Julia Clark

Économiste, Initiative Identification pour le développement (ID4D), Banque mondiale

Anna Diofasi

Chargée de projet, Initiative Identification pour le développement (ID4D), Banque mondiale

Claire Casher

Chercheuse, Initiative Identification pour le développement (ID4D), Banque mondiale

Prenez part au débat

Ouedraogo
11 septembre 2023

Le Burkina Faso est l'un des pays les plus pauvres au monde 46,6% de la population vivent en dessous du seuil de la pauvreté qui est de 82.672 FCFA/habitant/an . Aussi, environ 40% de la population risque l'insécurité alimentaire. La pauvreté reste dominante en milieu rural, les conditions de vie des ménages ruraux demeurent précaires.
A Tikare, le revenu agricole moyen des ménages à environ 12 Euro par an, notamment dans la région du Centre Nord, au Burkina Faso, Afrique de l'ouest.

Ouedraogo
11 septembre 2023

Bonjour,
Je partage le même avis
Tous est liée à l'extrême pauvreté
Les intéressés n'ont pas d'argent pour payer les frais.
Il faut une subvention pour diminuer le prix.

Yvette Alba
11 septembre 2023

À part les pièces d'identité et leurs qualités, il faut regarder l'aspect utilisation, ammener les populations à plus d'utilisation des ces documents serait un atout.
Maintenant il faut se retourner vers une entreprise loyale et vraie de prestations de services, sinon nous arriverons toujours à la même conclusion sur le fait que plusieurs personnes ne seront pas enregistrées.
Dans le cas du Cameroun, j'ai une proposition particulière à faire.
Les passeports sortent après 2 jours mais pourtant jamais une CNI n'est disponible, pourquoi ne pas faire pareil ?

Joao nkuku kiese
11 septembre 2023

Comment y parvenir à relever le défi mondial des hommes, femmes et enfants sans papiers surtout la jeunesse ?

Bérambaye Fadel
11 septembre 2023

Dans la plupart des pays du tiers monde avoir une identité, revient à déployer des efforts considérables : efforts physiques et financier. Une fois que vous rempli les formulaires, parfois vous finirez par abandonner à cause de la qualité du service.

Amadou Wakasso Rafiou
11 septembre 2023

Cette enquête doit s'accompagner par des actions,la population doit être sensibilisé,il faut mettre en place les services d'état civil,dans plusieurs localités pour faciliter l'accès de service à la population

Mamadou Sanoussy Diallo
11 septembre 2023

Aujourd'hui dans mon pays, la Guinée ?? par exemple il y a juste un an depuis le lancement officiel de l'extrait de naissance de la carte d'identité biometrique. Les procédures sont nombreuses et très coûteux. Aussi l'administration est très distante des populations sans compter la corruption qui règnent au tour. Il y a beaucoup de choses à faire encore pour améliorer la qualité de service fournis mais aussi pour que tous les citoyens aient de documents sécurisés comme partout à travers le monde. Le passport est lux que rare parmis les citoyens lambdas peuvent s'en procurer et ce là pendant de semaines voir de mois selon les relations et l'efficacité de la corruption.

ANDRIANTSARAFARA Mamy Etienne
11 septembre 2023

Oui, tous ce que vous avancez sont bien vrais. Mais, il faut souligner qu’à l’acquisition de la carte d’identité, au moins l’individu doit savoir lire et écrire pour qu’il puisse vérifier ce qu’on met sur sa carte, et savoir l’usage de la carte. Le problème à Madagascar, c’est que pour en procurer la carte, on fait pays les gens de grosse somme d’argent ou à défaut un bœuf ou plus, dans les régions reculées ou enclavées, profitant de l’analphabète de l’individu. On doit aussi penser à la formation des agents de santé et de la mairie de la nécessité d’un livret de famille lors d’une union légitime et lors de la naissance d’un enfant…Là encore, on a un problème car beaucoup de femmes ne connaissent pas les Centres de Santé pour se faire soigner ou pour accoucher. Elles vont chez les accoucheuses traditionnelles qui elles-mêmes ne connaissent pas ce qu’on doit faire, soit en raison de la corruption soit la peur de l’autorité existante…dans les régions reculées ou enclavées…

ANDRIANTSARAFARA Mamy Etienne
11 septembre 2023

Oui, tous ce que vous avancez sont bien vrais. Mais, il faut souligner qu’à l’acquisition de la carte d’identité, au moins l’individu doit savoir lire et écrire pour qu’il puisse vérifier ce qu’on met sur sa carte, et savoir l’usage de la carte. Le problème à Madagascar, c’est que pour en procurer la carte, on fait payer les gens de grosse somme d’argent ou à défaut un bœuf ou plus, dans les régions reculées ou enclavées, profitant de l’analphabète de l’individu. On doit aussi penser à la formation des agents de santé et de la mairie de la nécessité d’un livret de famille lors d’une union légitime et lors de la naissance d’un enfant…Là encore, on a un problème car beaucoup de femmes ne connaissent pas les Centres de Santé pour se faire soigner ou pour accoucher. Elles vont chez les accoucheuses traditionnelles qui elles-mêmes ne connaissent pas ce qu’on doit faire, soit en raison de la corruption soit la peur de l’autorité locale si elle existe…dans les régions reculées ou enclavées…