Lorsque des épidémies se déclarent, les systèmes en place doivent tenir bon. Cependant, dans bien trop d’endroits, l’absence de services élémentaires, tels que l’eau potable, l’assainissement, une énergie fiable et une gestion correcte des déchets, compromet la résilience des services de santé.
Le Yémen illustre bien cette situation. Des années de conflit ont dévasté les infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement du pays, de même que le système de santé. Dans ce contexte, le soutien de la Banque mondiale a été déterminant pour aider le pays à endiguer la plus importante épidémie de choléra au monde (a). Néanmoins, l’ampleur de la crise a révélé la fragilité des systèmes de santé lorsque des services fondamentaux tels que l’eau, l’assainissement et l’hygiène s’effondrent.
Fin 2018, plus de 1,3 million de cas présumés de choléra ont été signalés dans le pays, et plus de 2 600 décès ont été enregistrés. Dans de nombreuses régions, les eaux usées non traitées contaminaient les puits peu profonds et près de la moitié des établissements de santé ne disposaient pas d’eau potable ni de toilettes en état de marche. La propagation de la maladie n’était pas seulement rapide, elle était inévitable.
Les installations d’alimentation en eau, d’assainissement et d’hygiène sont indispensables pour prévenir et contrôler efficacement les infections, contrer des menaces mondiales comme Ebola, la variole et la grippe pandémique, et pour assurer des services de santé essentiels. Or, à l'échelle mondiale, la moitié des centres de santé ne disposent pas de services d’hygiène de base. Plus de 850 millions de personnes reçoivent des soins dans des établissements privés d’eau, ce qui les expose à davantage de risques, de même que les agents de santé qui les prennent en charge.
Un impact économique significatif
Les conséquences économiques des infections évitables sont considérables. En 2022, les infections nosocomiales contractées dans 14 pays d'Afrique subsaharienne (a) ont entraîné des pertes économiques estimées à 13 milliards de dollars, soit l’équivalent de 1,14 % de leur produit intérieur brut combiné, en raison des coûts de traitement, des pertes de productivité et des décès prématurés. Ces conditions favorisent également l’augmentation de la résistance aux antimicrobiens, ce qui compromet des décennies de progrès de la médecine.
Pourtant, il est à la fois possible et relativement peu coûteux de veiller à ce que les établissements de santé soient sûrs et fonctionnels. Dans les 46 pays les moins avancés du monde, doter les services de base d’installations efficaces d’eau, d’assainissement et de gestion des déchets dans les établissements de santé publique d’ici 2030 coûterait 7,9 milliards de dollars (a), soit moins d’un dollar par personne et par an.
Bien que l’élan soit donné, les services essentiels restent souvent fragmentés entre les secteurs et font l’objet d’un sous-investissement systémique dans la planification et la budgétisation nationales. C’est là un défi que de nombreux pays et partenaires s’efforcent actuellement de relever.
Nous devons changer notre façon de faire, en veillant à ce que les systèmes de santé soient prêts à faire face aux situations d’urgence, de manière à prévenir la prochaine pandémie et à réaliser notre objectif de fournir des services de santé de qualité et abordables à 1,5 milliard de personnes d’ici 2030. Pour y parvenir, il faudra aller au-delà du statu quo et veiller à ce que les ministères de la Santé et les autorités locales disposent du soutien nécessaire pour intégrer et pérenniser les investissements dans les infrastructures. Cela suppose également de travailler avec le secteur privé par l’intermédiaire de la Société financière internationale (IFC), la branche du Groupe de la Banque mondiale chargée du secteur privé, sur des aspects essentiels tels que la décarbonation et l’utilisation efficace des ressources.
Une collaboration intersectorielle
Dans cette optique, une nouvelle approche est en train de prendre forme. Dans le cadre de ses programmes sur les défis mondiaux (a) consacrés à l’eau et à la santé, la Banque mondiale aide les pays à investir dans des systèmes de soins sûrs, résilients et durables, bénéficiant d'une alimentation plus fiable en électricité. Les pays pourront ainsi mieux prévenir, détecter les urgences sanitaires et y répondre, ce qui contribuera à l’ambition plus large d’assurer des soins de santé élémentaires à chaque étape de la vie.
Des bailleurs de fonds tels que la Banque mondiale et le Bureau des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Developpement (FCDO) (a) du Royaume-Uni travaillent de concert pour :
mobiliser des financements nationaux et climatiques pour soutenir les priorités et les plans des pays ;
intégrer l’eau, l’assainissement et l’hygiène, l’énergie et la gestion des déchets dans les programmes d’urgence sanitaire et de réforme du système de santé ;
piloter des programmes collectifs pour sensibiliser à la menace de la résistance aux antimicrobiens et y faire face ;
produire des preuves et appliquer des méthodes fondées sur les résultats pour garantir la transparence et la redevabilité.
De premiers signes de progrès
Les premières avancées sont encourageantes. Au Malawi par exemple, le gouvernement s’est engagé à assurer l’accès universel à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène dans les établissements de santé d’ici 2030. Cette démarche a été appuyée par la Banque mondiale et d’autres partenaires pour renforcer la préparation et la réponse aux épidémies, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre de décès liés au choléra dans le pays : il est passé d’environ 1 800 en 2023 à moins de 20 en 2024.
Les investissements dans la préparation et l’implication des populations locales au Nigéria, en Indonésie, en République démocratique du Congo et en Éthiopie ont aussi contribué à briser le cycle d’une gestion réactive et coûteuse des crises. Conduits par les gouvernements et soutenus par les partenaires du développement, ces programmes sont conçus pour durer, et pas seulement pour réagir ponctuellement.
Pour assurer la sécurité sanitaire, il faut non seulement des investissements constants, mais aussi garantir une coordination étroite pour que les efforts des donateurs soient en adéquation avec les plans nationaux, renforcer les capacités de mise en œuvre et encourager la collaboration intersectorielle.
Des structures de coopération telles que le Partenariat mondial pour la sécurité de l’eau et l’assainissement (a) et le Mécanisme de financement mondial jouent également un rôle capital. Grâce à leur soutien aux travaux analytiques, à la mise en relation des acteurs et au financement d’investissements déterminants, elles permettent aux gouvernements de mener des actions plus rapides et plus judicieuses.
Le FCDO encourage en outre une approche multisectorielle pour surmonter les fragmentations et renforcer les systèmes qui fournissent des services de santé et d’eau, assainissement et hygiène durables et résilients face aux conditions climatiques.
Pour réaliser pleinement ces objectifs, nous devons rassembler ceux qui peuvent faire la différence. À ce titre, la Banque mondiale va présider la prochaine réunion du Réseau des responsables stratégiques de l’Organisation mondiale de la santé et de l’UNICEF en juin 2025, afin de promouvoir un travail intersectoriel et de renforcer les partenariats efficaces en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène au sein des systèmes de santé.
D’ici 2026, nous devons faire de réels progrès vers la réalisation des Objectifs de développement durable des Nations Unies en matière de santé et d’eau. Nous devons travailler en partenariat pour aider les pays à planifier, financer et fournir des services de santé sûrs et résilients, fondés sur des bases solides et construits pour durer. Car les urgences sanitaires n’attendront pas que de tels systèmes soient prêts.
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