Publié sur Voix Arabes

Sur le sentier d’Abraham : randonner au milieu des amandiers en fleurs et des oliveraies pour donner du travail aux femmes et aux jeunes de Palestine

sentier de randonnée qui cherche à retracer les pas d’AbrahamImaginez le décor, avec ces oliviers et ces amandiers en fleur à perte de vue, ces prairies luxuriantes et ces petits villages blottis au sommet d’une colline ou au fond d’une vallée. Pour l’ambiance, ce sera l’odeur d’un petit feu que notre guide local a allumé à l’ombre d’un aqueduc millénaire, frais et sombre, pour une pause thé bienvenue. Quant à la nourriture, c’est ce repas savoureux à la fin de notre journée de marche, concocté par une famille du cru. Voici en quelques mots ce que nous avons vécu, avec des collègues de la Banque mondiale, lors de notre randonnée dans le Nord de la Palestine...

Bien sûr, il ne s’agit pas d’une randonnée quelconque. Ni a fortiori d’une approche « classique » du développement, plutôt inattendue de la part de la Banque mondiale. Le sentier d’Abraham ( Masar Ibrahim en arabe) est une route touristique qui suit – plus ou moins fidèlement – les pas d’Abraham (ou Ibrahim), le père du judaïsme, du christianisme et de l’islam. Longue de plus de 400 km, elle relie 40 communautés de 4 pays.

Cet itinéraire jette une passerelle entre pays, cultures, communautés et générations, à travers l’histoire – comme un rappel de nos origines et de notre humanité communes. Plus de 4 000 voyageurs l’ont emprunté depuis 2008, surtout dans sa partie palestinienne et jordanienne. Les randonneurs apprécient de pouvoir loger chez l’habitant, de partager des repas maison et de profiter de l’éclairage de guides locaux, trop heureux de nous faire découvrir leur histoire et leur culture. À l’instar des visites d’une journée à Bethlehem, qui constituent l’essentiel du tourisme en Palestine, cette initiative injecte à sa manière de l’argent dans l’économie locale.

Grâce à l’organisation non gouvernementale Abraham’s Path Initiative, nous avons testé de près ce sentier de randonnée qui cherche à retracer les pas d’Abraham, depuis sa ville natale jusqu’à l’endroit de sa mort. Nous avons marché tout un après-midi, époustouflés par la beauté du paysage, d’autant plus conscients de l’importance de l’histoire et de la religion dans cette région du monde que nous pouvions entendre, de collines en collines, l’appel à la prière du muezzin. Et que dire de notre adorable guide local, jamais à court de commentaires anthropologiques et culturels, qui ajoutaient une touche originale à un environnement, déjà magnifique en soi.

À terme, le chemin pourrait couvrir pratiquement 5 000 km et 10 pays à travers le Moyen-Orient. Son tronçon palestinien traverse 13 communautés de Cisjordanie, depuis Naplouse au Nord jusqu’à Hébron, au Sud. Il s’écarte des sentiers battus et des centres touristiques traditionnels, apportant une diversification bienvenue au tourisme en Cisjordanie et à Gaza.

L’initiative pourrait avoir des retombées positives pour les communautés rurales de Cisjordanie, et notamment pour les femmes et les jeunes dont le taux de chômage est l’un des plus élevés de la région. Ce modèle novateur de tourisme culturel, au plus près du terrain, permet de côtoyer des habitants de ces campagnes, de tous profils. Ce sont surtout les femmes que nous rencontrons, qui peuvent gérer et préparer l’hébergement et les repas sans forcément sortir de chez elles – sans compter que les organisations locales les aident à développer le commerce des produits artisanaux de leur fabrication. Dans une région comme le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, où les femmes sont encore souvent confinées à la maison, c’est un moyen de les rendre plus autonomes et de fournir un revenu pour leur famille tout en entretenant la tradition de l’hospitalité.

Les guides, les communautés et les ONG qui font vivre ce sentier ont besoin de moyens financiers supplémentaires et c’est là où la Banque mondiale entre en scène. Consciente de l’originalité et de l’efficacité de la démarche pour toucher des communautés rurales marginalisées, elle investit dans le développement du parcours proprement dit, ses capacités et sa pérennité et assure une partie de sa publicité à travers un pôle d’informations virtuel, des services de géolocalisation et les réseaux sociaux. Les femmes et les jeunes auront accès à des programmes de préparation à l’emploi et de formation touristique et linguistique. Ce soutien devrait créer des emplois et améliorer le niveau de vie des habitants et des communautés établis le long du parcours, des femmes notamment.

Plus largement, la Banque mondiale est convaincue que le tourisme – surtout sous une forme originale comme celle-ci – est un moyen idéal de créer des revenus et des emplois dans tout le Moyen-Orient.

À la fin de notre randonnée, nous avons été invités par un couple et ses deux fils, qui nous ont régalés avec un délicieux musakhan
Non contente d’arpenter ces chemins, notre équipe a pu avoir un aperçu du quotidien d’une famille locale, de ses difficultés, de ses succès et de ses espoirs. À la fin de notre randonnée, nous avons été invités par un couple et ses deux fils, qui nous ont régalés avec un délicieux musakhan – une spécialité de Palestine à base de poulet rôti aux oignons, parfumé au sumac, au piment et à l’huile d’olive et recouvert de pignons de pin que l’on vous sert sur plusieurs tranches de taboon , ce pain sans levain épais et moelleux. Le goût acidulé du safran se mariait parfaitement à la douceur des oignons caramélisés et à la viande épicée. Ensuite, autour du thé, nous avons écouté cette famille évoquer son quotidien et son rêve de vivre un jour dans une région prospère et pacifiée. Les adultes s’impliquent activement dans la vie locale notamment, pour notre hôtesse, au sein d’une organisation de défense des droits des femmes.

Cette famille incarne parfaitement le sens de l’initiative du sentier d’Abraham – conçu pour favoriser des rencontres durables et perpétuer la gentillesse, la générosité et l’hospitalité envers l’étranger, typiques de cette grande figure historique.

Auteurs

Stefanie Ridenour

Spécialiste en finance et développement du secteur privé

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