Publié sur Voix Arabes

Une nouvelle vision de l’éducation préscolaire au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

Se préparer à relever le défi, ensembl

Du 19 au 23 février 2017, 15 pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord se sont retrouvés à Koweït City pour discuter de l’avenir de l’éducation de la petite enfance dans la région.
 
ImagePourquoi s’intéresser à l’éducation préscolaire
 
On ne soulignera jamais assez l’importance des premières années du développement d’un enfant. De nombreux éléments provenant d’études rigoureuses sur le long terme indiquent qu’une éducation préscolaire de qualité offre de nombreux avantages aux enfants, lesquels perdurent même à l’âge adulte. Parmi les multiples impacts positifs, une meilleure réussite scolaire ou une diminution des redoublements et des décrochages — sans oublier la corrélation avérée entre éducation préscolaire et trajectoires économiques plus productives à l’âge adulte (voir par exemple Gertler et al. 2014, Karoly 2016, Phillips et al. 2016., Dickens et al. 2006).
 
La communauté internationale a consacré ce rôle fondamental de l’éducation préscolaire pour le bien-être des individus et le développement des pays dans les Objectifs de développement durable (ODD), la cible 4.2 stipulant que les pays s’engagent « d’ici à 2030, [à] faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons aient accès à des activités de développement et de soins de la petite enfance et à une éducation préscolaire de qualité qui les préparent à suivre un enseignement primaire ».
 
Quelles implications pour les pays MENA
 
Pour atteindre cet objectif ambitieux, la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) doit consentir des efforts considérables. Le taux de scolarisation préscolaire y est de 29,9 %, situant la région à l’antépénultième rang mondial, juste devant l’Afrique subsaharienne (21,9 %) et l’Asie du Sud (18,2 %), et aux deux tiers de la moyenne mondiale (44 %). Par conséquent, la région doit augmenter la scolarisation préprimaire de 5 points de pourcentage par an en moyenne pour atteindre la cible 4.2 à l’horizon 2030. Bien entendu, ce chiffre global masque une grande diversité de situations : avec des taux respectifs de scolarisation préprimaire de 84,5 et 79,2 %, le Liban et l’Algérie n’auront que des efforts relativement faibles et concentrés à réaliser. Mais la plupart des autres pays MENA devront doubler ou tripler ce taux au cours des dix prochaines années, tandis qu’à Djibouti (4,7 %) et au Yémen (1,3 %), c’est ce pan entier de l’offre scolaire qui devra être développé ( ISU, dernière année disponible pour tous les pays et régions).
 
L’extension de la couverture de l’éducation préscolaire pour tous dans la région étant impérative, cela soulève deux grandes interrogations. La première a trait à la qualité des services d’éducation de la petite enfance : les programmes déployés ont-ils la qualité requise et procurent-ils les avantages attendus sur le plan du développement des enfants pour justifier les investissements à consentir (ou à augmenter) ?L’absence d’indicateurs adaptés sur les services fournis et d’évaluations d’impact des programmes d’éducation préscolaire dans la région ne permettent pas d’apporter une réponse définitive, ce qui fait de la question du suivi et de l’évaluation un objectif prioritaire.
 
Deuxième enjeu clé : définir les cibles prioritaires des programmes d’éducation préscolaire. Alors que l’un des objectifs de l’éducation de la petite enfance est de donner à tous les mêmes chances de réussite, l’offre dans la région MENA est extrêmement inéquitable, puisque c’est le milieu familial qui détermine en grande partie la possibilité pour un enfant de bénéficier de ce type de services. En Cisjordanie et dans la bande de Gaza par exemple, un enfant du quintile supérieur de revenu a deux fois plus de chances d’être pris en charge dans sa petite enfance (48 %) qu’un enfant du quintile inférieur (24 %). Dans le cas de l’Égypte, les chances pour un enfant du quartile le plus aisé d’avoir ce type de prise en charge sont quatre fois supérieures. C’est en Tunisie que les inégalités sont les plus prononcées, puisque les enfants les plus démunis n’ont que 13 % de chances de bénéficier d’une éducation et d’une protection de la petite enfance contre 82 % pour les plus riches ( El-Kogali & Krafft 2015 [a]).
 
Se préparer à relever le défi, ensemble
 
Si le défi est effectivement redoutable, il ne doit pas occulter les progrès accomplis. En février dernier, 39 experts techniques représentant 15 pays et territoires de la région MENA (Algérie, Arabie saoudite, Cisjordanie et bande de Gaza, Djibouti, Égypte, Émirats arabes unis, Iraq, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Oman, Qatar et Tunisie) se sont retrouvés au Koweït pour un colloque régional de haut niveau sur l’éducation préscolaire, afin de discuter — pour la première fois — des mesures à prendre dans la région pour réaliser la cible 4.2 des ODD.
 
Les échanges ont été riches et animés. Alors que les émissaires des ministères de l’éducation ont planché sur les conséquences de l’élargissement de l’offre d’éducation préscolaire pour la formation des enseignants, leurs homologues des ministères de la famille et de l’enfance ont placé l’éducation des parents et les programmes de soutien au cœur des débats. Les responsables de centres nationaux de recherche sur l’éducation ont quant à eux discuté avec passion de la nécessité d’accroître considérablement les capacités de suivi et d’évaluation de l’offre préprimaire, face à un représentant du ministère des finances qui a abordé la question de la réallocation budgétaire prioritaire pour réaliser la cible 4.2.
 
S’il est évident que chaque pays a ses propres atouts et difficultés en matière d’éducation de la petite enfance, ce colloque de cinq jours a également permis aux pays de comprendre qu’en agissant ensemble, ils peuvent obtenir plus vite davantage de résultats. Les instruments de mesure disponibles dans un pays peuvent servir de modèle aux pays voisins tandis que les supports de formation des enseignants d’un autre pays peuvent devenir des prototypes pour l’ensemble de la région. Cette reconnaissance par les participants de leur utilité mutuelle a signé l’émergence d’une communauté régionale de pratique sur l’éducation préscolaire.
 
Une feuille de route commune pour 2030
 
Bien décidés à permettre à chaque enfant de déployer son potentiel, les délégués se sont engagés à poursuivre résolument l’objectif fondamental et ambitieux visant à proposer une éducation préscolaire de qualité à tous les enfants de la région MENA. Pour ce faire, ils sont convenus d’une feuille de route commune à l’horizon 2030 dont l’un des piliers sera la fixation d’objectifs nationaux intermédiaires. Il s’agit de disposer ainsi de repères précis capables de susciter, chez les acteurs nationaux, régionaux et internationaux, un soutien sans précédent en faveur de l’éducation préprimaire. Ces cibles nationales concernent toutes les dimensions de l’éducation de la petite enfance. Ainsi, la feuille de route appelle chaque pays à privilégier l’équité et à passer en revue leurs politiques actuelles d’éducation préscolaire afin d’y intégrer des stratégies explicites pour atteindre les enfants les plus vulnérables, y compris les enfants ayant des besoins spéciaux.

Les délégués se sont également engagés à faire de la qualité le pivot de leur action en faveur de l’éducation préscolaire. La feuille de route commune prévoit que chaque pays fixe des cibles nationales pour différents mécanismes politiques visant à en garantir la qualité — dont l’élaboration de cursus nationaux étayés par des recherches, la possibilité pour les enseignants à ce niveau de suivre une formation initiale et continue améliorée ainsi que le suivi et l’évaluation continus des programmes.

La dimension régionale du programme d’action en faveur de l’éducation de la petite enfance a irrigué tous les débats. Soucieux de pouvoir offrir une éducation préscolaire à tous les enfants d’ici 2030, les délégués ont souligné les avantages d’une approche qui profite des économies d’échelle et crée des synergies au sein de la région MENA. La création de biens publics régionaux, à l’image de normes régionales minimales pour l’offre d’éducation préscolaire inspirées des meilleures pratiques internationales ou d’un outil régional permettant de mesurer les performances des enfants sur le plan du développement, pourrait jouer un rôle important pour faciliter et promouvoir la poursuite active de la vision commune des pays MENA.

La dynamique actuelle en faveur de l’éducation préscolaire dans la région MENA est une occasion unique pour les gouvernements nationaux, les partenaires du développement et d’autres parties prenantes concernées de tisser des partenariats efficaces et de mobiliser les ressources nécessaires afin de renforcer de manière sensible l’offre d’éducation préscolaire de qualité dans la région et de donner aux enfants tous les atouts pour s’épanouir et déployer leur potentiel.
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Ce colloque a été organisé dans le cadre de l’initiative « E4C » (Education for Competitiveness), une initiative régionale lancée conjointement par la Banque mondiale et la Banque islamique de développement dans le but d’aider les pays à améliorer leurs systèmes éducatifs et à accroître ainsi leur compétitivité. Des représentants du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), de l’institut Results for Development (R4D) et d’autres spécialistes internationaux reconnus de l’éducation ont également pris part à ce colloque.
 
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Auteurs

Maja Capek

Consultante pour le pôle

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