Compétences non cognitives : de quoi s’agit-il ? En quoi elles sont importantes ?

 Trinn Suwannapha / World Bank)
Avec l’automatisation croissante des métiers, qui bouleverse le monde du travail, les chercheurs s’intéressent de plus en plus aux compétences non cognitives (ou compétences socio-émotionnelles).  (Photo : Trinn Suwannapha / Banque mondiale)

Ces dernières décennies, de nombreux pays (en Asie de l’Est notamment) ont profité de l’avantage concurrentiel qu’ils retiraient de leur main-d’œuvre bon marché et peu qualifiée. Mais face à l’automatisation croissante des économies, la présence d’un vivier de travailleurs à faibles compétences et salaires ne garantit plus la croissance ni même l’emploi.

Point positif, la fameuse « quatrième révolution industrielle » créera bien des emplois puisque les nouvelles technologies ont besoin de travailleurs hautement qualifiés. Lors d’une conférence (a) internationale sur l’éducation, organisée récemment par la Banque mondiale à Jakarta (Indonésie), les participants — décideurs, chercheurs et représentants de diverses organisations — se sont efforcés d’approfondir les réflexions autour des enjeux découlant de ces évolutions.
 
De plus en plus, les travaux de recherche menés à l’échelon international et national et au niveau des établissements scolaires s’intéressent à l’utilité des compétences non cognitives (ou compétences socio-émotionnelles) et au rôle des systèmes éducatifs dans leur acquisition. La demande pour ce type d’aptitudes évoluera en fonction des nouveaux besoins des économies et des marchés du travail, la pénétration croissante de l’automatisation entraînant des transformations radicales.
 
De nombreux pays vont devoir repenser leurs systèmes d’éducation pour mieux accompagner et plus efficacement l’acquisition de compétences non cognitives afin que les élèves possèdent tous les atouts pour pouvoir s’adapter en permanence aux changements induits par la quatrième révolution industrielle et mener une vie prospère.
 
Les compétences non cognitives sont importantes pour le développement économique

Au-delà des différences de terminologie, la conférence s’est intéressée à l’ensemble des compétences qui relèvent du comportement et de l’état d’esprit, comme le souci du travail bien fait, la persévérance et la coopération, essentielles pour la réussite des individus, pendant leur scolarité et au-delà. Ensemble, les aptitudes cognitives, non cognitives et propres à tel ou tel emploi sont indispensables dans la vie professionnelle.
 
La recherche prouve que les compétences non cognitives ont un impact bénéfique concret sur la performance des systèmes d’éducation et des marchés du travail. Le travail d’enquête de la Banque mondiale sur les compétences au service de l’emploi et de la productivité (STEP) a ainsi identifié des retombées tangibles pour les individus faisant preuve de ténacité (a), de conscience professionnelle et d’esprit de décision sur le marché du travail — des compétences qui sont particulièrement précieuses pour les femmes ou les plus pauvres. Ces atouts prennent par ailleurs une importance supplémentaire face à l’évolution des besoins, liée notamment à l’automatisation grandissante, pour pouvoir rester compétitif sur un marché du travail en constante mutation.
 
Comment les pays agissent pour renforcer les compétences

À Singapour, premier du classement PISA 2015 (une enquête internationale menée tous les trois ans pour apprécier les performances des systèmes d’éducation en évaluant le niveau de jeunes de 15 ans en sciences, mathématiques et compréhension de l’écrit), les tendances récentes mises en évidence — la stratification et une forme d’« obsession » pour les résultats aux examens — ont conduit les décideurs et la société à repenser la nature même de l’éducation.
 
Les représentants de Singapour à la conférence ont exposé la vision plus globale de l’éducation adoptée par les autorités : désormais, les écoles ne se contentent plus de tester les compétences cognitives mais intègrent une éducation de la personnalité et de la citoyenneté centrée sur le bien-être et le « développement complet de l’individu ».
 
L’un des modèles, baptisé « Éducation positive », entend instiller une culture du soutien, de l’empathie et de la confiance. Dans cette approche, la réussite est appréhendée comme une « double hélice » composée du bien-être et de l’excellence académique.
 
Les effets positifs de la prise en compte des compétences non cognitives pour l’individu et la société sont toujours plus attestés, certains travaux de recherche constatant que plus l’acquisition de ces compétences commence tôt dans la vie d’un individu, plus elles seront efficaces. Mais les systèmes éducatifs peuvent également introduire ce type d’interventions plus tardivement sans perdre en efficacité. Le tout est de réaliser que les interventions précoces poseront les jalons qui permettront d’acquérir ensuite telle ou telle compétence, de manière plus ou moins approfondie.
 
À l’autre bout de la planète, le Mexique est en train de transformer son enseignement secondaire : l’objectif est d’exploiter la période particulièrement cruciale de l’adolescence pour impartir aux élèves des compétences socio-émotionnelles. Le ministre mexicain de l’Éducation a ainsi évoqué le programme Construye-T (a) pour les élèves de la 10e à la 12années, qui forme les enseignants à mettre en place des activités visant à développer ce type de compétences. En plus d’avoir un impact positif sur les résultats scolaires et de ne pas être trop coûteux à organiser, ce programme est apprécié des employeurs pour qui certaines des compétences mises en valeur (travail en équipe, sens des responsabilités ou encore ponctualité) sont la clé même d’une bonne productivité.
 
Les défis

Dans le cadre de réformes plus générales de l’éducation, l’Indonésie (pays hôte de la conférence) a récemment introduit un modèle d’éducation centré sur les compétences non cognitives et baptisé « éducation de la personnalité ».
 
Pour ce pays, le plus ardu aura été de trouver le meilleur moyen de proposer cette forme d’éducation en classe. Finalement, elle a été intégrée dans le cursus scolaire, afin de ne pas la dissocier du reste du programme. Les systèmes d’éducation « ne doivent pas arbitrer entre compétences cognitives et compétences non cognitives, car elles se renforcent mutuellement ».
 
Mesurer les compétences non cognitives

Une autre difficulté consiste à mesurer l’acquisition des compétences non cognitives. Les enquêtes STEP (a) constituent certes un bon point de départ, mais elles ne compensent pas l’absence d’un instrument efficace pour apprécier si ces compétences axées sur le comportement et l’état d’esprit ont été ou non acquises.
 
Pour cela, il faut parvenir à mesurer le processus plutôt que le résultat — une entreprise par essence complexe. De tels outils sont indispensables pour aider les pouvoirs publics à s’intéresser à ce champ relativement nouveau et faire en sorte que les politiques de développement des compétences évoluent au même rythme, soutenu, que la demande sur le marché du travail. À l’instar de PISA, les évaluations internationales intègrent de plus en plus les résultats non cognitifs, comme en témoignent les rapports, à paraître, sur la résolution de problèmes, la motivation et le bien-être.
 
Et maintenant ?

Les réflexions sur ces questions ne font que commencer. La Banque mondiale continuera de dialoguer avec les pays de l’Asie de l’Est, notamment autour du développement des compétences de demain : quel sera l’avenir du travail et quelles conséquences cette évolution aura pour le développement des ressources humaines et la création d’emplois ?
 
Ces interrogations seront au cœur d’un forum qui sera organisé par la Banque mondiale et le gouvernement de Corée en novembre 2017 à Séoul. Les décideurs, les chercheurs et les représentants du secteur privé invités devront réfléchir aux questions suivantes : à quoi ressemblera le travail de demain ? Comment gouvernements et secteur privé peuvent-ils tenter ensemble d’anticiper au mieux cette transformation en termes de développement des ressources humaines et de création d’emplois ?
 
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Auteurs

Raja Bentaouet Kattan

Responsable des opérations de la Banque mondiale pour le Yémen

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