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Le riz, source d’opportunités en Côte d’Ivoire n°2 : Développer des emplois de qualité en favorisant l’accès des agriculteurs aux marchés

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Ouvriers utilisant une batteuse à riz dans les plaines de Lopé, dans la Région du Hambol, Côte d’Ivoire. Photo : Raphaela Karlen/Banque mondiale)


Le premier billet de cette série de blogs nous a conduit au cœur de la Côte d’Ivoire en pleine saison des récoltes, à la rencontre de deux personnes dont les moyens de subsistance dépendent de la production de riz : Sali Soro, une agricultrice à la tête d’une petite exploitation, membre d’une coopérative rizicole régionale, et Zié Coulibaly, directeur du moulin à riz de Katiola.

Leur histoire illustre les défis auxquels font face les agriculteurs et meuniers de la région, ainsi que les lacunes dans la chaîne de valeur qui ne contribue pas autant qu’elle le pourrait à la réduction de la pauvreté en Côte d’Ivoire.

Un potentiel gagnant-gagnant

L’amélioration de la productivité agricole est au cœur de l’objectif de réduction de la pauvreté en Afrique. Pour y parvenir, le progrès technologique, sous forme de semences améliorées, de systèmes d’irrigation ou de mécanisation, ainsi que l’accès à des marchés à plus forte valeur ajoutée constituent des atouts essentiels. Cependant ces avancées s’avèrent généralement hors d’atteinte pour la majeure partie des petits exploitants. En effet, ils n’ont pas accès au crédit, et leur production ne répond pas aux attentes en matière de volume et de qualité pour accéder à ces marchés à plus forte valeur ajoutée. Dans le même temps, le développement de l’urbanisation et d’une classe moyenne dans de nombreux pays africains s’accompagne d’une demande intérieure en produits alimentaires de qualité plus forte. Le manque de régularité dans l’approvisionnement se trouve compensé par les importations, au sein de la région ou en dehors.

Le développement des chaînes de valeur pourrait s’avérer bénéfique pour tous. Cette approche prend en compte les contraintes auxquelles sont confrontés les différents acteurs au sein de la chaîne (fournisseurs d’intrants, producteurs, transformateurs et distributeurs), réduisant ainsi les coûts de transaction et renforçant l’efficacité de la chaîne. Cela créerait les conditions favorables à des échanges gagnant-gagnant entre tous les acteurs, notamment par l’établissement par contrat des conditions de transaction et de la répartition de la valeur ajoutée. Serait-ce une solution envisageable pour les petits producteurs de riz ivoiriens ? Comme souvent, la réponse des économistes serait « cela dépend ».

La première étape consisterait à impliquer les petits exploitants dans les chaînes de valeur. Pour ce faire, il faudrait que les acheteurs ne disposent que d’options limitées pour s’approvisionner auprès de gros producteurs et qu’ils puissent établir des relations contractuelles exécutoires avec les petits producteurs. Ces relations dépendent du potentiel de création de valeur et de la spécificité de la récolte ou du produit. Plus la valeur ajoutée est élevée et les exigences de qualité liées au produit sont spécifiques, plus il est aisé d’inciter les agriculteurs à remplir leur part du contrat, en leur offrant un prix attractif qui réduise les tentations de vendre à des tierces parties, du côté des agriculteurs, ou de se fournir auprès d’autres producteurs, du côté de la société. C’est pour ces raisons que l’agriculture contractuelle concerne habituellement les cultures commerciales ou les produits à forte valeur ajoutée, tels que les légumes, les fruits, la volaille et les produits laitiers, et non les cultures vivrières, comme le riz.

Ensuite, les coûts de transaction constituent un autre facteur important. Pour les acheteurs et les fournisseurs de crédit et d’intrants agricoles, établir des relations commerciales avec de nombreux agriculteurs représente un coût, du fait des nombreuses transactions que cela suppose, notamment en matière de suivi de la qualité. Les organisations agricoles et alliances productives peuvent aider à réduire ces coûts, tout en garantissant une plus grande part de la valeur ajoutée à leurs membres.

Enfin, il apparaît aussi important de pouvoir compter sur des acheteurs fiables, ayant la capacité d’acheter, de transformer et de commercialiser les récoltes sur des marchés à forte valeur ajoutée. Les grandes entreprises ont souvent été privilégiées pour le développement de chaînes de valeur conduites par le secteur privé. Toutefois des entreprises plus petites, souvent plus proches des producteurs et moins exigeantes en capital, offrent un plus grand potentiel de création d’emplois hors des exploitations agricoles et peuvent donc également jouer ce rôle d’entraînement. Cependant, ces entreprises ont souvent besoin d’appui pour répondre aux défis qu’elles rencontrent, que ce soit en matière de qualité de gestion, de lacunes dans l’information, ou encore de limites dans leur accès au financement et aux marchés.

Leçons de l’étranger

L’étude des chaînes de valeur horticoles au Sénégal et à Madagascar ont montré que le développement de chaînes de valeur inclusives contribuait à une baisse substantielle du taux de pauvreté. Mais qu’en est-il des expériences de contractualisation dans le secteur des denrées de base ? Un récent projet d’agriculture contractuelle pour le riz au Bénin a donné des résultats encourageants. Construit sur le modèle de production et transformation coopératives, similaire à celui dont font partie Soro et Coulibaly en Côte d’Ivoire, il a permis de développer les zones de culture rizicole, d’intensifier la production et la commercialisation du riz, à des prix plus élevés sur les sites de production et, au final, des revenus en hausse pour les agriculteurs.

Ces perspectives offertes par la recherche ainsi que l’expérience du Bénin ont incité le gouvernement ivoirien à adopter l’idée du développement de chaînes de valeur inclusives. Cette approche est en cours d’expérimentation dans le cadre d’un projet de filets sociaux. Il reste à voir si cette approche sera suffisante pour venir à bout des défis liés au développement de la chaîne de valeur pour les petits producteurs de riz en Côte d’Ivoire. Là encore, seule une expérience attentivement évaluée permettra de le savoir.

Ce billet est le deuxième d’une série de blogs analysant les raisons et les moyens de développer la chaîne de valeur du riz afin d’améliorer les opportunités d’emploi pour les populations rurales de Côte d’Ivoire. Il s’appuie sur la recherche, sur des consultations approfondies avec les acteurs publics et privés de la chaîne de valeur du riz, ainsi que sur des visites de terrain en Côte d’Ivoire.
 

Le riz, source d'opportunités en Côte d'Ivoire n°1 : Agriculteurs et meuniers montrent la voie
Le riz, source d’opportunités en Côte d’Ivoire n°2 : Développer des emplois de qualité en favorisant l’accès des agriculteurs aux marchés
Le riz, source d’opportunités en Côte d’Ivoire n°3 : Les contours d’un projet pilote
Le riz, source d’opportunités en Côte d’Ivoire n°4 : La difficile recherche de moulins prometteurs


Auteurs

Luc Christiaensen

Senior Economist, World Bank Africa Region, Africa

Raphaela Karlen

Senior Social Protection Specialist

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