En quoi les transports dessinent-ils l'avenir de notre planète ?

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ImageLa mobilité est un prérequis essentiel à la croissance économique  : elle garantit l’accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé et à bien d’autres services. Dans notre économie mondialisée, la mobilité des biens joue également un rôle crucial dans l’approvisionnement des marchés à travers la planète. A ce titre, on peut considérer que les transports sont le moteur du développement.

Mais le secteur est également responsable de 20% des émissions de CO2 dans le monde. Ces émissions augmentent à hauteur de 1.7% par an depuis l’an 2000, et 60% de cette augmentation est imputable aux pays ne faisant pas partie de l’OCDE, où la croissance économique s’accompagne d’une montée en puissance des ventes de véhicules particuliers.

Au fur et à mesure que la planète s’urbanise (les dernières prévisions tablent sur un taux d’urbanisation de 70% d’ici 2050), le développement de systèmes de transport propres, efficaces et sûrs est amené à jouer un rôle de plus en plus déterminant.

Cela représente un défi majeur pour les Etats… Mais derrière tout défi se cache une opportunité : en l’occurrence, la transition en faveur de transports moins polluants est à la portée des pays, à condition que ceux-ci mettent en place des politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en les combinant à des reformes sectorielles plus larges qui permettraient de tirer le meilleur profit des bénéfices liés à la transformation du secteur des transports (diminution des embouteillages, de la pollution à l’échelle locale, amélioration de la sécurité routière, etc.).

Bien entendu, cette équation vaut également pour l’Afrique, d’où je rédige ce blog. Avec le soutien d’autres collègues et la participation de plus de 200 invités, nous organisons cette semaine à Dakar le Forum sur les Politiques de Transport en Afrique, en partenariat avec le gouvernement du Sénégal. L’objet de ce rendez-vous annuel est justement d’évoquer les défis et opportunités auxquels sont confrontés les pays de la région pour développer des transports durables et sûrs.

La croissance économique de l’Afrique ne fait que renforcer l’importance stratégique du secteur des transports dans la mise en place d’un agenda de développement durable et centré sur les besoins des individus. Développer des systèmes de transport abordables, propres et sûrs apporterait une réponse intelligente et efficace au besoin de mobilité et aux conséquences de l’urbanisation rapide du continent.

Dans de nombreux pays, les politiques de transport actuelles privilégient toujours la voiture au détriment des transports collectifs. Sur une grande partie du continent africain, les zones rurales restent largement enclavées, et ne sont pas reliées aux marches ni aux autres services.

Les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports augmentent plus rapidement que les émissions des autres secteurs. Même si l’Afrique ne contribue pas encore de façon massive aux émissions de gaz à effet de serre, la tendance est clairement à la hausse - du fait notamment d’une urbanisation galopante, de la quantité importante de véhicules importés chaque année et de normes environnementales peu exigeantes.

Comme le souligne le rapport Prendre le Bon Tournant publié récemment par la Banque Mondiale, les investissements réalisés aujourd’hui dans le secteur des transports auront un impact sur notre consommation d’énergie et sur le niveau de nos émissions pour les 50 à 70 prochaines années.

Par conséquent, si nous n’ajustons pas dès à présent nos investissements en fonction du coût réel à long terme de l’énergie et des émissions, les coûts de transport auront vocation à augmenter de façon irrémédiable.

Autrement dit, c’est la façon dont nous nous déplaçons aujourd’hui qui déterminera demain notre capacité à mettre en œuvre le développement durable .

Les villes des pays en développement, soumises à une croissance rapide, peuvent et doivent saisir l’opportunité qui se présente à elles de développer dès maintenant des systèmes de transport peu polluants, avant que des modes de développement urbain et d’occupation des sols intenables à long terme ne produisent des effets irréversibles.

Les transports doivent également faire l’objet de réformes plus en profondeur qui fassent le lien entre la réduction de la contribution du secteur au changement climatique et d’autres externalités.

Le temps et la productivité perdus dans les embouteillages, par exemple, représentent un manque à gagner de plusieurs milliards de dollars par an, tandis que les accidents de la route provoquent chaque année la mort de près d’1,3 million d’individus à travers le monde.

L’Afrique affiche le taux de mortalité routière le plus élevé de la planète, alors que les véhicules circulant sur le continent ne représentent que 2% de la flotte mondiale. On estime que les accidents de la circulation tuent chaque année environ 200 000 Africains, soit 16% du nombre total de morts sur les routes.

Insister davantage sur ce type d’effets collatéraux peut inciter les décideurs à agir, et permettrait d’atteindre plus facilement  les objectifs mondiaux d’atténuation du changement climatique.

Les recettes générées par les mécanismes d’incitation fiscale peuvent aussi avoir un impact positif sur l’économie et les transports. On constate par exemple que les fonds alloués à la maintenance et à l’entretien des infrastructures de transport se révèlent presque toujours insuffisants ; l’affectation spéciale de certaines recettes fiscales en faveur des transports mettrait fin à cette situation de sous-investissement chronique. Il existe aussi des marges de manœuvre pour taxer davantage les externalités négatives des transports comme les émissions, et réduire en contrepartie les prélèvements sur les revenus ou les investissements productifs.

Il serait alors possible de profiter doublement du développement des transports peu polluants, qui pourraient à la fois accroître les revenus et la prospérité tout en réduisant la pauvreté.

La bonne nouvelle ? L’instauration de politiques de transport respectueuses de l’environnement est possible, comme le démontrent plusieurs exemples à travers le monde. Mexico City a ainsi très largement réduit son niveau de pollution en durcissant la législation sur les carburants, et grâce à la construction d’un réseau de Bus à Haut Niveau de Service dénomme « Metrobus » ; aujourd’hui, 20 des 32 millions de trajets quotidiens sont assurés par le système de transports collectifs.

A Canton, l’aménagement d’une « coulée verte », d’un système de Bus à Haut Niveau de Service et la mise à disposition de quelque 5000 vélos en libre-service auront pour effet d’économiser 86 000 tonnes de CO2 par an sur les 10 premières années.

En Afrique, les réseaux de Bus à Haut Niveau de Service de Lagos, du Cap et de Johannesburg offrent là encore un exemple intéressant dans la mesure où ces systèmes proposent un service de transport abordable et de qualité à des millions de citadins.

Bien qu’ils jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le Développement, les transports ont été quelque peu oubliés ou délaissés lors des négociations sur les OMD. Toute stratégie de développement qui se veut réellement durable et puisse profiter au plus grand nombre devra donc intégrer clairement le secteur, surtout dans une période comme celle-ci ou la communauté internationale cherche à définir une nouvelle série d’Objectifs de Développement Durable (ODD) dans le cadre de l’agenda de développement pour l’apres-2015.

Les pays africains présents à ce Forum sur les Politiques ont bien conscience qu’ils ne peuvent pas manquer cette opportunité et faire l’impasse sur les transports durables. Leurs orientations dans ce domaine auront un impact décisif sur leur capacité à créer des richesses et à enrayer la pauvreté de façon durable. Nous devons soutenir ces efforts. Le moment est venu de relever le défi des transports.

Nous devons aller de l’avant !

 
Pour en savoir plus :
 


Photo: Beatrice Spadacini


Auteurs

Marc Juhel

Directeur du Secteur Transports, Banque Mondiale

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