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Dans le secteur minier, les femmes unissent leurs efforts pour améliorer leur situation

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Récemment, lors d’une conférence (a) parrainée par la Banque mondiale, j’ai côtoyé plus de 150 femmes qui travaillent dans le secteur minier en République démocratique du Congo (RDC). C’était la première conférence nationale (a) organisée dans ce pays pour débattre des problèmes que rencontrent spécifiquement les femmes, ainsi que des possibilités d’améliorer leur bien-être.  

Nombre de thèmes ont été abordés au cours de ces trois jours. Certains des plus importants ont émané des témoignages des femmes elles-mêmes. Ainsi, la projection d’une vidéo montrant des fillettes de 12 ans cassant du quartz pour en extraire de l’or a permis de mieux comprendre les problèmes en jeu. Pour ce travail, une femme peut gagner jusqu’à 2 000 francs congolais par jour, soit environ 2 dollars. Nombre de femmes qui ont participé à la conférence ont fait voir leurs mains pleines de callosités dues à de longues années de dur labeur. Mais ce n’est là qu’un exemple des effets des emplois physiquement les plus éprouvants occupés par des femmes dans les exploitations minières artisanales et de petite taille.

Durant la conférence, un haut fonctionnaire a admis qu’il n’était pas au courant de la dureté des conditions de travail auxquelles la plupart des femmes sont soumises dans les mines artisanales. Des actions de sensibilisation permettront de remédier aux obstacles juridiques et institutionnels qui accentuent la discrimination à l’encontre des femmes. Au nombre de ces obstacles figurent notamment l’obligation imposée aux femmes de recourir à un intermédiaire pour vendre leur production, et les difficultés extrêmes qu’elles rencontrent pour obtenir des permis d’exploitation et des droits de propriété miniers. Pour la majorité de ces ouvrières, l’exclusion structurelle est perçue comme systémique. Elle les cantonne dans les emplois les moins qualifiés et les moins rentables, et elle les prive du pouvoir de négocier leur rémunération et leurs conditions de travail.

Outre cette discrimination structurelle, la violence envers les femmes fait partie des violations fréquentes de leurs droits fondamentaux. Maman Jeanne Ngoy Mana Muzungu, présidente de l’association des femmes mineurs à Djibende, a relaté les difficultés auxquelles elle s’est heurtée pour nourrir ses six enfants après le décès de son mari dans un accident minier. Pour travailler elle-même à la mine, elle a dû « acheter » un droit d’entrée au propriétaire du site en vendant son corps pour une nuit. Son récit de cette transaction sexuelle a trouvé un écho chez de nombreuses autres femmes qui, pendant la conférence, ont fait part de leur propre vécu. 

Ces témoignages ont non seulement donné aux femmes le courage d’agir, mais ils les ont également aidées à comprendre qu’elles n’étaient pas seules. Ainsi, Baharanyi Esperance, mwamikazi (« chef ») à Twangiza et députée à l’assemblée provinciale du Sud-Kivu, m’a déclaré le dernier jour de la conférence : « Je suis surprise de voir que ce problème touche autant de femmes. Je pensais que ce qui se passait dans nos villages n’arrivait pas ailleurs. »

La conférence a aussi permis la diffusion de nombreuses expériences positives. Un débat a mis en avant le parcours de trois femmes qui ont acquis une notoriété nationale dans le secteur minier : Yvette Mwanza, directrice exécutive d’African Smelting Group, Bibiche Efomi, conseillère juridique chez Banro Mining Ltd., et Yasmine Zuma, géologue pour un organisme international. Toutes ont assuré à leur auditoire féminin qu’il était possible de gravir les échelons de la filière minière, mais que cette réussite imposait des sacrifices, de la détermination, une concentration sur l’objectif et du courage. Elles ont insisté sur quelques-uns des facteurs clés de leur réussite : des compétences en gestion des entreprises, une parfaite maîtrise de l’anglais, une bonne connaissance de la législation minière et la volonté de comprendre les besoins des grandes compagnies minières et de leurs clients internationaux. Mais pour que davantage de femmes puissent postuler à des postes d’encadrement dans des multinationales minières, des organisations internationales ou l’administration publique, il est surtout impératif d’encourager très tôt les filles à étudier les mathématiques et les sciences.

Pour relever ces défis majeurs, les participantes à la conférence ont élaboré un plan d’action national en vue de constituer en RDC un Réseau national des femmes dans les mines (RENAFEM). Ce plan d’action est axé sur la mobilisation de base, dans l’optique de créer un vaste réseau dynamique de femmes et d’organisations œuvrant à améliorer la condition féminine dans le secteur minier. À l’avenir, le RENAFEM devrait promouvoir des dispositifs de crédit renouvelable et d’épargne à petite échelle, ainsi que des activités d’information sur les droits et responsabilités des femmes dans les mines. Son objectif est d’aider davantage de femmes à tirer des effets bénéfiques durables du secteur minier.

À cet égard, la conférence a montré l’ampleur de la tâche à accomplir pour autonomiser les femmes mineurs en RDC. Depuis, je suis impatiente de voir comment le projet PROMINES de la Banque mondiale pourra mieux appuyer les réformes institutionnelles et juridiques mises en œuvre par le ministère des Mines de ce pays afin de lutter plus efficacement contre les discriminations auxquels se heurtent ces femmes.

Pour des informations supplémentaires sur quelques-uns des problèmes rencontrés par les femmes dans le secteur minier, veuillez consulter le rapport récemment présenté par la Banque mondiale et la Harvard Humanitarian Initiative  


Auteurs

Rachel Perks

Senior Mining Specialist, Energy & Extractives Global Practice, World Bank

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