Publié sur Opinions

Les femmes ne devraient pas se libérer du joug de la violence. Cherchez l’erreur !

Vous pensez, mesdames, qu’il n’y a aucun problème à quitter son tablier, conduire, voter ou porter un pantalon. Eh bien détrompez-vous. Essayez de taper « les femmes ne devraient pas… » dans la barre de recherche Google et jetez un œil aux suggestions du moteur de recherche. En fonction des langues, vous obtiendrez des résultats variant autour de « … voter », « … travailler », « … conduire » ou « … prêcher ». Ce sexisme profond et insidieux installé dans la conscience collective a inspiré une campagne d’ONU Femmes qui montre des visages de femmes la bouche couverte par ces affronts.

La campagne d’ONU Femmes montre des visages de femmes dénonçant des préjugés sexistes © Memac Ogilvy & Mather Dubai/ONU Femmes

Ces messages dérangeants ne viennent pas de nulle part. Ils reflètent des normes sociales, et la persistance tenace de ces clichés nous rappelle que les normes évoluent lentement, si tant est qu’elles évoluent. D’après l’Organisation mondiale de la santé, au moins 35 % des femmes dans le monde ont subi une agression à un moment de leur vie, de même que beaucoup d’hommes et de garçons, en particulier si leur comportement va à l’encontre de la norme dominante.

Il est tentant de penser que les normes ont changé à partir du moment où l’on voit des gens faire des choses qui ne se faisaient pas auparavant. Dans beaucoup de pays où nous travaillons, nous voyons des femmes et des filles porter des pantalons, voter, aller à l’école et emprunter les transports publics. Nous voyons aussi des hommes endosser des fonctions traditionnellement perçues comme « féminines », par exemple s’occuper des enfants. Ce que l’on oublie, c’est qu’il existe une distance entre le moment où un comportement est considéré comme « quelque chose que des individus font » et celui où il est véritablement entré dans la norme et que cet espace est crucial.

Aujourd’hui, nous savons plutôt bien entraîner la population, et surtout les femmes, vers cet espace. Nous bâtissons des écoles, nous relions les gens grâce à la technologie ou aux transports, nous construisons des établissements de santé qui améliorent l’accès des catégories marginalisées à ces services, et bien plus encore. Quelques personnes courageuses s’engouffrent dans cet espace. Mais nous oublions parfois que celui-ci présente des dangers pour les femmes, ainsi que pour les hommes qui ne se conforment pas à la norme dominante. Un programme de microcrédits destiné aux femmes peut accroître leurs revenus et leur autonomie, mais il risque aussi de perturber la dynamique des forces dans le foyer ou la communauté, et d’exposer les femmes à la violence. De même, la construction d’une nouvelle route peut rapprocher les femmes d’opportunités de revenus sur un marché, mais les place aussi en position d’être harcelées ou agressées sexuellement. Que faisons-nous pour atténuer ces risques dans nos opérations ? Et au-delà de nos projets, que faisons-nous pour réduire et prévenir la violence de manière plus générale ?

C’est dans cet esprit que notre équipe au sein du département Développement social (a) a examiné l’expérience de la Banque mondiale dans la lutte contre la violence à l’encontre des femmes et les violences sexuelles. Il est apparu que 38 projets opérationnels en 2008 ou après se sont attaqués à ce problème d’une manière ou d’une autre, pour un investissement estimé à 22,5 millions de dollars. Ce chiffre peut paraître élevé, mais pensez que sur cette somme, 17 millions de dollars sont consacrés à un seul prêt (au Honduras), ce qui revient à un investissement moyen d’à peine 200 000 dollars pour les autres projets. L’essentiel de ces investissements proviennent de fonds fiduciaires, financent des travaux analytiques et se focalisent sur des zones géographiques où la violence est si intense qu’on ne peut l’ignorer, comme en République démocratique du Congo ou en Haïti.

Cela étant, nous nous employons actuellement à consacrer davantage d’attention — et d’argent — à ce problème de développement critique. Depuis 2012, 12 nouveaux projets portant sur les violences sexuelles et faites aux femmes ont été approuvés et six nouveaux prêts à l’appui des politiques de développement ont été lancés dans le but de favoriser la réforme de la politique publique sur ces questions.

Mais nous pouvons faire tellement plus. Notre rapport sera disponible après un débat le 13 novembre de 12 h 30 à 14 h 00, au siège de la Banque mondiale, salle MC C2-131, qui accueillera une table ronde d’experts examinant ce que nous avons fait dans ce domaine, quels enseignements nous en avons tirés et ce que nous pouvons faire d’autre. Les visiteurs extérieurs à la Banque mondiale peuvent contacter Joyce Chinsen (jchinsen@worldbank.org) pour assister à cette réunion ou se connecter au webcast (a).


Auteurs

Alys Willman

Former Senior Social Development Specialist, Fragility, Conflict & Violence Group

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