Publié sur Opinions

Les pauvres, la Banque mondiale et les objectifs de développement pour l’après-2015

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Comme un air de changement

 
Voici 15 ans, la communauté internationale se fixait pour objectif de réduire de moitié le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté – adoptant à cet effet les objectifs du Millénaire pour le développement pratiquement à huis clos et pendant les fêtes de fin d’année.... Quelques années plus tard, la Banque mondiale publiait ses lignes directrices pour les stratégies de réduction de la pauvreté dans les pays pauvres très endettés. Là aussi, les décisions étaient prises à Washington en comité restreint.
 
Heureusement, les choses ont changé depuis.
 
Aujourd’hui, le processus d’identification et de consultation autour du programme de développement pour l’après-2015 est ouvert au public et – surtout – à ses principaux bénéficiaires. Les Nations Unies comme d’autres partenaires ont en effet lancé une campagne dirigée vers les citoyens pour recueillir directement des idées et des commentaires sur ce qu’ils aimeraient voir figurer dans ce programme pour l’après-2015. Les personnes chargées de formuler ces objectifs ne seront plus obligées de poser des hypothèses sur les attentes des populations pauvres et vulnérables : elles connaîtront leurs priorités de première main.
 
Le Groupe de la Banque mondiale l’a affirmé très clairement : faute d’institutions, de structures et de processus qui contribuent à rendre les communautés autonomes, à tenir les pouvoirs publics comptables de leurs actes et à permettre à tous les groupes d’une société de participer aux prises de décisions, ses nouveaux objectifs – éradiquer l’extrême pauvreté et promouvoir une prospérité partagée – resteront inaccessibles. Autrement dit, leur réalisation passe par un contrat social entre un pays et ses citoyens visant à compenser l’inégalité des capacités d’expression, de participation et de pression des différents groupes sociaux, y compris les pauvres.

Mais c’est loin d’avoir toujours été le cas. De fait, le rôle des pauvres dans le développement a constamment évolué, même si les progrès n’ont pas forcément été aussi rapides qu’espéré. Mais ils ne sont plus cantonnés à un rôle passif de bénéficiaires de l’aide et se retrouvent au cœur du développement économique et humain. Les stratégies de réduction de la pauvreté que j’évoquais ont permis à la société civile de participer d’égal à égal à un dialogue avec les autorités – une situation jusque-là totalement inenvisageable. Des initiatives de la Banque mondiale comme, entre autres, « La voix des pauvres » ou « Listening to Africa » (À l’écoute de l’Afrique) ont témoigné de cette volonté de s’engager au plus près des populations pauvres et vulnérables afin de mieux les comprendre. Aujourd’hui, le Groupe de la Banque mondiale soutient ouvertement l’expression et la participation des pauvres et des plus fragiles et s’emploie activement, aux côtés des parties prenantes, à faire en sorte que leur opinion, essentielle, soit prise en compte au moment de décider de leur avenir.
 
Prenons un exemple : le prêt de la Banque mondiale à l’appui des politiques de développement accordé à la ville de Belo Horizonte, au Brésil, a permis d’introduire un mécanisme participatif d’élaboration du budget qui prévoit l’allocation directe aux acteurs de la société civile de 10 % des fonds alloués au développement urbain. C’est aussi grâce à une approche participative que la ville a pu élaborer sa « Vision 2030 », qui comprend 12 axes et 25 objectifs. Je pourrais citer le cas du Cameroun, de la République démocratique du Congo ou de la République dominicaine. Et la liste est loin d’être close – de la plateforme de rétroaction citoyenne en ligne mise en place à Pékin pour les transports urbains aux conseils de développement communautaire en Afghanistan en passant par les projets de justice communautaire pour les pauvres en Sierra Leone… Tous illustrent le rôle crucial des pauvres pour améliorer l’adéquation des interventions de la communauté internationale.
 
Marquons-nous des points ?
 
Du point de vue du terrain, il paraît raisonnable que nous continuions tous à investir dans ces interventions qui donnent aux communautés, aux pauvres et aux personnes marginalisées un contrôle sur les décisions concernant le développement et les ressources. Nous savons d’ailleurs que le développement piloté par les communautés a joué un rôle décisif pour organiser des services en faveur des régions, des villages et des ménages les plus déshérités – et pour autonomiser les pauvres. Nous savons aussi que ces interventions devront affronter leurs difficultés et leurs problèmes, comme de transposer à grande échelle ce qui a fonctionné pour quelques communautés. Le défi est de taille (et ce d’autant plus que l’intervention concerne un pays en guerre, sorti d’un conflit, en situation de fragilité ou touché par une catastrophe naturelle).
 
Du côté de la Banque mondiale, des initiatives comme Mapping for Results permettent de géolocaliser les projets à l’échelle des communautés et de leur fournir ensuite des outils technologiques pour s’engager dans d’autres projets. Pour les décideurs, c’est un moyen de visualiser et de situer les preuves de l’efficacité des programmes et des interventions, partout dans le monde. Cette approche originale les aide à planifier leurs actions et à renforcer la responsabilité sociale des citoyens. Plusieurs portails d’information sont accessibles au public, comme Open Data, OpenAid ou Development Marketplace et, prochainement, un tableau de bord pour visualiser les inégalités – dans le but, nous l’espérons, d’encourager un emploi innovant de la technologie associée.
 
Mais cette transparence doit aller de pair avec une volonté politique claire. Le Partenariat mondial pour la responsabilité sociale (GPSA) contribue par exemple à réunir la société civile et les pouvoirs publics autour d’enjeux majeurs pour la gouvernance dans les pays en développement. Aujourd’hui, 37 gouvernements ont adhéré au GPSA et autorisent ce faisant le financement direct d’organisations de la société civile opérant sur leur territoire. Par ailleurs, plus de 130 organisations ont désormais le statut de « partenaires mondiaux » du GPSA.
 
Mais revenons au programme de développement de l’après-2015. Toutes les parties prenantes – communauté internationale et partenaires régionaux, nationaux et locaux – vont devoir redoubler d’efforts pour défendre l’égalité des sexes et des chances ainsi que l’émancipation des femmes et des groupes marginalisés. Ce sont là des priorités majeures. Faisons en sorte que, cette fois-ci, ces engagements répondent à une demande populaire.


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