Publié sur Opinions

Mettre en place des infrastructures qui répondent aux besoins des femmes et des hommes

Ouvriers sur un chantier de construction. Photo : © Mark Agnor/Shutterstock Ouvriers sur un chantier de construction. Photo : © Mark Agnor/Shutterstock

Ce billet a été initialement publié en anglais par l’Economist Intelligence Unit dans le cadre d'un projet de recherche appuyé par l'UNOPS, The critical role of infrastructure for the Sustainable Development Goals.


Les femmes pâtissent plus que les hommes du manque d’accès à des infrastructures de qualité. Il est indispensable que les femmes prennent part à la définition des priorités en matière de conception et de fonctionnement des infrastructures pour que celles-ci contribuent effectivement au développement.


Malgré des décennies de progrès, le manque d'infrastructures dans le monde reste abyssal (a) : environ 940 millions de personnes vivent encore sans électricité, 2,2 milliards n’ont pas accès à des services d’eau gérés en toute sécurité et 4,2 milliards à des équipements sanitaires (a), tandis qu’un milliard d’habitants vivent à plus de deux kilomètres d’une route praticable toute l’année.

Ce déficit d’infrastructures a des implications spécifiques pour les femmes. Le manque d’accès à des infrastructures de qualité, de même que la manière dont celles-ci sont conçues, construites et gérées, ne touchent pas les hommes et les femmes de la même façon.  On sait que dans la plupart des pays du monde ce sont les femmes qui sont chargées d'assurer l’approvisionnement en eau du foyer. Cette responsabilité a des répercussions considérables sur leur emploi du temps : au Niger, la corvée d'eau occupe en moyenne 13 jours de la vie des femmes et des filles chaque année (a). L’absence d'électricité empêche l’utilisation de systèmes d’éclairage, de pompes à eau électriques ou d’appareils de réfrigération, ce qui complique lourdement les tâches ménagères accomplies par les femmes. 

Inversement, un meilleur accès à l'électricité aura des retombées extrêmement positives pour les femmes. En dotant l’extérieur de leur domicile et les espaces publics d’un éclairage sécurisant, leurs déplacements et leur mobilité seront facilités (a).

Or, la conception des infrastructures a traditionnellement mal pris en compte les besoins distincts des hommes et des femmes.  Les responsables de l’aménagement des infrastructures considèrent généralement le ménage comme une unité homogène, et principalement uniquement du point de vue des hommes. Les études montrent notamment que les femmes accordent davantage d’importance à la qualité de l’accès à l’eau que les hommes (a). L’absence d’installations sanitaires correctes et sûres dans les espaces publics, en particulier dans les camps de réfugiés ou de déplacés, accroît la stigmatisation des femmes pendant leurs règles, le risque de violences à leur encontre ou encore le risque d’infections urinaires. Soit autant de conséquences néfastes que ne subissent pas les hommes.

« Les femmes peuvent jouer un rôle déterminant pour combler le déficit d’infrastructures. La diversité contribue à l’innovation. Le point de vue des femmes sur la conception et la gestion des infrastructures permettra à la fois d'améliorer les services aujourd’hui et de favoriser l’innovation demain. »

Genre et conception des transports urbains

De même, les femmes pâtissent plus que les hommes des effets de la médiocrité des transports qui entrave leur accès aux emplois, aux établissements éducatifs et aux centres de santé.  Parce qu’elles sont mal pensées ou qu’elles fonctionnent mal, les infrastructures de transport en commun dans les villes mettent en péril la sécurité des femmes et aggravent leur exposition aux violences sexistes. Des risques mis en évidence dans les témoignages des femmes ayant participé à une étude de la Banque mondiale consacrée aux transports urbains dans trois villes d’Amérique latine (a) et qui paraîtra prochainement sous le titre What makes her move? A study of women’s agency in mobility in three Latin American cities.

« Mon mari m’a demandé pourquoi je voulais aller travailler ailleurs. Il m’a dit : “Pour travailler hors de la maison, il faudra prendre les transports en commun. Tu devras prendre un train et tu risques de te faire harceler. Tu vas détester ça. En plus, tu auras affaire à des chefs qui te donneront des ordres, alors qu’ici, à la maison, tu travailles pour toi, tu peux prendre la voiture et emmener les enfants faire un tour.” Il tenait à ouvrir un snack. Il a vendu notre voiture et m’a trouvé un travail au restaurant. »

Femme d’âge moyen dans un quartier défavorisé de Rio de Janeiro (Brésil)

Comme le montre une étude sur les différents usages des transports urbains chez les hommes et les femmes à Buenos Aires (a), en Argentine, les femmes sont souvent cantonnées à des emplois qui se trouvent à proximité de chez elles. Elles ont des trajets qui les obligent à prendre plusieurs transports collectifs, et doivent concilier travail et tâches domestiques. L’absence de systèmes de transport intégrés et multimodaux rend le travail loin du domicile trop coûteux en temps et en argent. Soit autant de facteurs qui limitent fortement le potentiel de rémunération des femmes. Dans certaines zones de la ville, les hommes avec des enfants ont accès à 80 % d’emplois de plus que les femmes. 

Des infrastructures conçues et gérées du point de vue des femmes

Il est indispensable que les femmes prennent part à la définition des priorités en matière de conception et de fonctionnement des infrastructures pour que celles-ci contribuent effectivement au développement.  Des transports « non sexistes » passent en premier lieu par des infrastructures qui garantissent la sécurité aux femmes. Si cette exigence sécuritaire n’est pas satisfaite, la présence de normes sexuées tendra à empêcher les femmes de participer activement au marché du travail et aux activités de la vie collective. Et pour veiller systématiquement à la sécurité des transports, il est indispensable d’agir davantage sur le changement des comportements. Un projet de transport urbain au Mexique (a) s’est attaché à collaborer avec les chauffeurs d’autobus pour identifier et mettre en œuvre des mesures de prévention du harcèlement sexuel et des violences sexistes, ce qui a permis d’augmenter le nombre de femmes actives empruntant ce mode de transport.

Par ailleurs, les femmes peuvent jouer un rôle déterminant pour combler le déficit d’infrastructures. En effet, la diversité contribue à l’innovation. Le point de vue des femmes sur la conception et la gestion des infrastructures permettra à la fois d'améliorer les services aujourd’hui et de favoriser l’innovation demain.  C’est pourquoi elles doivent être plus nombreuses à investir ce secteur, tant dans le domaine de la conception que dans celui de la construction et des services. Un réseau mis en place dans le secteur électrique en Asie du Sud (a) s’emploie précisément à renforcer la participation et le rôle des femmes dans l’infrastructure. L’objectif est de permettre à un plus grand nombre de femmes d’intégrer les entreprises du secteur afin qu’elles puissent influer plus fortement sur la promotion d’infrastructures inclusives qui répondent aux besoins des deux sexes.

Des infrastructures adaptées à tous auront un effet transformateur à la fois pour les femmes, les économies et l’ensemble de la société. 

 

Auteurs

Anna Wellenstein

Regional Director, East Asia and Pacific, Sustainable Development Practice Group, World Bank

Maninder Gill

Global Director, Environmental and Social Framework

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