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Népal : faire classe autrement après le séisme

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 Suresh Ghimire.
Biswash, 12 ans, qui vit dans le camp d’Uttar Dhoka, montre son collage de Dharahara.
Photo - Suresh Ghimire

Le 25 avril dernier, le jour du tremblement de terre, mes collègues et moi-même étions en train d’organiser une exposition des dessins d’élèves pour ce dernier jour d’une session scolaire de 12 semaines. Au moment de la secousse, nous étions avec 12 enfants et leurs parents. Notre premier instinct a été de les protéger. Sans perdre notre sang-froid, nous avons rassemblé tout le monde dehors et nous avons essayé de nous réconforter. Ce n’est que plus tard, après les dernières répliques, que nous avons découvert l’ampleur des dégâts. Nous avons immédiatement appelé nos proches et avons été soulagés de savoir que tout le monde allait bien.
 
Je suis enseignant chez Karkhana (a), une société qui conçoit et assure des cours pratiques en science, technologie, ingénierie, sciences humaines et mathématiques (STEAM) pour des élèves de collège au Népal.

Nous avons vite compris, 48 heures après le séisme, que sans vraie compétence spécialisée pour assurer les soins d’urgence et l’assainissement, reconstruire ou prendre en charge les blessés, nous ne pouvions guère contribuer aux secours immédiats.

La seule chose que nous sachions faire, c’est enseigner.​ 
 
 Dipeshwor Shrestha.
Des enfants du camp d’Uttar Dhoka participent à une séance de gymnastique avant la session du jour.
Photo - Dipeshwor Shrestha
Même quand les choses vont mal, l’apprentissage doit continuer

Après une crise, les responsables des écoles et les enseignants réfléchissent à ce qu’ils feront quand les cours reprendront. Comment travailler avec des élèves qui ont perdu un proche ou leur foyer ? Seront-ils en mesure de répondre à leurs questions ? Les enfants seront-ils intéressés par leurs études et arriveront-ils à se concentrer ? Quelles mesures essentielles les institutions œuvrant auprès des populations vulnérables doivent-elles prendre ? Comment gérer le traumatisme subi par les enseignants et les élèves avant la reprise des cours, pour éviter de le transmettre aux autres ?

Trois jours après le séisme, j’ai rencontré mes collègues enseignants pour mettre au point un programme de cours réduit à l’essentiel destiné aux enfants des deux camps temporaires de Uttar Dhoka et à ceux réfugiés à la mairie de Kumari. Après avoir réuni une cinquantaine d’enfants dans les camps d’Uttar Dhoka, j’ai compris que j’allais devoir commencer par réveiller leur intérêt et leur curiosité. Ensuite seulement, nous aborderions le programme défini.
Avec mon groupe de gamins âgés de 8 à 13 ans, j’ai commencé par des mouvements de gymnastique et puis je suis passé à quelques problèmes de math. ​Shankar, 12 ans, a tout de suite compris le principe du calcul binaire et ce petit génie en herbe s’est mis à l’expliquer à ses camarades plus jeunes que lui.
 
Ensuite, j’ai proposé une activité de collage. Biswas m’est immédiatement apparu comme l’artiste du groupe, m’impressionnant par le niveau de détails de son projet. En voyant tous les sourires illuminer les visages de ces enfants, j’ai compris que ça valait vraiment la peine de recommencer le lendemain.

Aider les enfants à affronter les suites du séisme

Les jours suivants, nous avons discuté avec des psychologues, des éducateurs et des enseignants de la manière dont nous pouvions aider ces enfants à affronter leur traumatisme. Ensemble, nous avons conçu un programme de cours adapté.

Quinze jours après la catastrophe, j’ai tenu ma première session avec certains des élèves. L’activité s’est révélée utile car, grâce à mes questions, ils ont pu commencer à mettre des mots sur leur ressenti : « je me sens triste quand… ; j’ai peur quand… ; je me sens bien quand… ; je me sens en sécurité quand… »

La plupart d’entre eux ont dit se sentir en sécurité quand ils sont avec leur famille ou des amis. C’est un sentiment qui vaut pour nous, me semble-t-il. 
 
 Dipeshwor Shrestha.
Réponses d’enfants du camp temporaire de Salyani Durbar.
Photo - Dipeshwor Shrestha

Nous avons formé des enseignants et des éducateurs à la manière d’aider leurs élèves à affronter les traumatismes provoqués par un séisme. Voici les trois points à retenir :

  • tout commence avec l’adulte : les enseignants doivent parvenir à se libérer de cette épreuve psychologique avant de pouvoir aider les enfants à affronter leurs propres sentiments ;
  • la plupart des professionnels de l’éducation sont prêts à aider : il existe une masse d’éducateurs, enseignants, psychologues et formateurs compétents prêts à travailler à titre bénévole sur la conception d’un programme de cours post-séisme ;
  • documenter et partager ses activités en ligne : il importe de tout recenser en ligne pour en faire profiter un maximum de gens, qui les repartageront et apporteront leurs idées.

 Voici trois semaines, nous étions quatre jeunes enseignants décidés à nous rendre utiles.

Aujourd’hui, notre équipe élargie est prête à former 2 400 enseignants de Katmandu , Lalitpur, Bhaktapur et Kavre aux techniques d’apprentissage post-séisme centrées sur les élèves. Leur intervention profitera à quelque 60 000 enfants.

Aussi tragique soit-il, cet événement a aussi été l’occasion pour nous de défendre un enseignement centré sur l’élève qui valorise le bien-être psychologique des enfants et les aide à gagner en force et en assurance.


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