Les prix alimentaires grimpent en flèche : 5 questions à l’économiste José Cuesta

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Plat de riz, la Banque mondiale et la hausse des prix alimentaires. Photo: Arne Hoel | Banque mondiale

Les chiffres sont sans appel : le prix des principales denrées alimentaires de première nécessité telles que le blé et le soja ont atteint des niveaux historiques en juillet 2012. Le prix du blé a augmenté de 25 % et celui du soja de 17 % en un seul mois.

La dernière édition de la publication Food Price Watch de la Banque mondiale montre les habitants de certains pays ont payé deux fois plus pour le maïs que le mois précédent.

À l'échelle mondiale, les prix alimentaires ont augmenté de 7 % entre avril et juillet. Cette hausse devrait frapper de manière particulièrement dure certaines régions où les importations de denrées alimentaires sont importantes, telles que le Moyen-Orient et une grande partie de l'Afrique.

Nous nous attendons à un important choc des prix, mais cela ne signifie-t-il que nous nous dirigeons vers une crise alimentaire similaire à celle de 2008 ? L'économiste de la Banque mondiale José Cuesta, l'auteur du rapport trimestriel Food Price Watch, donne son avis sur la situation.

1. Quelle est la cause de cette rapide hausse des prix alimentaires mondiaux ?

La cause immédiate est la météo. Les États-Unis ont connu une sécheresse sans précédent et l'Europe, en particulier la Russie, l'Ukraine et le Kazakhstan, a souffert de conditions climatiques extrêmement sèches. D'autres facteurs contribuent toutefois à cet important choc des prix, notamment de faibles réserves en denrées alimentaires.

Dans le cas du riz et du blé, la plupart de ces réserves sont faibles parce qu'elles ne sont pas liquides, ce qui signifie que les principaux pays producteurs utilisent leurs réserves pour nourrir leurs propres populations grandissantes. Ce phénomène réduit les quantités de riz et de blé disponibles au commerce à l'échelle mondiale.

Dans le cas du maïs, une part substantielle des récoltes aux États-Unis est désormais utilisée pour produire du biocarburant, ce qui a une incidence sur le prix du maïs à la consommation. Nous ne disposons toutefois pas encore de données concluantes quant à l'ampleur du rôle du biocarburant dans cette hausse de prix ou sur l'influence d'autres facteurs sur les réserves et les prix du maïs.

 

2. Quand saurons-nous si la hausse des prix alimentaires deviendra une crise alimentaire ?

Il n'existe aucune définition universelle de ce qu'est une crise alimentaire. Nous ne pouvons pas dire avec certitude quand elle commence et quand elle finit. Il est toutefois vrai que les prix alimentaires étaient élevés en début d'année et qu'ils le sont encore plus à présent. Ils sont également volatiles.

Nous posséderons une idée plus claire lorsque nous saurons les conséquences du régime climatique El Niño. El Niño peut provoquer d'importantes inondations dans une partie du monde et une sécheresse dans une autre, ce qui peut dévaster les récoltes.

Lorsque nous aurons une meilleure idée des politiques qui seront adoptées (par exemple, certains importants pays producteurs de denrées alimentaires adopteront des interdictions d'exporter en réaction à la hausse des prix), nous serons en mesure de dire avec confiance si la situation actuelle est en train de se transformer en crise alimentaire comme celle de 2008.

 

3. Quelles régions et quels pays sont les plus sensibles à une flambée des prix alimentaires et pourquoi ?

Les pays les plus vulnérables sont ceux qui dépendent le plus des importations de céréales pour leur consommation. Il s'agit également des pays où de nombreux ménages, et en particulier les pauvres, consacrent une grande part de leur budget à l'alimentation.

Ces régions se trouvent principalement au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne. Les pays de ces régions ont également tendance à avoir de moins bons filets sociaux de sécurité et des occasions fiscales limitées pour financer l'atténuation des risques et des politiques préventives.

 

4. Les pays sont-ils armés pour affronter une telle hausse des prix ?

Certains y sont mieux préparés que d'autres. Les pays ayant de meilleurs filets sociaux de sécurité s'en sortiront mieux que les autres. C'est également le cas des pays qui investissent davantage dans l'agriculture, parce qu'ils pourront accroître leur productivité et produire des aliments plus variés et ainsi être moins exposés aux chocs internationaux.

Des pays, comme le Mexique et l'Éthiopie, disposent aussi de polices d'assurance indexées aux conditions climatiques. Ainsi, à chaque fois que la pluviosité atteint un certain niveau qui aura des conséquences sur la prochaine récolte, cette police d'assurance s'applique.

 

5. Qu'est-ce qui est à prévoir ? Comment peut-on éviter une crise ?

Les pays peuvent réaliser certaines choses et les organismes internationaux, tels que la Banque mondiale, peuvent agir autrement.

Les pays devraient envisager la mise en place de filets sociaux de sécurité tels que des programmes de transferts d'argent assortis de conditions et des programmes de création d'emplois d'urgence afin que des mesures d'atténuation à court terme soient immédiatement en place. Il s'agit d'une mesure que nous continuons à encourager ici à la Banque mondiale.

À plus long terme, les pays doivent investir dans l'agriculture pour améliorer leurs rendements et veiller à l'existence d'un commerce ouvert afin qu'ils puissent se tourner vers les marchés internationaux pour lisser ces chocs.

Ce que la communauté internationale peut faire est d'activer certains mécanismes financiers qui aident les pays vulnérables à l'insécurité alimentaire. La Banque mondiale possède des programmes tels que le Programme d'intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale qui propose une aide d'urgence.

Il existe également un certain nombre d'initiatives à plus long terme en cours ici à la Banque mondiale pour répondre aux problèmes d'insécurité alimentaire et de malnutrition.

La plate-forme Secure Nutrition Knowledge Platform (a), par exemple, rassemble des partenaires internationaux afin de promouvoir des interventions agricoles qui produisent de meilleurs résultats nutritionnels. De plus, nous travaillons actuellement à l'amélioration de notre suivi des crises alimentaires en cours en mettant au point un outil de suivi unique en son genre qui surveillera les prix alimentaires nationaux et internationaux et la capacité des pays à riposter aux flambées des prix.

 

Plus de ressources : Crise alimentaire

> Crise alimentaire

> Rapport Food Price Watch

 

Crédit photo : Arne Hoel/Banque mondiale

Auteurs

Karin Rives

Online Communications Officer