Khady Beye Sene ne cache pas sa satisfaction : elle qui avait perdu sa maison en 2018 en raison de l'érosion côtière, a longtemps douté de la possibilité de retrouver un jour un logement convenable.
« Chaque fois que la question du relogement était évoquée, nos proches nous mettaient en garde, craignant que l'on nous fasse de fausses promesses », se remémore-t-elle. Cette transformatrice de produits halieutiques fait partie des premiers bénéficiaires de logements définitifs construits pour les familles sinistrées de Saint-Louis. « La première soirée dans ma nouvelle demeure restera à jamais gravée dans ma mémoire. J’ai pensé à toutes les épreuves vécues. Le passage d'une difficulté extrême à un bonheur indescriptible a le pouvoir d'atténuer les douleurs. J’ai donc remercié le Seigneur et les initiateurs du projet SERRP. »
Entre 2017 et 2018, des catastrophes côtières ont touché la langue de Barbarie, une étroite bande de sable qui borde l'océan Atlantique et sert de bouclier à la ville historique de Saint-Louis, laissant de nombreuses familles sans abri. Comme Khady, les personnes affectées ont d'abord trouvé refuge dans des camps d'urgence, mis en place spontanément dans les premiers jours suivant le sinistre. « C’étaient des conditions très précaires avec jusqu’à cinq familles dans une seule tente d’environ 20 m2. À cette promiscuité très contraignante, s'ajoutait le fait que nos bagages et nos vivres restaient au-dehors, exposés aux intempéries », confie Khady. Ce camp d'urgence cumulait de graves problèmes tels que le manque d'accès à l'eau potable, l'absence de toilettes, la propagation de maladies liées à l'insalubrité, et pour les enfants, l'abandon scolaire.
À son démarrage en 2018, le projet de Relèvement d’urgence et de résilience à Saint-Louis (SERRP) a pris comme première mesure le relogement provisoire de près de 2 600 personnes ayant perdu leur habitation vers un site de relogement provisoire sécurisé et doté de toutes les commodités (eau potable, assainissement, école primaire et préscolaire, activités génératrices de revenus, etc.). Le projet a veillé à l'implication des populations sinistrées et des communautés hôtes dans la construction du site. Par le biais d’activités de formation, d’apprentissage, d’orientation, de conseil et d’accompagnement, il soutient l'insertion socio-professionnelle de plus de 200 jeunes. Les jeunes et les femmes ont été formés aux métiers du bâtiment (maçonnerie, électricité et menuiserie) et recrutés comme ouvriers pour l’installation des unités mobiles d’habitation ainsi que la construction des services de base.
Ainsi, le projet SERRP ne se limite pas à répondre aux besoins urgents de relogement des sinistrés. Avec un financement de 93 millions de dollars, il vise à appuyer durablement la résilience des communautés affectées de ce secteur de Saint Louis. Au-delà de la construction d'habitations, le projet s'engage à soutenir les familles vulnérables et la ville en améliorant leur capacité à faire face aux risques côtiers et climatiques. Le projet accompagne aussi la réinstallation de quelque 15 000 habitants de la zone à très haut risque d’érosion et de submersion marine, vers un site de relogement permanent situé à Diougop, à 10 km de leur localité d’origine. Dans le cadre de ce programme, 433 nouveaux logements ont été construits, avec accès aux services urbains de base (routes, eau, assainissement, infrastructures éducatives et de sante etc.). Le projet SERRP a également servi de catalyseur pour la création de cette ville nouvelle, résiliente et durable. Afin d’assurer la restauration des moyens de subsistance des personnes déplacées, le projet a aussi prévu une Zone d'Activité Économique et de Développement, comprenant plusieurs unités de production et de transformation dans les secteurs de l'élevage, de la pisciculture et du maraîchage.
Khady occupe une position centrale à Diougop, le secteur où sont construites les habitations permanentes, à 10 km du centre urbain de Saint-Louis. Elle est à la tête de l'association des femmes, très impliquée dans l'accueil des nouveaux habitants, dont fait partie Maimouna Gueye. Pour cette vendeuse de poisson, la soixantaine révolue, le jour tant attendu est arrivé. Malgré les séquelles de son AVC, elle ne cache pas son soulagement et peut se projeter dans un avenir prometteur. « Quand tu retrouves la sérénité que seule une maison digne de ce nom peut offrir, ta santé ne peut qu'en bénéficier », témoigne-t-elle.
Saint-Louis : relever le défi de la résilience urbaine
Classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, Saint-Louis est l'une des villes sénégalaises les plus exposées aux risques climatiques en raison de sa géographie unique dans le Delta du fleuve Sénégal. La ville, qui comptait plus de 365 000 habitants en 2023, comprend une partie continentale, une île et la Langue de Barbarie. La région de Saint Louis se trouve à un carrefour de développement, riche en potentialités, grâce à l’exploitation imminente de gisements de pétrole et de gaz et aux activités économiques telles que le tourisme, la pêche et l'agriculture. Cependant elle est confrontée à des défis majeurs, en particulier les inondations et l'érosion côtière.
Le projet SERRP collabore avec le programme de gestion des zones côtières de l'Afrique de l'Ouest, lancé en 2018, pour renforcer la résilience des communautés côtières et des écosystèmes en Afrique de l'Ouest. Il a permis d'atténuer les risques de brèches dans la partie sud de la Langue de Barbarie en utilisant des défenses naturelles telles que des clôtures ganivelles et des arbres de filaos, qui protègent les communautés riveraines et leurs terres agricoles. Bien que les besoins à court terme soient couverts et que des solutions à long terme aient été identifiées, des efforts et des ressources supplémentaires sont nécessaires pour assurer l'adaptation de Saint-Louis aux menaces côtières et promouvoir la croissance socio-économique pour ses habitants et l'ensemble du Delta du fleuve Sénégal.
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