Chaque année, en Afrique de l’Ouest et du Centre, 6 millions de jeunes entrent sur le marché du travail, alors que le nombre de nouveaux emplois créés ne dépasse guère le demi-million. Cet énorme déficit d’emplois implique que la plupart des nouveaux entrants sur le marché du travail exercent dans le secteur informel, avec des revenus précaires, des emplois de piètre qualité et peu d’espoir d’échapper à la pauvreté. Les répercussions de ce chômage sont profondes : rupture du contrat social, troubles sociaux et politiques, perte de potentiel humain et augmentation de la pauvreté.
Quels facteurs expliquent que l’Afrique de l’Ouest et du Centre ne connaisse pas la même dynamique de création d'emplois que d'autres régions en développement ?
Des économies fortement tributaires des produits de base et des recettes d’exportation, et qui ne créent pas d’emplois. De faibles niveaux d’échanges en raison de barrières commerciales élevées. Une présence onéreuse d’entreprises publiques qui évincent le secteur privé. Et le déclin des investissements étrangers, qui empêche les pays de la région de récolter les fruits du transfert de technologie, de l’accès aux marchés mondiaux et de la création d’emplois.
Le catalyseur : le développement du secteur privé
Relever le défi du chômage n’est pas une tâche facile et le développement et l'accompagnement d’un secteur privé dynamique doivent être au cœur des priorités. Le secteur privé est un moteur de la croissance économique, de l’innovation et de la création d’emplois. Les recettes fiscales générées par des entreprises florissantes permettent aux gouvernements d’investir dans des services publics essentiels tels que la santé, l’éducation et les infrastructures, améliorant ainsi la qualité de vie des citoyens.
Pourtant, le secteur privé a été réprimé dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale et son rôle d'entraînement dans la création d'emplois reste insuffisant.
Alors, que peut-on faire ?
Pour permettre au secteur privé de libérer son potentiel d'investissement, de création d'emplois, d'entraînement d'une transition verte et d'une transformation économique, les actions suivantes sont nécessaires :
- Améliorer l'environnement des affaires pour encourager l’investissement privé et promouvoir la concurrence sur le marché. La Banque mondiale aide par exemple des pays comme le Ghana, le Libéria, le Togo, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et la Sierra Leone à simplifier et à raccourcir le processus de création et de fermeture d’une entreprise, à réformer les lois et réglementations relatives aux investissements directs étrangers (IDE), à accélérer le règlement des différends commerciaux et à apporter sécurité et clarté aux titres fonciers et de propriété. Et le socle de bon nombre de ces réformes tient à la numérisation des services de l’administration aux entreprises.
- Faciliter l’accès aux marchés, l’investissement et le commerce : des politiques de commerce et d’investissement plus prévisibles, alignées sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) amélioreraient les conditions de production intérieure de biens de plus grande valeur, la diversification économique et l’intégration régionale. Ce pacte relie 1,3 milliard de personnes à travers 55 pays, représentant un produit intérieur brut (PIB) combiné de 3 400 milliards de dollars. Pourtant, ce potentiel n’est pas encore réalisé en raison du manque de progrès dans la mise en œuvre de la ZLECAf en Afrique de l’Ouest et du Centre. Ainsi, les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) affichent de très faibles niveaux d’échanges intrarégionaux, avec de nombreux obstacles commerciaux mondiaux et sectoriels qui augmentent les coûts et diminuent le potentiel d’exportation. Les gouvernements peuvent et doivent adopter des politiques qui facilitent l’entrée sur le marché, renforcent la concurrence, attirent les investisseurs privés et évitent une intervention excessive de l’État dans les secteurs productifs. Toutes ces mesures permettront de mobiliser des capitaux privés, d’élargir les réseaux de marché, de réduire les coûts des transactions commerciales et les incertitudes, de renforcer la conformité et de favoriser le commerce numérique. La Banque mondiale soutient la mise en œuvre de la ZLECAf par le biais du Programme de facilitation des échanges en Afrique de l’Ouest (FEAO) – un programme d’assistance technique de 25 millions de dollars sur 6 ans qui soutient notamment six corridors commerciaux entre des ports maritimes et des pays enclavés de la région, couvrant neuf pays.
- Améliorer la performance des secteurs et des entreprises : les pouvoirs publics doivent prendre des mesures au niveau du secteur et de l’entreprise pour améliorer la compétitivité et la performance. Les interventions au niveau des entreprises devraient inclure des programmes d’incubateurs/accélérateurs, l’élargissement de l’accès au financement pour les micro, petites, moyennes entreprises (MPME) et start-ups, et un appui à l’adoption de technologies. En République du Congo, dans le cadre de notre Projet d’appui au développement des entreprises et à la compétitivité, l'ensemble des interventions au niveau des entreprises a permis à la quasi-totalité des PME qui ont reçu une aide de s'enregistrer officiellement. Et notre Programme pour l’emploi et la transformation économique au Sénégal a déjà permis de créer ou de préserver plus de 21 000 emplois et d’apporter un soutien à plus de 4 000 entreprises, dont plus de la moitié sont détenues par des femmes. Les interventions au niveau sectoriel sont encore plus prometteuses dans les secteurs à fort potentiel tels que l’industrie manufacturière (automobile, textiles et vêtements), le tourisme, le bois et la construction.
- Promouvoir des solutions intelligentes pour le climat comme pour les affaires : les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre disposent d’une abondance de ressources naturelles pouvant contribuer à la création d’emplois, à l’augmentation des exportations tout en renforçant la résilience climatique des populations au niveau local et global. Le bois, l’écotourisme, la pêche, les minéraux critiques sont autant d’exemples où la création d’emplois et la préservation du patrimoine naturel peuvent se renforcer mutuellement. En Sierra Leone, le Projet de diversification économique crée des emplois locaux dans le secteur formel grâce aux sites touristiques, et incite aussi les populations locales à protéger les plages de l’érosion, ralentir la déforestation et protéger les chimpanzés du braconnage. Bien que ce programme aille au-delà de la création d’emplois, il s’agit également pour les entreprises d'apporter elles-mêmes la solution à la résilience climatique. Les nouvelles technologies de décarbonation pour l’industrie manufacturière, l’approvisionnement durable en matériaux locaux, les énergies renouvelables pour la production sont des catalyseurs essentiels qui nécessitent des financements. C’est la raison pour laquelle, au Burkina Faso et au Ghana, nous mettons à l’essai un « guichet vert » dans le cadre d’un programme de garantie de crédit existant afin d’accroître le crédit commercial aux investissements verts. Cette initiative contribue également à sensibiliser les PME aux solutions vertes pour renforcer la résilience et adapter la production au changement climatique.
Les gouvernements des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ne peuvent plus se contenter d'une gamme étroite d’industries extractives et d’exportations pour préserver la solidité de leurs économies. Pour créer les emplois nécessaires, il faut permettre au secteur privé de prospérer, en créant un cercle vertueux de création d’emplois, de concurrence, de productivité et d’exportations. Il n’y a tout simplement pas d’autre option
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