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L'impact des chefs traditionnels et religieux sur le développement des communautés au Cameroun

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L'impact des chefs traditionnels et religieux sur le développement des communautés au Cameroun Sa Majesté Mahamat Bahar Maruf, sultan de Logone Birni. Crédit : Odilia Hebga / Banque mondiale.

L’extrême nord du Cameroun, aux frontières du Tchad, du Nigéria et du lac Tchad, a été en proie à de multiples crises et conflits ces dernières années, entravant le développement dans une région déjà aux prises avec des taux de pauvreté élevés et de faibles indices de capital humain. Le changement climatique a exacerbé la situation, conduisant à des affrontements meurtriers autour de ressources rares.

Traditionnellement, cette région a une histoire de tolérance et de coexistence pacifique entre différentes communautés, y compris les agriculteurs, les pêcheurs, les chrétiens et les musulmans. Pendant les crises, les chefs traditionnels et religieux ont toujours joué un rôle central dans la résolution des conflits.

Sa Majesté Mahamat Bahar Maruf, sultan de Logone Birni, réfléchit à cette responsabilité : « Nous sommes considérés comme une boussole. En période de stress ou d'insécurité, c'est à nous de trouver des moyens de réconforter les gens et de rassembler la communauté ».

Le rôle du Projet de développement et de relance du lac Tchad (PROLAC)

La région du lac Tchad reste une zone d'intervention prioritaire en raison des défis communs et du fort potentiel de coopération régionale. Le Projet de développement et de relèvement du lac Tchad (PROLAC) de la Banque mondiale illustre une approche ascendante de la résolution des conflits communautaires dans l'Extrême-Nord du Cameroun. S'inscrivant dans le programme de la Banque mondiale pour la région du lac Tchad, le PROLAC met l'accent sur la stabilisation et le relèvement rapide, jetant ainsi les bases d'une résilience et d'un développement durable à long terme.

Le PROLAC vise à renforcer la participation citoyenne et la cohésion sociale en s'attaquant à des problèmes sociaux profondément enracinés grâce à des solutions participatives centrées sur les personnes et ancrées dans les valeurs et les institutions locales. Son objectif premier est de renforcer la confiance et le dialogue entre les citoyens et entre l'État et ses citoyens. En outre, le projet soutient la prestation participative de services, essentielle pour prévenir et atténuer les conflits violents et aider les communautés à sortir de la fragilité. 

Image Rassemblement au Sultanat d’Ibou Crédit : Odilia Hebga / Banque mondiale


Le rôle des chefs traditionnels et religieux dans la consolidation de la paix

Compte tenu des conséquences désastreuses des conflits, les chefs traditionnels et religieux jouent un rôle essentiel dans la promotion de la paix dans leurs communautés. La collaboration avec ces dirigeants est la première étape pour renforcer leurs efforts en faveur de la paix. Reconnus et respectés, ils sont particulièrement bien placés pour conseiller les parties en conflit, y compris les politiciens et les élites, et plaider en faveur d'un dialogue pacifique et de coexister. Ils jouent également un rôle essentiel dans la guérison des traumatismes chez les victimes de conflits et dans l'apport d'un soutien humanitaire par le biais de leurs unités de développement, et rassurent le public en plaidant pour des prières continues.

Mise en œuvre et participation des populations locales

Il est essentiel d'associer les chefs religieux et traditionnels aux programmes de soutien aux communautés touchées par des conflits et permettre ainsi des efforts de réconciliation efficaces. Les ateliers organisés à l'intention de ces dirigeants ont amélioré la résolution des conflits grâce au partage des connaissances. Au niveau local, leur participation aux processus de prise de décision garantit que les membres les plus vulnérables de la communauté en bénéficient. Par exemple, dans le cadre de projets d'aide aux personnes déplacées à l'intérieur du pays ayant perdu leur carte nationale d'identité, les chefs religieux ont aidé à établir des listes de bénéficiaires potentiels, dans un souci d'équité et de transparence. Leur implication s'étend à la réhabilitation et à la réinstallation des personnes déplacées à l'intérieur du pays, à la mobilisation des jeunes pour la construction d'infrastructures socio-économiques et à la mise en place de comités pour suivre ces développements. Cette approche participative favorise la cohésion sociale et permet de réparer les dommages physiques après les conflits. Cependant, les efforts des chefs religieux ne suffisent pas à eux seuls pour instaurer la paix au niveau local.

Défis persistants et enseignements tirés

Malgré leurs contributions importantes, les chefs religieux et traditionnels de l'Extrême-Nord sont confrontés à des défis. Ainsi la mondialisation et les médias sociaux influencent davantage la jeune génération que les aînés. La polarisation politique et la culture politique à vocation ethnique provoquent également des divisions, même parmi les adeptes d'une même religion. En outre, le manque de soutien des autres parties prenantes limite leur influence, et la volonté politique peut parfois être insuffisante, les politiciens ne soutenant pas pleinement les efforts de consolidation de la paix des organisations religieuses.

Pour améliorer l'efficacité des chefs religieux et traditionnels dans la consolidation de la paix, il est essentiel de tirer parti de leurs ressources administratives, compte tenu du rôle important qu'ils occupent à des postes administratifs clés. L'utilisation de leur connaissance des rituels peut également renforcer la cohésion sociale et aider à réconcilier les communautés divisées. Il est essentiel d'établir des liens entre les acteurs religieux et laïcs dans les processus de consolidation de la paix pour établir des partenariats solides et promouvoir la collaboration entre divers réseaux.

En conclusion, la promotion d'un développement piloté par les communautés par l'intermédiaire des chefs traditionnels et religieux dans l'extrême Nord du Cameroun nécessite une approche multiforme. Des progrès significatifs peuvent être accomplis vers une paix et un développement durables dans la région en s'attaquant à leurs défis et en soutenant leur participation aux initiatives locales.


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