Pouvez-vous imaginer vivre sans électricité dans votre foyer ni eau potable ? Autour de vous, 90 % des amis de vos enfants ne savent pas lire. C’est la réalité de millions de familles en Afrique de l’Est et australe, et cette situation doit changer de toute urgence.
Face à ces immenses défis du développement, les ressources sont indispensables, mais elles ne font pas tout. La manière dont elles sont utilisées est tout aussi importante. Tous les dollars consacrés au financement du développement ne se valent pas, et les ressources limitées disponibles doivent aller là où elles peuvent générer le plus de valeur possible. C’est la raison pour laquelle le Groupe de la Banque mondiale a rendu public, il y a quelques mois, son Pacte pour le savoir au service de l'action. Cette initiative a pour objectif fondamental de mobiliser des connaissances novatrices sur le développement au profit de nos clients et de doter les gouvernements des données factuelles nécessaires pour produire le plus grand impact avec les ressources disponibles.
Mais qu'en est-il de ce pacte dans la pratique ? Le programme Africa LEADS (a) (« Apprendre. Adapter. Développer. ») l’illustre parfaitement. Lancée en mai dernier, cette collaboration innovante entre la Région Afrique de l’Est et australe de la Banque mondiale et la cellule Impact sur le développement (DIME) établit des passerelles entre les opérations et la recherche, afin d’améliorer la conception et la mise en œuvre des programmes de prêts régionaux. Ou, pour le dire plus trivialement, tirer le maximum de profit de l’argent dépensé. Loin d'être purement théorique, cette démarche pourrait doubler l’impact des financements pour le développement (a) si elle était reproduite et étendue à grande échelle.
« Nous devons tirer les leçons de l'expérience et éviter de reproduire les erreurs du passé », affirme Indermit Gill, économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale et premier vice-président pour l’Économie du développement. « Pour cela, il est essentiel d’améliorer la conception et la mise en œuvre des projets. Et nous sommes prêts à y contribuer. »
Une « Banque meilleure » signifie également une coopération plus étroite entre les divisions régionales et les pôles d’expertise de notre organisation, de manière à aider les clients à maximiser les retombées sur le terrain. « Les pays d’Afrique de l’Est et australe disposent de ressources limitées pour leur développement et ils cherchent à en faire un usage optimal, pour produire le plus grand impact possible », explique Victoria Kwakwa, vice-présidente de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Est et australe. « Cette collaboration apportera des connaissances essentielles en temps réel, à partir desquelles il sera possible de déterminer des choix optimaux en matière de politiques et de fourniture de services. »
Pour commencer, le programme Africa LEADS a sélectionné et porté son attention sur 30 projets, qui représentent globalement 12,8 milliards de dollars d’investissements de la Banque mondiale. Les différentes équipes de projet, composées de personnels de la Banque et des gouvernements des pays concernés, ont été réunies pour une semaine de travail approfondi au Cap (Afrique du Sud), aux côtés d’un groupe international de chercheurs. Ensemble, ils ont exploré comment utiliser les données de recherche disponibles pour guider la conception des projets et élaborer une feuille de route flexible, qui puisse être adaptée pendant leur mise en œuvre, au fur et à mesure de l'arrivée de nouvelles données.
Cette approche a déjà permis d’accélérer et d’améliorer la préparation des projets. Selon de premières estimations, la transposition d’idées qui ont fait leurs preuves dans l’ensemble des projets sélectionnés décuple leur impact à hauteur de 238 millions de dollars environ. Et d’autres gains sont attendus au fur et à mesure que les projets bénéficieront de nouvelles expérimentations et innovations, du passage de solutions d’un pays à l’autre et d’un déploiement à plus grande échelle.
L’atelier organisé au Cap a également mis en lumière de nombreuses innovations susceptibles d’accroître l’impact des programmes financés par la Banque mondiale si elles étaient reproduites et étendues à d’autres pays et régions. Voici ce que l’on peut notamment en retenir :
Population :
- Les programmes d’inclusion économique apportent des aides monétaires, des actifs et des formations qui libèrent le potentiel productif des ménages, ce qui peut conduire à une réduction importante et durable de la pauvreté. En optimisant le rapport coût-efficacité de ces programmes, on peut multiplier par deux le nombre de personnes qui en bénéficient dans la région.
- La distribution d’appareils avec des applications préchargées et d’un coût abordable peut aider à résoudre la crise de l’alphabétisation en Afrique. Les applis d’alphabétisation proposées dans la langue maternelle des apprenants permettent une maîtrise de la lecture cinq fois plus rapide que l’enseignement en classe et pour un coût 100 fois moindre.
Prospérité :
- La diffusion de vidéos montrant des modèles d’identification féminins fait augmenter de 50 % la participation des femmes à des formations, tandis que l’apprentissage en alternance permet d’augmenter la qualité des emplois de 25 % et les salaires de 15 %. Dans le même temps, l’apprentissage automatique basé sur des algorithmes d’intelligence artificielle a permis d’identifier 3,6 fois plus d’entreprises vers lesquelles diriger les programmes d’apprentissage professionnel.
- Au Burundi, l’approvisionnement des cantines scolaires par des fournisseurs locaux a permis une hausse de 74 % de l’offre de repas. En Jordanie, il a permis de tripler le revenu des femmes. C'est aussi un moyen d'assurer une demande régulière aux marchés alimentaires locaux, et ce modèle est en cours de reproduction dans des pays comme Madagascar et la Zambie.
Planète :
- Dans divers pays et contextes, le traitement de l’eau a permis de réduire d’un quart en moyenne le nombre de décès chez les enfants de moins de 5 ans. En adoptant des méthodes éprouvées pour le traitement de l’eau dans les zones couvertes par le projet, l’Éthiopie sauvera la vie de plus de 3 500 enfants. Avec un déploiement à grande échelle, le pays pourrait éviter la mort de 200 000 enfants. Et, dans toute l’Afrique, ce sont plus de 8 millions de jeunes vies qui pourraient être sauvées.
- Les compteurs prépayés augmentent les économies d’eau de 14 % et les recettes des compagnies de distribution de 23 %. Un meilleur recouvrement des factures d’eau et d’énergie pourrait permettre de récupérer jusqu’à 135 milliards de dollars par an dans le monde.
- Au Mozambique, le passage à des subventions aux intrants agricoles sous forme de bons électroniques flexibles, qui offrent des taux de subvention de plus en plus faibles pour des volumes d’intrants plus importants, peut augmenter de 56 % leur impact sur la production, pour un budget fixe. Ces dispositifs de bons flexibles sont en cours d’extension à l’échelle régionale. À l’échelle de l’Afrique, ils permettraient d’économiser 360 millions de dollars par an, avec un impact sur la production identique à celui obtenu par les subventions existantes.
Infrastructure :
- Le ciblage géographique, les subventions aux intrants productifs et une participation accrue du secteur privé peuvent accroître d’un tiers l’efficacité des programmes nationaux d’accès à l’énergie.
- Les évaluations d’impact contribueront à fournir des données indispensables pour augmenter les financements en faveur de l’abandon progressif des énergies à forte intensité de carbone dans les pays d’Afrique de l’Est et australe, en élargissant l’accès aux technologies de cuisson propres et en améliorant la santé.
Les résultats de cet atelier Africa LEADS sont remarquablement riches. Et pourtant, ce n’est qu’un début, car cette démarche est déjà en cours de déploiement en Afrique de l’Ouest, avant de s'étendre ensuite à l’échelle mondiale. Avec un souci constant d’optimisation, il est possible de tirer le maximum des ressources limitées actuellement disponibles et d'aller plus loin, avec à la clé l'amélioration des conditions de vie d’un nombre toujours plus grand de personnes en Afrique et dans le monde. Et c'est tout l’enjeu de nos efforts pour une Banque meilleure.
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