La mer Rouge, une voie de transit essentielle qui concentre 30 % du trafic mondial de conteneurs, est actuellement confrontée à une crise d’une ampleur sans précédent. Une nouvelle publication analyse les conséquences de cette crise du transport maritime en mer Rouge. Il s'agit du premier numéro (a) d’une nouvelle série de notes de la Banque mondiale consacrée aux tendances économiques et sociales et aux problématiques liées aux situations de fragilité, conflit et violence dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). La nouvelle note rend notamment compte d’un ralentissement significatif de l’activité maritime à la suite des attaques de navires commerciaux menées dans le contexte du conflit récent au Moyen-Orient (figure 1). À la fin du mois de mars 2024, le volume du trafic via le canal de Suez et le détroit de Bab Al-Mandab avait chuté de moitié, tandis que le passage par le cap de Bonne-Espérance, itinéraire alternatif, connaissait une augmentation de 100 % (figure 2).
Figure 1 : Le nombre d’attaques dans la région de la mer Rouge a considérablement augmenté depuis le début du conflit au Moyen-Orient
Source : ACLED ; estimations des services de la Banque mondiale.
Note : Les hostilités se sont produites principalement au Yémen (99 %), suivi de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et de la Jordanie.
Figure 2 : Les attaques visant des navires en mer Rouge dérèglent le commerce maritime depuis décembre 2023
Source : Plateforme PortWatch (FMI) ; estimations des services de la Banque mondiale.
Note : La figure 2A indique l’évolution du transit pour chaque zone ; la ligne noire correspond à la moyenne historique.
La situation actuelle en mer Rouge a des conséquences considérables, non seulement pour le secteur du transport maritime, mais aussi pour l’environnement et l’économie mondiale. Elle entraîne un rallongement des itinéraires qui accroît jusqu’à 53 % la distance des trajets pour les porte-conteneurs et les navires-citernes, ce qui augmente la consommation de fioul lourd et donc les émissions de CO2. Sur le plan économique, la crise de la mer Rouge a entraîné une flambée des prix du fret et des frais d’assurance qui favorise l’inflation et affecte négativement les économies qui reposent sur le transport maritime régional et international (figures 3 à 5).
Figure 3 : Le détournement du trafic commercial maritime a entraîné une forte hausse des distances mensuelles parcourues par les navires empruntant la mer Rouge
Source : UN Global Platform..
Figure 4 : Les distances et temps de trajet des navires de la mer Rouge ont fortement augmenté en mars 2024 par rapport aux niveaux précédant le conflit
Source : UN Global Platform ; estimations des services de la Banque mondiale.
Figure 5 : Les tarifs du fret maritime ont explosé, en particulier pour les routes empruntant la mer Rouge
Source : Indice mondial des conteneurs de Drewry..
Note : L’indice calculé par le cabinet Drewry suit l'évolution des prix du fret (au comptant et à court terme) pour un conteneur de 40 pieds sur huit axes maritimes principaux.
L’impact de cette crise est particulièrement prononcé pour les ports de la mer Rouge et les économies qui y sont liées. Si quelques-uns d’entre eux profitent du détournement du trafic, beaucoup sont confrontés à une baisse des volumes (figure 6). Les perturbations dans les ports yéménites ont des répercussions tangibles, en particulier en Arabie saoudite, ces effets s’atténuant à mesure que l’on s'éloigne de l'épicentre du conflit.
Figure 6 : La plupart des ports de la mer Rouge ont connu une réduction de l’activité commerciale depuis le début du conflit au Moyen-Orient
(du 1er décembre 2023 au 31 mars 2024, par rapport à la période allant du 1er janvier 2022 au 6 octobre 2023)
Source : Plateforme PortWatch (FMI) ; estimations des services de la Banque mondiale.
Face à la crise en mer Rouge, les décideurs politiques doivent rester vigilants et évaluer continûment l’évolution de la situation et de ses répercussions. Il est essentiel de conserver des cadres de politique monétaire/de change et budgétaire robustes afin d’atténuer les vulnérabilités économiques en cas de nouveaux chocs. En fonction de la gravité de l’impact et de la marge de manœuvre budgétaire disponible, l’adoption de mesures qui permettent de contrer ces effets, comme des actions anticycliques, pourrait être envisagée.
Pour certaines économies, cette crise s'accompagne en outre de nouvelles possibilités de croissance. La tendance mondiale à la relocalisation, à la délocalisation « de proximité » ou « amicale » contribue certes à renchérir les coûts du commerce, mais elle ouvre aussi des opportunités aux pays géographiquement proches de grands blocs économiques comme l’Union européenne et les États du Golfe. Avec un climat d’investissement attrayant et des cadres réglementaires solides, les pays d’Afrique du Nord pourraient par exemple être bien placés pour accueillir des investissements directs étrangers provenant de ces régions. Cela permettrait de stimuler l’investissement local et la création d’emplois, d’augmenter les revenus et de faciliter le transfert de technologies, soit autant de facteurs qui concourent à la résilience et à la croissance des économies locales.
La crise du transport maritime en mer Rouge est un rappel sévère de l’interdépendance des échanges mondiaux et de l’importance de maintenir la sécurité et l’ouverture des routes commerciales. Alors que la situation continue d'évoluer, la communauté internationale doit unir ses efforts pour naviguer dans ces eaux troubles et atténuer les conséquences économiques et environnementales de cette crise.
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