Pourtant, cette ressource commune inestimable est aujourd’hui menacée. La pollution, la surpêche, la hausse des températures et la perte de biodiversité érodent la capacité des océans à soutenir les économies et les populations locales. Les pays en développement qui en dépendent pour leur alimentation et leurs moyens de subsistance sont aujourd’hui confrontés à des risques croissants.
Et alors que les menaces s’aggravent, les financements consacrés à la protection des océans restent largement insuffisants au regard des besoins.
Cela doit changer.
Nous devons intensifier nos efforts et repenser le financement de la santé des océans. L’un des leviers les plus puissants est la « finance bleue », c’est-à-dire l’ensemble des investissements qui favorisent l’utilisation durable et la protection des écosystèmes marins. Avec des politiques et des partenariats appropriés, la finance bleue peut créer des emplois, protéger les communautés vulnérables et stimuler une croissance inclusive.
Le secteur privé a un rôle central à jouer. Les solutions fondées sur la nature, comme la restauration des mangroves, des marais littoraux et des herbiers marins, offrent des possibilités d’investissement à fort impact et à faible coût, tout en apportant des bénéfices mesurables pour le stockage du carbone et la réduction des risques de catastrophe. La pêche et l’aquaculture durables sont également essentielles pour la nutrition et l’emploi. En 2021, les aliments d’origine aquatique (poisson et algues) ont assuré au moins 20 % de l’apport en protéines de 3,2 milliards de personnes. Et cette demande devrait doubler d’ici à 2050.
Le développement de ce secteur est à la fois une nécessité et une opportunité.
La finance bleue porte déjà ses fruits. Les Seychelles ont émis la première obligation bleue souveraine au monde en 2018, levant 15 millions de dollars pour financer la conservation marine et à la pêche durable. Ce financement s’est accompagné d’un échange « dette-nature » qui a permis de classer 30 % des eaux territoriales du pays en aires marines protégées. Dans les îles du Pacifique, des réformes politiques soutenues par le Groupe de la Banque mondiale ont conduit à une hausse considérable des recettes tirées des permis de pêche de 70 millions de dollars en 2009 à 495 millions en 2021. Ce qui a permis au secteur privé d’investir et de tripler les activités de transformation et les exportations de thon, avec à la clé la création de 25 000 emplois. Il ne s’agit là que de quelques exemples. Avec des partenariats public-privé et des instruments adaptés, la finance bleue peut accélérer son essor.
Or, selon une étude récente du Groupe de la Banque mondiale, les capitaux privés ne représentent même pas 1 % du total des financements liés aux océans. Les coûts de transaction élevés, le manque de clarté des réglementations et la faiblesse des structures du marché freinent encore les progrès.
Comment inverser la tendance ?
Premièrement, les pays doivent renforcer les marchés et les écosystèmes financiers en réduisant les coûts de transaction et en améliorant les systèmes de données et de vérification, de manière à attirer les investissements privés.
Deuxièmement, la finance bleue doit être intégrée dans les politiques nationales afin d’aligner les investissements dans les océans sur les priorités de chaque pays et de faciliter de nouvelles sources de financement.
Troisièmement, les politiques réglementaires et les cadres de gestion des risques doivent être harmonisés pour permettre la participation du secteur privé.
Quatrièmement, les communautés locales doivent être impliquées dans la conception et à la mise en œuvre de solutions qui répondent à la fois aux besoins locaux et aux objectifs nationaux.
C’est pourquoi le Groupe de la Banque mondiale renforce son soutien en faveur d’une exploitation durable des ressources marines et côtières, fort de la conviction que la santé des océans contribue à la croissance, à la sécurité alimentaire et à la création d’emplois. Cet engagement s’inscrit dans une approche de l’économie bleue qui vise à stimuler une croissance durable tout en restaurant et en préservant la santé des écosystèmes océaniques.
Le portefeuille de la Banque mondiale dédié à l’économie bleue a quasiment doublé entre les exercices 2020 et 2024, passant de 5,9 à 10,5 milliards de dollars. Du côté du secteur privé, les investissements de la Société financière internationale (IFC) ont soutenu près de 2 milliards de dollars d’obligations et de prêts bleus sur l’ensemble des régions du monde. Une dynamique renforcée par le lancement en 2022 des Lignes directrices d’IFC pour la finance bleue, qui sont désormais largement adoptées par les marchés et dans les taxonomies nationales.
Mais soyons clairs : la finance bleue ne concerne pas seulement les océans, c’est un enjeu vital pour les populations. Pour que les communautés côtières puissent prospérer, que les petites îles résistent aux tempêtes, et que la biodiversité soit préservée pour les générations à venir.
C’est pourquoi nous devons développer la finance bleue, car il n’y pas de planète vivable sans des océans en bonne santé.
Cette tribune a initialement été publiée dans Le Monde.
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