Publié sur Opinions

Un chemin de sortie de la pauvreté pour un avenir plus prospère

Deux fillettes sur une balançoire à bascule Photo : Sarah Farhat/Banque mondiale

Nous nous trouvons actuellement face à une convergence de crises liées entre elles et à leurs effets délétères sur les conditions de vie et les moyens de subsistance. Les effets conjugués d’une croissance économique au ralenti, de la montée des conflits et de la fragilité, d’inégalités tenaces et d'évènements météorologiques extrêmes ont en effet provoqué des ondes de choc dans le monde entier.

Les économies à revenu élevé montrent des signes de résilience, mais les perspectives des économies à faible revenu et des pays fragiles restent très préoccupantes.

Il y a dix ans à peine, nous avions des raisons d’être plus optimistes. Entre 1990 et 2015, le développement durable avait connu des avancées considérables, et plus d’un milliard de personnes étaient sorties de l’extrême pauvreté. Cette prouesse, rendue en grande partie possible par la forte croissance économique de la Chine et de l’Inde, avait permis de réduire l'écart de revenu entre économies les plus riches et économies les plus pauvres.

La voie qui semblait toute tracée vers l’éradication de la pauvreté s'est depuis assombrie. Un nouveau rapport de la Banque mondiale montre que les taux de pauvreté dans le monde ont à peine recouvré leurs niveaux d’avant la pandémie et que les prochaines années s’annoncent au mieux moroses.

Près de la moitié de la population mondiale, soit environ 3,5 milliards de personnes, vit avec moins de 6,85 dollars par jour, c’est-à-dire au-dessous du seuil de pauvreté fixé pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Et quelque 700 millions de personnes vivent avec moins de 2,15 dollars par jour, le seuil de pauvreté pour les pays à faible revenu. L’extrême pauvreté est de plus en plus concentrée en Afrique subsaharienne ou dans des zones en situation de conflit et de fragilité.

Au rythme actuel des progrès, il faudrait plus d’un siècle pour éradiquer la pauvreté, ce qui signifie que plusieurs générations d’individus se retrouveront ainsi privées d’opportunités, de dignité et de l’espoir d’un avenir meilleur.

Nous savons aussi que la pauvreté ne se réduit pas au manque d’argent ou de revenus. Des millions de personnes sont aujourd’hui privés des biens essentiels que sont la nutrition, les soins médicaux, l’éducation, la sécurité et le logement.

Les inégalités de revenu et des chances restent élevées dans de nombreux pays, en particulier en Amérique latine et en Afrique subsaharienne, ce qui constitue un obstacle majeur à l’amélioration des conditions de vie. Même dans les pays affichant une forte croissance économique, celle-ci n'a pas systématiquement ouvert de nouveaux horizons pour ceux qui vivent dans la pauvreté ou qui risquent d’y plonger.

La communauté mondiale doit en faire plus pour réduire la pauvreté et améliorer la prospérité, en unissant davantage ses forces et avec un sentiment d’urgence accru. Il est indispensable d’agir avec plus d’audace et d’ambition et de mener une action internationale coordonnée pour sortir de la polycrise que nous traversons aujourd’hui et s’engager vers un monde plus juste, plus sûr et plus prospère.

On ne pourra progresser qu’en soutenant une croissance inclusive et en renforçant la résilience. Les pays peuvent considérablement accélérer la réduction de la pauvreté s’ils créent des emplois plus nombreux et de meilleure qualité et aident les ménages à accumuler durablement des actifs. Car un emploi stable n'est pas seulement une source de revenu qui permet de couvrir les besoins essentiels de la vie quotidienne, c'est aussi un moteur de l'ascenseur socio-économique.

Les efforts d'atténuation du changement climatique et d’adaptation revêtent une importance tout aussi cruciale. Près d'une personne sur cinq dans le monde est susceptible de subir au cours de sa vie un choc climatique grave dont elle aura du mal à se relever. Il est essentiel de lutter partout contre le changement climatique, même si les priorités diffèrent d’un pays et d’une région du monde à l’autre.

Les pays à faible revenu doivent privilégier les investissements dans le capital humain, physique et financier. Pour avoir un impact maximal sur la réduction de la pauvreté, ils doivent créer des opportunités d’emploi et installer une croissance plus soutenue et sans exclus. Ces pays sont ceux qui contribuent le moins aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais ils doivent néanmoins s’attacher à améliorer leur résilience aux chocs climatiques.

Les pays à revenu intermédiaire doivent eux aussi s'employer à accélérer la croissance économique et à renforcer la capacité de production des ménages les plus pauvres en investissant dans l’éducation, les infrastructures et les services de base. Dans le même temps, on ne peut ignorer leur impact sur le changement climatique : si rien n’est fait, les émissions de gaz à effet de serre des économies à revenu intermédiaire vont augmenter dans les prochaines décennies, jusqu’à dépasser celles des économies plus riches. C'est pourquoi ces pays devront faire en sorte que leur croissance réduise la vulnérabilité, mais aussi qu'elle soit moins carbonée.

Les émissions de CO2 restent les plus élevées dans les pays à revenu élevé et intermédiaire supérieur. Et malgré les projections de réduction, le rythme actuel de la baisse des émissions est loin d’être suffisant pour limiter le réchauffement de la planète. Ces pays doivent par conséquent accélérer leur transition vers des économies bas carbone, tout en gérant ses coûts potentiels à court terme.
 

Priorités pour progresser dans la réalisation des objectifs interdépendants

Priorités pour progresser dans la réalisation des objectifs interdépendants

Face à ces défis interdépendants, on ne pourra véritablement progresser sans disposer d’un socle solide de données. Bien que l’on constate des améliorations sur ce front dans de nombreux pays, il faut investir davantage pour produire des informations plus fiables et disponibles en temps utile, en particulier dans les pays les plus pauvres. Ces données devraient en outre être rendues publiques afin de permettre un meilleur suivi des effets des mesures adoptées et de les perfectionner.

Enfin, nous savons que sans une augmentation significative des financements, nous n’irons pas très loin sur la voie du développement durable. Nombre de pays en développement souffrent du manque d’accès à des financements abordables et d’un lourd endettement, ce qui limite leurs investissements dans des domaines fondamentaux comme l’éducation, la santé et les infrastructures, tous essentiels pour une réduction soutenue de la pauvreté.

Les pays à faible revenu ont besoin de financements pour atteindre leurs objectifs de développement, et les institutions multilatérales peuvent jouer un rôle de levier qui permet de démultiplier les ressources. C'est notamment le cas de l’Association internationale de développement, l’institution du Groupe de la Banque mondiale dédiée aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables, qui procède actuellement à la reconstitution de son fonds afin de pouvoir continuer à apporter un soutien crucial à ceux qui en ont le plus besoin.

Les progrès sont au point mort, mais les raisons d'espérer n’ont pas totalement disparu. Il est possible d'aller de l'avant, pour accélérer le recul de la pauvreté et favoriser une prospérité partagée tout en protégeant notre planète. L’avenir dépend de notre capacité à garder espoir, mais aussi à agir de manière urgente et coordonnée.


Deon Filmer

Économiste principal au Groupe de recherche de la Banque mondiale

Haishan Fu

Statisticienne en chef de la Banque mondiale et directrice de la cellule Données sur le développement

Luis Felipe López-Calva

Directeur mondial du pôle Pauvreté et équité de la Banque mondiale

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