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Énergies décentralisées : repenser l’électrification pour assurer l’accès pour tous d’ici 2030

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Énergies décentralisées : repenser l’électrification pour assurer l’accès pour tous d’ici 2030

Plus de 90 % de la population mondiale a aujourd’hui accès à l'électricité, contre 84 % en 2010. Pourtant, 685 millions de personnes dans le monde vivent toujours sans électricité, dont environ 80 % en Afrique subsaharienne.

Pendant plusieurs décennies, les efforts des gouvernements et de leurs partenaires de développement ont essentiellement consisté à développer les réseaux et installer des pylônes et des lignes électriques pour alimenter les villes et les villages. Depuis quelques années, cependant, un changement fondamental de mentalité est à l’œuvre : il existe d’autres moyens d’amener l’électricité jusqu’au dernier kilomètre. Grâce aux avancées technologiques, à la numérisation et aux innovations dans les systèmes de paiement, la production décentralisée d’énergie renouvelable pourrait devenir l’un des moyens les moins coûteux et les plus efficaces d’apporter de l’électricité aux populations non encore raccordées au réseau.


La révolution de la production décentralisée

La production décentralisée consiste généralement en l’installation de panneaux solaires, en plus ou moins grande quantité, couplés à des batteries pour le stockage de l'énergie. Ces systèmes sont souples, financièrement accessibles et résilients, et ils fournissent un courant de qualité identique à celui des réseaux électriques. Dans certaines conditions, ils s'avèrent déjà moins coûteux que les générateurs diesel traditionnels. C'est le cas dans l'État indien de l’Uttar Pradesh, où le déploiement d’installations solaires autonomes sur les toits par la GEAPP (l’Alliance mondiale pour l'énergie au service des populations et de la planète) a fait baisser les coûts des micro, petites et moyennes entreprises de 0,17 à 0,04 dollar/kWh, permettant ainsi par exemple à une petite minoterie locale de doubler sa production de farine de blé.

Les pays à revenu faible et intermédiaire ont une occasion historique de s’affranchir du modèle d’électrification traditionnel en misant sur une production plus décentralisée, en particulier dans les zones qui ne sont pas actuellement raccordées au réseau, comme les îles isolées et autres régions mal desservies.

 

Des partenariats innovants

Alors que la production décentralisée est en train de révolutionner l’accès à l’énergie dans le monde entier, le temps est compté pour parvenir à l’accès universel d’ici 2030, conformément à l’Objectif de développement durable no7 (ODD 7). L’ampleur du défi nécessite d'en faire beaucoup plus, plus vite et de manière plus coordonnée.

C’est pourquoi, en novembre 2022, en marge de la COP27, le Groupe de la Banque mondiale a annoncé le lancement du programme DARES (pour Distributed Access through Renewable Energy Scale-Up). Celui-ci vise à faciliter la réalisation de grands projets de production décentralisée d'énergie renouvelable en mobilisant les contributions du Groupe de la Banque mondiale et de ses partenaires, comme la GEAPP (a) notamment. Il s’articule autour de trois domaines principaux : les mini-réseaux, les marchés du solaire hors réseau et les centrales solaires pour les écoles et les établissements de santé. Dans la continuité du DARES, la Banque a récemment lancé le programme ASCENT pour l'accélération de l'accès à une énergie propre et durable en Afrique de l’Est et australe. Ce programme pluriannuel d’un montant de plusieurs milliards de dollars vise à transformer les conditions de vie de 100 millions de personnes dans 20 pays.

De même, la GEAPP, qui a déjà alloué plus de 250 millions de dollars aux énergies renouvelables décentralisées dans le monde, redouble ses efforts pour continuer à faire baisser leurs coûts et à intensifier les financements afin d’accélérer l’accès et la transition énergétiques. Engagée dans des partenariats et des programmes comme le DARES, cette alliance repose sur la conviction que le système énergétique de demain passe par le pouvoir transformateur de la production décentralisée.
 

Des plans d’électrification complets

Il est possible d’accélérer le déploiement des énergies décentralisées en élaborant des stratégies d’électrification à moindre coût. Le programme ESMAP de la Banque mondiale a ainsi aidé plusieurs pays à utiliser des données géolocalisées (a) pour identifier les meilleures technologies d’électrification — hors réseau, mini-réseaux ou extension du réseau — en fonction de la densité de population et des niveaux de revenu. Il a produit des scénarios de développement des infrastructures réalistes et d’un bon rapport coût-efficacité qui tracent une feuille de route pour la réalisation de l’accès universel à l’électricité d’ici 2030.

Des études régionales détaillées comme celle financée par la GEAPP au Kenya (a) ont montré qu’en combinant réseaux traditionnels et solutions décentralisées, les taux d’électrification auraient pu être supérieurs de 10 % au cours des 25 dernières années, pour le même montant d’investissement. En Inde, des sociétés de premier plan comme Tata Power Renewable Micro Grid et Hamara Grid utilisent déjà un outil d’exploration énergétique mis au point par la GEAPP, dans le cadre de l’initiative Smart Power India, afin de sélectionner les sites propices à l’installation de mini-réseaux ainsi que les spécifications techniques les plus appropriées.

 

Combler le déficit de financements

Enfin, le développement des énergies décentralisées nécessite des financements publics afin de combler l’écart entre le coût induit par l'électrification de zones reculées et difficiles et un prix abordable pour les habitants de ces régions. Alors que les réseaux électriques nationaux ont toujours été subventionnés par des financements publics, la production décentralisée était jusqu'à récemment considérée comme une activité relevant exclusivement du secteur privé. Cependant, les gouvernements et leurs partenaires de développement reconnaissent aujourd’hui la nécessité d'appuyer cette activité et s'emploient à mettre en place des programmes de soutien complets comportant notamment des subventions destinées à attirer les investissements privés.

L’un des volets du programme DARES consiste à explorer et développer des solutions financières novatrices visant à :

  • mobiliser des capitaux privés de long terme ;
  • faciliter l'accès des entreprises à des financements qui permettent de remédier au déficit de viabilité des projets, à des financements axés sur les résultats et à des subventions de faible montant mais dont l'effet catalyseur est important ;
  • agréger des avantages climatiques au niveau régional afin de mobiliser des financements climatiques/à impact.

Les subventions en faveur des énergies décentralisées revêtent principalement la forme de financements axés sur les résultats, c’est-à-dire conditionnés au nombre de raccordements effectués.

Les financements qui ont un effet catalyseur, à l’instar des fonds philanthropiques fournis par la GEAPP, ont un rôle essentiel à jouer. Flexibles et tolérants aux risques, ils viennent compléter des volumes plus importants de fonds publics, en contribuant à démontrer l'efficacité et la rentabilité de la production décentralisée, à appuyer les gouvernements et à développer les coalitions internationales nécessaires pour encourager l’adoption de ces technologies.

Avec le soutien des chefs de file du secteur, le moment est venu d’intensifier notre collaboration et d’harmoniser nos investissements collectifs afin de surmonter les obstacles et d’accélérer l’adoption de solutions énergétiques décentralisées dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
 

Pour en savoir plus sur l’urgence de l’électrification en Afrique et la révolution des énergies renouvelables, regardez en replay un évènement phare des dernières Réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI, intitulé Brancher l’Afrique : Quelles solutions pour accélérer l'accès à l'énergie et améliorer les conditions de vie ?
 


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Guangzhe Chen

Vice-président, Infrastructure, Banque mondiale

Joseph Ng'ang'a

Directeur général par intérim, Alliance mondiale pour l'énergie au service des populations et de la planète (GEAPP)

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