Published on Africa Can End Poverty

Le Bénin est sous l’eau

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In English: http://blogs.worldbank.org/africacan/benin-under-water

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J'ai relaté précédemment mon expérience des inondations survenues au Niger et à Abidjan mais c’est incomparable avec ce que j’ai eu à voir au Bénin il y a quelques jours.

La moitié du pays est sous l'eau et il ne cesse de pleuvoir.

Cela a commencé par une demande d’aide du président béninois pour que nous aidions le pays à faire face aux inondations. J’ai été envoyé sur place afin d’évaluer l’ampleur du problème, d’identifier les mesures déjà prises par le gouvernement et les bailleurs de fonds et de formuler des recommandations sur les interventions de la Banque.

 

Après avoir réservé mon billet d’avion, j’ai effectué une recherche sur Google qui ne m’a guère permis d’en apprendre davantage, y compris sur le site de l’OCHA, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies. Je ne m’attendais donc pas à rencontrer le même type de dégâts dont j’avais été témoin dans d’autres parties de la région au cours des deux derniers mois. Si le problème avait été de grande ampleur, la presse internationale ne l’aurait-elle pas su ? Ou alors les médias étaient-ils peut-être au courant mais n’en parlaient pas, lassés d’Haïti et du Pakistan, ou soucieux de ne pas gâcher l’euphorie provoquée par le sauvetage des mineurs.

Je me suis donc rendu à Cotonou, la capitale du pays. La ville est construite sur une bande étroite formée de dunes de sable entre l'océan Atlantique et une vaste lagune. Après avoir rencontré les ministres de l’Intérieur et de la Décentralisation, nous avons parcouru les zones inondées de Cotonou en canoë. Je ne connais pas Venise, et cette sensation étrange de descendre une rue en bateau était inédite pour moi. L’eau était épaisse, noire et menaçante, un cocktail saumâtre de déchets flottants mêlés aux rejets d’innombrables latrines (la ville de Cotonou n’est pas dotée d’un système de traitement des eaux usées). J’imaginais déjà comment les maladies hydriques allaient se propager dans ce bouillon putride. De fait, 800 cas de choléra ont déjà été recensés et le bilan devrait s'alourdir.

Malgré le niveau de l'eau, les habitants semblaient être restés en majorité dans leur maison et nombre d'entre eux sont sortis pour nous regarder passer dans notre embarcation. Certains dormaient dans des bateaux. D’autres familles s’étaient réfugiées dans des écoles, obligeant les élèves qui venaient de commencer l’année scolaire deux semaines auparavant à en partir.

Puis nous avons embarqué dans un hélicoptère de l’armée, et c’est là que l’ampleur du problème nous est pleinement apparue. En survolant le tiers sud du pays, nous avons réalisé instantanément que plus de la moitié du Bénin était inondée. À quelques semaines des récoltes, les inondations n’auraient pas pu frapper à un pire moment pour la production agricole. Le bassin de l’Ouémé a été le plus touché et c’est à peine si nous arrivions à discerner le lit du fleuve. Il n’y avait plus aucune route visible. Beaucoup de familles s’étaient installées dans les combles ou sur le toit de leur maison, et arraché un morceau de tôle pour accéder au grenier.

Certains nous appelaient à l'aide et au secours en faisant de grands signes de la main, et je repensais aux images tragiques des inondations à la Nouvelle-Orléans après le passage de l'ouragan Katrina. La situation devenait désespérante après trois semaines dans l’eau sans aucune aide extérieure.

Le système onusien est à présent en marche, même si l’aide humanitaire n’a pas encore atteint la population. En une petite semaine, la gravité de la situation au Bénin, qui était jusqu’alors passée inaperçue, a finalement été prise en considération, et le pays est considéré comme le pays d’Afrique occidentale le plus durement affecté par les inondations.

Et notre rôle dans tout ça ? Pour un employé de la Banque mondiale, se rendre sur les lieux d'une catastrophe vous met dans une situation inconfortable.

D’un ton plein de sous-entendus, un membre d’une ONG m’a demandé ce que la Banque mondiale allait mettre sur la table en termes d'aide humanitaire. Au cours d’une interview, un journaliste m’a demandé ce que nous avions l’intention de faire pour aider les sinistrés. Une femme, avec de l'eau jusqu'aux genoux, m'a hurlé dessus dans une langue locale que je ne comprenais pas mais elle criait vraisemblablement sa colère contre l’absence de secours.

Je n’avais pas de réponse satisfaisante à leur fournir. Nous ne sommes pas une organisation humanitaire et nous ne devons pas essayer de l'être. Nous ne sommes pas en mesure d'offrir des solutions d’urgence, des denrées alimentaires, des abris ou des soins médicaux, aussi important cela soit-il.

Mais il y a plein de choses que nous pouvons et devons faire pour la phase de redressement. Nous pouvons donner au gouvernement une marge de manœuvre budgétaire grâce à une opération accélérée d’appui au budget. Par le biais du Mécanisme mondial de prévention des catastrophes et de reconstruction (GFDRR), nous pouvons effectuer une évaluation des besoins afin de déterminer les domaines où la Banque mondiale et les autres bailleurs de fonds devraient concentrer leurs efforts à moyen terme. Nous pouvons aider à mettre en place un système d’alerte précoce, à l'instar de ce que nous faisons déjà au Togo avec le GFDRR. Nous disposons d’un nouveau projet d’environnement urbain destiné à répondre aux problèmes de gestion des eaux usées et des déchets solides. Nous préparons par ailleurs une opération dans le secteur agricole qui peut bénéficier de financements d'urgence de la part du Programme d’intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale (GFRP). Nous pouvoir aussi revoir les cibles des sous-projets mis en œuvre dans le cadre de nos projets de développement communautaire et d’éducation (écoles, zones moins inondables).
 
Nous sommes en mesure de faire tout cela. Et tout cela aidera à atténuer les souffrances lors des prochaines inondations. En attendant, nous devons espérer que la pluie cesse, que le niveau d'eau baisse et que les victimes de ces inondations parviennent à survivre.

Voici quelques photos rapportées de mon voyage :
 

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Authors

Daniel Sellen

Sector Leader, Agriculture and Rural Development

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