Le 18 février dernier ont été présentés à Tunis, devant l’ensemble des acteurs clefs du secteur, les résultats d’une étude de diagnostic pour le développement du très haut débit (THD) en Tunisie. Financée par la « Arab Financing Facility for Infrastructure » (AFFI), cette étude (pas encore disponible) propose comme vision pour la Tunisie d’atteindre une couverture THD de 50% de la population en 2020 et 100% en 2025, tout en se concentrant à court terme sur les cibles prioritaires pour le haut débit tels que les communautés, entreprises, lieux d’enseignement, centre de santé et bureaux de poste.
Le déploiement de réseaux de communications électroniques à haut et très haut débit représente en effet pour la Tunisie un enjeu majeur de développement, tant sur le plan économique que social. La volonté du gouvernement de favoriser le déploiement, sur l’ensemble du territoire, de réseaux haut débit et très haut débit s’inscrit dans une logique d’assurer les conditions de la croissance à long terme et d’asseoir la position de la Tunisie comme pays leader des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans la région. Mais quelle est la combinaison de technologies haut débit entre fixe, mobile et satellite la plus adaptée pour que cette volonté devienne réalité compte tenu des contraintes budgétaires des pouvoirs publics et des consommateurs tunisiens ?
Le Consortium mandaté pour l’étude a développé un modèle socio-économique pour identifier le mix technologique optimal pour le déploiement du très haut débit en Tunisie, et ce avec une bonne granularité géographique, délégation par délégation. Il en ressort que la fibre jusqu’au domicile (FTTH, en anglais) pourrait se développer avec une rentabilité de 10 à 15 ans sur 5% à 12% de la population (zone Alpha), et nécessiterait un investissement (CAPEX, en anglais) initial de l’ordre de 55 millions de dinars tunisiens au minimum. Avec une rentabilité de 25 ans, le FTTH pourrait couvrir la zone Beta représentant jusqu’à 13% additionnels de la population et requerrait un investissement initial de l’ordre de 200 millions de dinars tunisiens (montant qui pourrait être réduit en fonction des initiatives des opérateurs privés). Pour le reste du territoire (zone Gamma), en revanche, ce sont les technologies de type fibre jusqu’au sous-répartiteur (FTTC, en anglais) pour 52% de la population[1] ainsi que mobile 4G/LTE pour les 30% restants de la population (certaines zones reculées pouvant cependant être couvertes par des solutions par satellite) qui seraient à privilégier, pour un investissement initial de l’ordre de 290 millions de dinars tunisiens. Ainsi, un investissement total de l’ordre de 545 millions de dinars tunisiens (313 millions de dollars américains) permettrait d’apporter le très haut débit à tous les tunisiens. Un ordre de grandeur des investissements à mettre en relation par exemple, avec l’offre de 205 millions de dinars tunisiens faite en 2012 par l’opérateur Tunisiana pour la 3è licence Fixe et 3G ou avec le chiffre d’affaires 2012 de cet opérateur qui est de 1 144 millions de dinars. La figure ci-dessous agrège les résultats par gouvernorat, étant entendu que dans les zones où la fibre optique sera disponible, il y aura également une couverture haut débit mobile.
Source : Consortium TERA CONSULTANTS (lead member), GIDE LOYRETTE NOUEL, CERT, EUDOXIA Conseil and CJBMI & ass.
Le très haut débit par fibre optique apporte de nombreux avantages, dont notamment un débit élevé (100 Mbit/s par seconde) et stable pour chaque utilisateur et une fiabilité accrue (car les liaisons en fibre optique sont peu sensibles aux perturbations électromagnétiques et aux interférences). De plus, il s’avère indispensable lorsque la multiplicité des terminaux (smartphones, tablettes, ordinateurs,…) génère de gros volumes de trafic depuis le domicile.
Si la rentabilité dans la zone Alpha est considérée comme suffisante pour que la fibre jusqu’au domicile soit déployée par les opérateurs du secteur privé, elle est par contre plus incertaine pour dans la zone Beta. Comment faire alors pour que la Tunisie puisse valoriser un de ces atouts, la forte concentration de 20% de la population sur une zone restreinte permettant d’optimiser les coûts de déploiement du haut débit?
L’étude suggère que le Gouvernement agisse dans la zone Beta en tant qu’ « investisseur avisé » dans le cadre d’un Partenariat Public Privé (PPP) pour faciliter et accélérer le déploiement du très haut débit par fibre optique et permettre à la Tunisie de faire un saut qualitatif en matière d'infrastructures numériques. Concrètement, pour cet investissement initial de l’ordre de 200 millions de dinars tunisiens (126 millions de dollars américains) dans la zone Beta, elle recommande aux acteurs publics et privés d’explorer sans tarder un modèle innovant de PPP, reposant sur la création d’un consortium / société de projet agissant comme opérateur d’infrastructures passives et offrant un accès ouvert et non discriminatoire au réseau FTTH. On retrouve là une des principales recommandations de l’étude récente de la Banque mondiale sur « Les Réseaux Haut Débit au Moyen Orient et en Afrique du Nord: accélérer l’accès Internet à grande vitesse », le développement de nouveaux modèles d’offre d’infrastructure, qu’on observe déjà dans la région du Golfe et qui pourrait bientôt devenir une réalité en Afrique du Nord.
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