Même si la route reste encore longue, l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a accompli des progrès intéressants en matière d’inclusion financière en développant ses services financiers numériques (SFN).
Au cours des neuf premiers mois de 2015, la Banque centrale régionale (BCEAO) a constaté une augmentation de l’utilisation de SFN de l’ordre 33 % par rapport à 2014 avec 346,9 millions de transactions, totalisant 8,5 milliards de dollars. Parallèlement à cette croissance, la BCEAO a également actualisé sa réglementation sur l'émission et la distribution de monnaie électronique ce qui influencera de manière significative l'évolution du marché des SFN dans l'UEMOA.
En dépit de ces avancées positives, le potentiel des SFN est encore sous exploité au sein des pays de l’UEMOA où seulement 13 % de la population adulte possède un compte dans une institution financière formelle (18 % si on y ajoute le mobile money). En Côte d'Ivoire par exemple, plus de 50 % des clients enregistrés déclarent ne pas avoir utilisé leurs comptes au cours des 90 derniers jours, au Sénégal, seuls 8 % des Sénégalais utilisent le mobile money alors qu’ils sont au moins 80 % à connaître son existence.
Au cours des derniers mois, le centre de recherche CGAP (Consultative Group to Assist the Poor) a interrogé plus de 100 organisations au Bénin, en Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Mali et au Niger pour évaluer le marché de SFN dans l'UEMOA. Cette évaluation analyse les acteurs clés, explique pourquoi le marché actuel ne répond pas aux besoins des populations à faible revenu et formule des recommandations pour y remédier.
Qu'avons-nous appris?
Environnement règlementaire. La règlementation de 2006 sur la monnaie électronique a été un facteur favorable au développement des SFN, permettant aux banques et institutions non bancaires d'émettre de la monnaie électronique. Son actualisation en 2015 ouvre davantage la voie aux opérateurs de téléphonie mobile (OTM) pour se lancer dans l’émission de monnaie électronique. Cela devrait les rendre plus autonomes vis-à-vis des banques et permettra aux partenariats de se concentrer davantage sur le développement des SFN de deuxième génération comme le crédit, l'épargne et l'assurance.
Certains aspects réglementaires restent toutefois encore flous ou incomplets, notamment en ce qui concerne les exigences d’ouverture de compte, l'identification, la réglementation des intermédiaires bancaires, et l'accès au canal sécurisé USSD. Pour avancer sur ces points, la BCEAO, les autorités nationales de télécommunications, les bureaux nationaux d'identification et d’autres acteurs devront davantage se concerter et examiner attentivement les spécificités de chaque pays.
Secteur privé. De nombreux prestataires de services financiers (banques, OTM etc.) ne souhaitent tout simplement pas étendre leur offre de SFN car ils ne sont pas convaincus par le business case qui leur paraît trop risqué et peu rentable. Par ailleurs, la méfiance entre les OTM et les institutions financières nuit souvent au développement de partenariats pour élargir l’offre actuelle.
Nous espérons que les bailleurs de fonds et responsables politiques parviennent à encourager les prestataires à nouer des partenariats et adopter une approche de long terme.
Réseaux d'agents. Il faut absolument augmenter durablement les réseaux actuels d'agents, en nombre et en localisation (dans les zones rurales en particulier) pour que les agents restent actifs, offrent une bonne qualité de service, et aient suffisamment de liquidités disponibles. Cela implique de développer l'infrastructure d’appui, notamment la couverture du réseau de télécommunications, et des partenariats avec des acteurs susceptibles d’offrir des services financiers adaptés aux besoins des agents. Il est également essentiel de former les agents pour leur permettre de développer leurs activités en s’adaptant à l’évolution de la règlementation.
Information. L’UEMOA ne dispose pas de beaucoup d’informations récentes et publiques sur la demande et l’offre de SFN. L’évolution rapide de ce marché et le refus de certains acteurs de partager leurs données, ne facilitent pas la tâche, tout comme les ressources limitées et le manque de capacités pour mener, analyser et publier ces données. En outre, même lorsque cette information est disponible, elle n’est pas toujours largement diffusée ou présentée dans des formats utiles.
Volonté politique. Les difficultés les plus fréquemment citées pour expliquer la faible utilisation des SFN sont le manque d'infrastructures et le faible niveau d’instruction. Mais le principal obstacle reste le manque de volonté politique et de capacités pour construire l'infrastructure nécessaire, améliorer la qualité du système éducatif et en faire bénéficier l’ensemble de la population ou encore numériser les paiements gouvernementaux.
Nous espérons que les gouvernements nationaux s’attaqueront rapidement à ces questions avec la BCEAO. La stratégie d'inclusion financière régionale développée par la BCEAO constitue d’ailleurs un bon point de départ. Les bailleurs de fonds et autres acteurs du développement pourront soutenir sa mise en œuvre par le biais de financements, d'assistance technique et en incitant les autorités nationales à en faire une priorité.
Il faut surmonter les obstacles pour développer durablement les SFN et continuer à faire progresser l'inclusion financière dans l’UEMOA.
Pour lire la totalité du rapport qui fournit des informations plus détaillées sur les points soulevés dans ce blog et explore des pistes de solutions en vue d'atteindre cet objectif : http://www.cgap.org/sites/default/files/Working-Paper-Market-Stystem-Assessment-of-Digital-Financial-Services-in-WAEMU-French_0.pdf
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