Alors que l’année 2016 se profile sous le signe de l’incertitude et de l’instabilité, elle s’annonce également riche en progrès potentiels. L’Afrique devrait profiter de ces grandes évolutions et en initier quelques-unes.
La conjoncture internationale est sans conteste difficile, avec le ralentissement de la croissance, les secousses des places boursières, l’effondrement des cours des matières premières et les risques émanant des pays émergents (de Chine notamment) — sans oublier la hausse du nombre de réfugiés, les tensions géopolitiques et les menaces découlant de l’extrémisme violent.
Mais le pire n’est jamais certain, malgré ce que d’aucuns redoutent pour 2016. Quand on sait que le FMI table sur un taux de croissance de 3,4 % en 2016 et de 3,6 % en 2017 (contre 3,1 % en 2015), on se dit que les marchés sont trop réactifs. Derrière la morosité qui ressort du cycle quotidien de l’actualité, il existe de nombreuses raisons d’être optimisme.
Tandis que l’année 2015 a été celle de tous les accords (voir 10 raisons de garder un œil sur l’Afrique en 2015 [a]), 2016 sera celle des transformations (dans l’énergie, la finance, la technologie et les partenariats mondiaux), avec de profondes répercussions pour l’Afrique.
Voici les 10 scénarios que nous envisageons pour le continent en 2016.
Les avancées sur le front du climat : la COP21 a été incontestablement un succès majeur. Bon nombre d’attentes ont été plus que satisfaites et le « sens de la marche » clairement tracé. Toute la difficulté consistera en 2016 à accélérer le rythme, car il y a urgence. Les nations africaines ont profité du sommet de Paris pour abandonner la thématique de la dépendance au profit de la transformation et des opportunités associées à la lutte contre le changement climatique. En 2016, l’Afrique développera les énergies bas carbone tout en défendant son droit à exploiter les combustibles fossiles. Avec la baisse constante du coût de l’énergie solaire (de plus 10 % par an), les perspectives sont considérables.
Le dynamisme du secteur privé : les acteurs privés vont devenir des agents incontournables pour la réalisation des objectifs climatiques mondiaux, notamment en œuvrant pour que les émissions de carbone atteignent leur pic dans les cinq à dix prochaines années. En 2016, toujours plus de patrons réclameront la tarification du carbone. Avec sa pression démographique, une demande de biens de consommation en hausse et ses immenses besoins d’infrastructures, l’Afrique sera idéalement placée pour bénéficier de ce dynamisme du secteur privé et des transformations dont il sera le catalyseur.
Le grand bond en avant énergétique : les défis de l’Afrique en la matière sont considérables. Sous la présidence de Kofi Annan, l’Africa Progress Panel appelle à décupler les capacités de production en Afrique à l’horizon 2030. L’an dernier, les dirigeants africains ont manifesté une volonté toujours plus affirmée de transformer radicalement le secteur de l’énergie. Le contexte mondial évolue lui aussi à la faveur de la COP21. En 2016, les responsables politiques internationaux et régionaux redoubleront d’efforts pour élargir l’accès de l’Afrique à l’énergie. Le Nouveau pacte pour l’énergie en Afrique, établi par la Banque africaine de développement, en partenariat avec le Département du développement international du Royaume-Uni et l’USAID (avec son initiative Power Africa), permettra de fédérer un large éventail d’acteurs autour de la dynamique engagée en 2015 afin d’obtenir des résultats rapides dès 2020.
Le chantier du nouveau multilatéralisme : dans l’ensemble des réunions internationales de haut niveau qui se sont déroulées en 2015, qu’il s’agisse du financement du développement, des nouveaux objectifs mondiaux de développement ou de la lutte contre le changement climatique, l’Afrique a bénéficié de l’attention qu’elle mérite. À ces diverses occasions, les gouvernements du monde entier ont prouvé qu’ils pouvaient s’affranchir d’une vision purement nationale. 2016 devra être l’année de la mise en œuvre intégrale et équitable de leurs décisions. Les citoyens auront un rôle décisif à jouer pour tenir leurs dirigeants comptables des progrès obtenus par rapport aux objectifs qu’ils se sont eux-mêmes fixés.
L’effondrement des cours des matières premières, clé de la diversification : les pays africains riches en ressources naturelles, comme l’Angola, le Ghana, le Nigéria ou la Zambie, sont profondément fragilisés par l’effondrement des cours des matières premières. Ils doivent donc identifier des sources alternatives de financement. Si la Chine restera un acteur majeur à cet égard, 2016 verra également l’Inde émerger comme un sérieux concurrent. Cette chute des cours des produits de base peut aussi être l’occasion pour les pays africains de diversifier leurs économies et de supprimer les subventions aux carburants, sources d’inégalités.
Révolution verte, révolution bleue : pour un grand nombre de pays africains, le dévissage des cours des matières premières inaugure l’ère des révolutions verte et bleue, qui verront l’agriculture et la pêche jouer un rôle grandissant dans la diversification de l’économie. L’agriculture africaine cessera d’être un problème de développement pour devenir un créneau commercial porteur. Sur tout le continent, les petits exploitants ont des capacités inégalées de résilience et d’innovation et pourraient de ce fait assurer l’approvisionnement d’un nombre grandissant de citadins et alimenter les marchés d’exportation pour satisfaire la demande mondiale. Dans l’immédiat, l’Afrique devra œuvrer pour la substitution de produits nationaux aux importations afin de réduire la facture de ses importations alimentaires, qui atteint 35 milliards de dollars par an. Il faudra pour cela supprimer les barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges régionaux, démanteler les cartels dans les transports et développer les moyens de commercialisation. Un investissement accru dans les infrastructures et la recherche devrait entraîner une hausse sensible des rendements et des revenus des agriculteurs.
La quatrième révolution industrielle : à l’initiative du secteur privé et avec le soutien de la communauté internationale, des investissements considérables seront consentis dans les nouvelles technologies. Comme Klaus Schwab l’explique clairement dans son livre The Fourth Industrial Revolution, c’est la fusion des nouvelles technologies avec le monde physique, numérique et biologique qui rendra la quatrième révolution industrielle fondamentalement différente des précédentes. Les fonds de capital-risque sont prêts à investir en Afrique. La prochaine étape consiste donc à réunir secteurs public et privé afin de finaliser les accords le plus vite possible. En 2016, des mutations technologiques rapides pourraient créer de nouvelles industries, réduire les inégalités et être le moteur de transformations structurelles.
L’avenir des financements : l’absence de financement reste un frein majeur au développement de l’Afrique. 2016 sera cependant l’année des investissements, les grands acteurs de la finance commençant à s’intéresser aux laissés-pour-compte du système financier actuel, qui représentent 80 % de la population. Les technologies mobiles joueront un rôle clé pour satisfaire leurs besoins. Les banques locales agiront davantage comme des établissements financiers « réels », en finançant les petites et moyennes entreprises dont la plupart sont dirigées par des « agropreneurs » dynamiques. Il faudra pour cela mobiliser l’épargne intérieure. De plus en plus, les fonds de pension s’imposent comme une solution primordiale et intéressante pour apporter des capitaux à long terme.
La gestion des migrations : les flux migratoires en provenance d’Afrique continueront de figurer dans les titres de la presse et à l’ordre du jour de la communauté internationale. En 2016, plusieurs dirigeants africains commenceront à s’atteler aux dynamiques sous-tendant ces mouvements. Dans le même temps, le dialogue international entourant les migrations des Africains vers l’Europe cessera de n’y voir qu’une crise pour privilégier les avantages potentiels pour toutes les parties prenantes, à condition de gérer ces flux de manière proactive.
Un rayonnement mondial grandissant : le dynamisme, la voix et la présence de l’Afrique seront de plus en plus manifestes dans les enceintes internationales. Les Africains, surtout les millions de jeunes du continent, continueront à explorer les perspectives liées au boum des nouvelles technologies, permettant à de nombreux pays africains de se hisser à la pointe des innovations mondiales dans quantité de secteurs, y compris la technologie, les industries culturelles et de la création et le sport.
Ce billet a été publié pour la première fois sur le site du Huffington Post.
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