Afrique de l’Ouest : une vision commune au service d’un littoral résilient

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Au Togo, l’érosion du littoral menace les habitations et les moyens de subsistance. Crédit photo : Eric Kaglan, Banque mondiale

Au Togo, les familles placent souvent des talismans à l’extérieur de leurs maisons, face à l’océan Atlantique, espérant que leurs pouvoirs magiques ou spirituels supposés les protègeront des vagues qui pénètrent toujours plus loin dans les terres.
 
Cela n’a hélas pas sauvé ces dizaines de villages dévorés par les flots depuis le milieu des années 1990. Les coques de bateaux, remplies de souvenirs sur des côtes qui perdent chaque année jusqu’à 5 à 10 mètres de terrain, sont devenues impropres à toute activité rémunératrice. Les anciens habitants qui viennent en pèlerinage sur les lieux de leur enfance restent abasourdis en constatant que la mer a littéralement englouti des communautés entières.

Dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest, l’érosion peut grignoter chaque année entre 23 et 30 mètres de côtes. Au Togo mais aussi au Bénin, en Côte d’Ivoire, en Mauritanie, à Sao Tomé et Principe ou encore au Ghana et au Sénégal, l’effondrement du littoral emporte routes, villages et écoles, tandis que les crues subites se multiplient, affectant chaque année plus de 500 000 personnes.
 
Les zones côtières d’Afrique de l’Ouest abritent un tiers environ de la population régionale et plus de la moitié des citadins. 56 % du PIB de la région sont produits par l’activité menée à proximité des côtes, où l’absence de mesures pour freiner l’érosion accroît la vulnérabilité économique et sociale.
 
Fin octobre, je me suis rendue à Lomé pour un colloque inaugural sur l’adaptation des zones côtières. En faisant le point sur les enjeux et les formations techniques mais également sur les perspectives d’investissement durable, cette réunion a galvanisé les autorités régionales, leurs partenaires et les différentes parties prenantes. En réponse à une demande des acteurs régionaux, le Programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA) de la Banque mondiale s’est associé aux initiatives de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN).
 
La Banque mondiale, l’UEMOA et d’autres partenaires internationaux se sont engagés à soutenir l’élaboration d’un programme conjoint d’investissement pour atténuer les risques dans les régions côtières. Des experts techniques ont réfléchi à un plan d’action concret pour lutter contre l’érosion, en impliquant toutes les parties et filières qui, d’un point de vue social et économique, ont un lien avec le littoral. Plusieurs résultats ont été obtenus en un temps record à la demande de certains pays : assistance technique, préparation d’un projet régional soutenu par l’Association internationale de développement (IDA, le fonds de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres) et partenariats avec la France et l’UEMOA. La Banque mondiale joue là parfaitement son rôle de mobilisation de fonds et de plateforme pour lever d’autres ressources.
 
En clôture du colloque, le ministre de l’environnement du Togo, André Johnson, a livré un vibrant plaidoyer en faveur des communautés côtières pauvres, les premiers partenaires à associer : « Nous devons agir pour protéger les plus vulnérables et améliorer leurs niveaux de vie. Tel est l’engagement du Togo qui, j’en suis sûr, fait écho à celui de la Banque mondiale et de nos partenaires. »
 
Un nombre croissant de pays africains prennent conscience du potentiel, encore peu exploité et non organisé, de l’économie bleue. Dans le communiqué concluant la rencontre de Lomé, les États d’Afrique de l’Ouest s’engagent à développer l’économie bleue de manière durable pour favoriser l’adaptation au changement climatique dans les zones marines et côtières. Ils ont convenus de renforcer la coopération et la coordination régionales pour valoriser et gérer le littoral de l’Afrique de l’Ouest et envisager sous un angle régional les mesures à engager. Ils ont également décidé de réaliser des études d’impact environnemental et social exhaustives et d’améliorer la pérennité des investissements prévus en tenant compte du changement climatique. Tous les pays présents se sont également engagés à préserver et restaurer les écosystèmes côtiers et à revitaliser les infrastructures vertes, des mangroves aux récifs de corail.
 
L’économie bleue est par ailleurs l’un des axes majeurs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, du Business Plan pour le climat en Afrique, de la COP21 et de la COP22. En Afrique de l’Ouest, où le littoral est source de richesse, certains pays viennent d’améliorer la gestion de la pêche et de renforcer la sécurité de l’aquaculture.
 
Surtout, les pays d’Afrique de l’Ouest ont décidé de concentrer leurs efforts sur les populations côtières et leurs moyens de subsistance. En développant la mangrove, en rendant les récifs plus résilients, en améliorant la gestion des stocks de poissons et la  sécurité alimentaire, et en adoptant des mesures pour ralentir l’érosion provoquée par l’activité humaine, le WACA entend aider à créer des emplois, générer une croissance durable et favoriser la prospérité de l’écosystème côtier.
 
Les premiers résultats sont là. Avec le soutien d’autres pays côtiers, Sao Tomé et Principe est en passe de décourager et d’interdire l’extraction de sable. La Guinée-Bissau vient d’améliorer la gestion de la pêche en instaurant de nouvelles interdictions contre les activités illégales. Le Togo, la Mauritanie, la Côte d’Ivoire et le Bénin élaborent des plans d’investissement multisectoriels parallèlement à la réalisation d’une analyse exhaustive de l’environnement.
 
Je ne saurais trop souligner l’importance de ces nouveaux partenariats régionaux à l’initiative des pays. Quiconque a emprunté le corridor routier entre Abidjan et Lagos sait le drame régional que constitue l’engloutissement d’une route.
 
Notre mission est claire : aider les pays à développer une économie bleue où les innovations et la croissance des zones côtières, marines et maritimes contribueront à fournir des produits alimentaires et des services énergétiques et de transport tout en posant les jalons d’un développement durable.


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