Au Cameroun, l’élevage de bétail s'adapte au changement climatique

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Moussa A?s cattle shed in Darang, Cameroon. Credit: Kadhija Ngondi Njoya @World Bank Moussa A’s cattle shed in Darang, Cameroon. Credit: Kadhija Ngondi Njoya @World Bank

Moussa sait gérer à peu près tous les problèmes liés à l’élevage de bétail. Cependant malgré le vaste savoir transmis par une longue lignée d’éleveurs et de pasteurs à Darang, dans la région d’Adamawa au Cameroun, et bien qu’il élève du bétail depuis près de 40 ans et possède aujourd’hui deux coopératives, ses compétences sont de plus en plus mises à l’épreuve. 

L’imprévisibilité des conditions météorologiques due au changement climatique complique l’approvisionnement en fourrage et en eau de son cheptel laitier. « Depuis 30 ans, il fait beaucoup plus chaud pendant les saisons sèches », note l'éleveur, « et elles durent aussi plus longtemps. » 

Auparavant de cinq mois, la saison sèche peut en effet en atteindre huit, ce qui augmente le risque de mortalité du bétail. 

Autrefois Moussa devait souvent faire parcourir de longues distances à son bétail, à la recherche de pâturages, de nourriture et d’eau. Aujourd’hui, cet adepte de l’innovation applique des techniques de gestion adaptative de l’eau et du fourrage pour mieux protéger ses animaux contre le risque de sécheresse pouvant entraîner leur mort prématurée.

« Nous avons fait des forages et planté des cultures fourragères pour faire face aux sécheresses prolongées », explique Moussa, précisant n’avoir ainsi perdu aucun animal depuis. 
 

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Réservoir d’eau destinée au bétail.
Réservoir d’eau destinée au bétail. Crédit : Kadhija Ngondi Njoya @Banque mondiale

« Nous récoltons et stockons le fourrage pour la saison sèche, ce qui nous évite d’avoir à déplacer le bétail. » Son champ de cinq hectares produit du foin et des graines de coton. « Nous avons récolté au moins 2 000 kg de graines cette année », dit-il. 

Moussa cultive des pommes de terre, du maïs, des arachides et des légumes, en utilisant du fumier de vache comme engrais pour améliorer la qualité nutritionnelle du sol.
 

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Cultures fourragères.
Cultures fourragères. Crédit: Kadhija Ngondi Njoya @Banque mondiale

Moussa reçoit un soutien technique et financier du projet de développement de l’élevage (PRODEL), mis en œuvre par le ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (MINEPIA). 

Financé par un prêt de la Banque mondiale de 100 millions de dollars, ce projet vise à améliorer la productivité des systèmes d’élevage et la commercialisation de la production animale.  Les éleveurs reçoivent une formation technique, une aide au renforcement des capacités et un soutien financier pour concevoir et mettre en œuvre des plans de développement. Des interventions visant à améliorer la santé animale et l’accès à des intrants de qualité, ainsi que la gestion des ressources pastorales sont également financées.

Les plans de développement élaborés dans le cadre du PRODEL promeuvent souvent une « agriculture climato-intelligente » qui favorise l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets.  

Au Cameroun et en Afrique subsaharienne, les systèmes d’élevage jouent un rôle essentiel dans la transposition à grande échelle des pratiques et technologies climato-intelligentes.  Le bétail, qui représente une source de revenus et d’aliments riches en protéines, subit directement les effets des dérèglements du climat. 

En améliorant le stockage du fumier de vache dans son exploitation, Moussa réduit la quantité de gaz à effet de serre émise dans l'atmosphère. Une autre stratégie consiste à laisser les résidus de semences, de foin et de cultures dans le sol pour en améliorer la qualité et ainsi atténuer les effets du changement climatique à long terme.

Selon une évaluation du PRODEL, la production de protéines des systèmes d’élevage a augmenté alors que l’intensité des émissions de gaz à effet de serre (soit la quantité de gaz à effet de serre par unité de produit d’élevage) a diminué.

Les enseignements tirés du soutien apporté par le PRODEL aux producteurs ont depuis été intégrés dans une stratégie nationale du MINEPIA pour un développement de l’élevage climato-intelligent. Cette stratégie a pour objectif général d’augmenter durablement la production animale tout en tenant compte du changement climatique : i) en orientant les programmes et projets nationaux d’élevage vers l’adaptation au changement climatique et l’atténuation des émissions ; ii) en favorisant l’intégration des stratégies d’adaptation, d’atténuation et de transformation dans les politiques nationales de développement de l’élevage ; iii) en fournissant au Cameroun un cadre stratégique pour un développement de l’élevage résilient au changement climatique ; et iv) en assurant le suivi et l’évaluation des efforts déployés par le pays pour développer un sous-secteur de l’élevage climato-résilient. 

La stratégie a été élaborée avec le soutien du Programme pour des systèmes d’élevage climato-intelligents en Afrique (PCSL) (a), une initiative du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) mise en œuvre par l’agence allemande de coopération internationale (GIZ), la Banque mondiale et l’Institut international de recherches sur l’élevage (ILRI). Ce programme, achevé en 2022, visait à encourager des pratiques d’élevage, des politiques et des systèmes de suivi adaptés aux enjeux du changement climatique dans plusieurs pays africains, ainsi qu’à fournir des orientations pour transposer les enseignements à plus grande échelle. 

Tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant, et le travail à la ferme reste difficile.

« Toute activité présente des difficultés », observe Moussa. « Nous avons des ouvriers qui ne viennent pas travailler, d’autres qui ne se comportent pas comme il le faudrait. Nous sommes également victimes de nombreux vols ; parfois, pendant la saison sèche, des gens allument des incendies qui atteignent nos cultures fourragères. »

Certes, la stratégie nationale pour un développement de l’élevage climato-intelligent ne résout pas tous les problèmes de Moussa, mais c’est un bon début. Les incitations à l’innovation sont évidentes à ses yeux, car son exploitation et ses coopératives font vivre sa famille.


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