Le Burundi, un beau pays aux milliers de collines, perd son capital naturel à un rythme alarmant en raison du changement climatique. Le pays est sculpté de collines verdoyantes où 90 % de la population vit et s’accroît. Il pleut neuf mois par an et des cascades coulent librement dans tout le pays. L’analyse Environnementale Pays (AEP) pour le Burundi datant de 2017 a révélé que le pays perdait chaque année 1,6 % de son PIB à cause de la dégradation des terres. Un nouveau rapport conjoint de la Banque mondiale et du Gouvernement du Burundi Lutte contre le Changement Climatique, la Dégradation des Terres et la Fragilité : Diagnostic des Facteurs de Fragilité Climatique et Environnementale dans les Paysages de Collines du Burundi – Vers un Plan d’Investissement Multisectoriel pour Renforcer la Résilience Climatique constate que le Burundi perd chaque année 5,2 % de sa superficie en raison de la dégradation des terres depuis 2020. Le Plan National de Développement (PND) vise à redonner à 16 % des terres dégradées leur ancienne productivité agricole. Toutefois, compte tenu du changement climatique, cet objectif est loin d’être suffisant pour freiner l’augmentation de 200 % de la dégradation des terres prévue dans tout le pays d’ici à 2050, y compris dans 118 collines du pays identifiées comme des zones à risque d’érosion des sols.
L’intensification des épisodes de fortes précipitations suivies de glissements de terrain ne fait qu’aggraver la situation, dégradant les terres rares et créant des tensions au sein des communautés, poussant les familles à se disputer les droits d’accès à la terre et perturbant la cohésion sociale dans ce pays fragile en situation post-conflit. En effet, au Burundi, plus de 85 % des affaires portées devant les tribunaux concernent des litiges liés à la propriété foncière. Le changement climatique est un multiplicateur de menaces qui enferme les communautés des collines burundaises dans un cercle vicieux de fragilité et de vulnérabilité face à la pauvreté, aux risques de dégradation des terres, à la perte des moyens de subsistance et au chômage.
Dans le contexte du Burundi, des investissements urgents sont nécessaires à l’échelle nationale pour restaurer les paysages du pays qui se dégradent rapidement sous l’effet du changement climatique, garantir les droits fonciers et rétablir la productivité des terres agricoles. Un processus intégré de gestion durable des paysages devrait être adopté pour renforcer en même temps la résilience des communautés fragiles et les moyens de subsistance des populations rurales face à l’intensification des chocs liés au climat (glissements de terrain, inondations et tempêtes principalement), tout en injectant des investissements indispensables dans les communautés à court d’argent et d’opportunités qui sont ébranlées par les impacts des chocs, par le biais du travail contre rémunération, des paiements numériques en espèces et de l’accès à des moyens de subsistance alternatifs générateurs de revenus et à de nouvelles chaînes de valeur vertes en dehors de l’agriculture pluviale.
Burundi : Une empreinte carbone minime mais une vulnérabilité climatique très élevée
Le Burundi émet moins de 0,02 % des gaz à effet de serre (GES) qui contribuent au réchauffement de la planète et pourtant le pays est classé 22e pays le plus vulnérable au changement climatique dans le monde et 173e pays le plus prêt pour le climat.
Dans une analyse récente, nous avons constaté que, de 1979 à 2018, la température moyenne du Burundi a augmenté en moyenne de 0,31°C par décennie (Figure 1).
En développant une base de données sur la vulnérabilité combinée au climat, à la pauvreté et aux conflits au Burundi, la Banque mondiale visait à faciliter la recherche d’un consensus avec les parties prenantes nationales et internationales et à plaider en faveur d’une augmentation des investissements dans la résilience climatique locale et la restauration des paysages au Burundi et dans d’autres pays en situation de fragilité, de conflit ou de violence (FCV). Les économies fortement émettrices de gaz à effet de serre pourraient sans doute être tenues pour responsables – et redevables – de la vulnérabilité croissante du Burundi aux risques climatiques.
Le Burundi, l’un des plus petits pays d’Afrique, compte environ 12 millions d’habitants (Banque mondiale, 2021). Environ 98 % des Burundais sont vulnérables sur le plan socio-économique aux effets du changement climatique, mais cette vulnérabilité socio-économique est répartie dans l’espace, les régions du nord-est et de l’est du pays enregistrant la vulnérabilité la plus élevée (Figure 2).
En revanche, environ 41 % des Burundais sont fortement exposés aux conflits et aux multiples risques climatiques (inondations, glissements de terrain, sécheresses, etc.), surtout dans les régions de l’ouest et du nord-ouest du Burundi. En raison de la nature prolongée de la vulnérabilité climatique, de la fragilité et de l’extrême pauvreté, la capacité d’adaptation des individus et des ménages reste très élevée dans l’ensemble du paysage de collines du Burundi.
Lorsque les aléas climatiques frappent, les Burundais ont une capacité d’adaptation limitée
Une écrasante majorité de Burundais (99 %) n’a pas la capacité d’adaptation nécessaire pour résister aux effets du changement climatique, tels que les sécheresses, les inondations et les glissements de terrain, qui les affectent déjà tous. La plus grande vulnérabilité à ces risques est presque entièrement due à l’impact du réchauffement des GES sans le financement climatique pour compenser leur impact.
Les risques liés au climat constituent une menace existentielle pour presque tous les secteurs du pays, notamment l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’environnement, les écosystèmes, la santé, la sylviculture, l’énergie, les infrastructures, les établissements humains et la gestion des ressources hydriques. Les impacts du changement climatique – principalement les inondations et les glissements de terrain – sont les principaux facteurs de déplacement interne, affectant de manière disproportionnée les femmes et les enfants vivant sur les collines du Burundi.
Les conflits et les violences autour des terres productives se multiplient au sein d’une population essentiellement rurale, dépendante des ressources naturelles et confrontée à l’afflux récent de réfugiés rapatriés de la République démocratique du Congo voisine, ce qui oblige les populations à s’agglutiner sur des parcelles de plus en plus petites (et dégradées). La productivité agricole est faible et en déclin, les conditions sanitaires sont médiocres et les infrastructures inadéquates. Les pouvoirs publics ne sont guère disposés à s’attaquer aux conséquences sociales, économiques et de gouvernance des crises climatiques, de développement et de fragilité qui se chevauchent. Rien qu’en 2020 et chaque année depuis, 100 % des personnes déplacées à l’intérieur du Burundi ont été chassées de chez elles par des chocs liés au climat, principalement des inondations (HCR, 2022).
Au milieu de tout cela, l’étude de la Banque mondiale montre une dégradation grave et croissante des terres, qui à son tour a un impact sur la croissance économique. Une analyse de la Banque mondiale de 2017 a estimé que le Burundi perdait près de 38 millions de tonnes de terres par an, pour un coût calculé de 120 millions de dollars, soit 3,9 % du PIB en 2014.
L’étude de la Banque mondiale et du Gouvernement du Burundi révèle en outre qu’entre 2017 et 2020, plus de 33 000 hectares, soit 1,2 % de la superficie du Burundi, subiront une dégradation aiguë, dont 10 800 hectares de terres productives et de terres agricoles. Cela inclut 10 800 ha de terres productives (1 % de la superficie totale). L’érosion des sols s’aggrave ; si les tendances projetées se poursuivent, la perte de sédiments pourrait avoir augmenté de 69 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2020, et jusqu’à 200 % d’ici 2050.
La Banque mondiale appelle plusieurs donateurs à renforcer la résilience du Burundi à grande échelle.
Depuis 2018, la Banque mondiale soutient les investissements visant à renforcer la résilience des paysages ruraux du Burundi, en ciblant d’abord un ensemble pilote de 31 communautés situées à flanc de colline dans le cadre du projet pilote Projet de Restauration et de Résilience du Paysage du Burundi (2018-2024), d’un montant de financement de 30 millions de dollars, qui a bénéficié d’un financement additionnel de 6 millions de dollars par l’intermédiaire du Fonds pour l’Environnement Mondial (2021-2024).
La nécessité d’augmenter les investissements dans la restauration du paysage et la résilience climatique des communautés pour l’ensemble des 2 692 collines du pays est évidente, mais un financement beaucoup plus important de l’adaptation au climat est nécessaire pour soutenir la contribution déterminée au niveau national du Burundi et d’autres plans de développement de la résilience. Une estimation préliminaire de l’étude menée par la Banque mondiale et le Gouvernement du Burundi évalue les besoins en investissements climatiques pour la résilience à 1,5 million de dollars par colline.
La Banque mondiale et les partenaires des Nations Unies sont à la tête d’une plateforme multi-donateurs appelant les mécanismes mondiaux de financement climatique et les organisations multilatérales de développement à co-mobiliser le financement climatique à l’échelle requise pour répondre aux besoins urgents d’investissement dans la résilience climatique du Burundi. Dans l’entre-temps, la Banque mondiale continuera d’aider le Gouvernement du Burundi à élaborer un plan national d’investissement dans la résilience climatique identifiant les investissements prioritaires pour restaurer la santé des écosystèmes, arrêter et inverser les tendances à la dégradation des terres, développer une agriculture intelligente face au climat, renforcer la résilience des communautés et aider à sauver les collines du Burundi de toute urgence. La capacité d’adaptation des communautés vulnérables doit être renforcée, en particulier pour les communautés rurales, les groupes autochtones tels que les Batwa, les femmes, les enfants, les personnes déplacées à l’intérieur du pays, les réfugiés et les membres de la société vivant avec un handicap, tout en renforçant la capacité des institutions techniques nationales à anticiper, à planifier et à agir sur les risques climatiques avant qu’ils ne frappent.
Les stratégies d’adaptation au climat doivent être adaptées au contexte
Même un petit pays comme le Burundi présente d’importantes variations spatiales et géographiques en matière d’impacts climatiques actuels et prévus. Le Rapport sur la Lutte contre le Changement Climatique, la Dégradation des Terres et la Fragilité décrit les solutions adaptées nécessaires pour créer un environnement propice à la réduction de la fragilité et à l’amélioration de la préparation au changement climatique au Burundi.
Il s’agit notamment de : (i) développer des plans d’action multisectoriels au niveau collinaire pour la résilience climatique, ainsi que des plans d’urgence locaux qui doivent être intégrés dans les processus de planification du développement local, en particulier pour les collines les plus à risque ; (ii) renforcer les capacités institutionnelles au sein de l’administration nationale et locale pour identifier les risques climatiques et environnementaux, surveiller les impacts, et adopter des procédures pour passer de l’alerte précoce à l’action précoce du niveau national au niveau collinaire sur la base de projections pour les pluies, les glissements de terrain, les sécheresses, et d’autres événements extrêmes ; (iii) intensifier les solutions fondées sur la nature et la gestion des paysages à l’échelle des bassins versants afin de rendre les terres dégradées à nouveau cultivables et d’améliorer la fertilité des sols et la production pour la population essentiellement rurale du pays (qui dépend encore fortement de la production agricole), tout en créant de nouveaux emplois verts résistants au climat, des chaînes de valeur et des sources de revenus diversifiées en dehors de l’agriculture.
Ces investissements pour l’impact climatique sur le terrain soulignent que le changement climatique offre une opportunité de mieux faire le développement. En nous concentrant sur les besoins des communautés les plus vulnérables actuellement laissées pour compte par le financement climatique, nous voyons un moyen d’améliorer le développement, de manière à renforcer la résilience climatique et à ne laisser personne pour compte. Et nulle part ailleurs il n’est plus possible de réaliser un impact sur le climat et le développement à grande échelle que dans ce petit mais magnifique pays qu’est le Burundi, où un seul projet financé par la Banque mondiale pourrait facilement avoir un impact durable sur les 3 000 collines du pays.
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