Changement climatique et infrastructures en Afrique : puisqu’il faut s’adapter, agissons maintenant et intelligemment

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ImageDans moins d’une semaine, les dirigeants de plus de 190 pays se rencontreront à Paris pour parvenir à un nouvel accord visant à éviter un réchauffement de l’atmosphère terrestre supérieur à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels.

Plus que jamais, la question de l’adaptation sera au centre des discussions. Accepter de limiter le réchauffement climatique à 2°C revient pour les négociateurs à reconnaître qu’un certain niveau de réchauffement est inévitable. Les pays devront donc s’adapter et des ressources adéquates seront nécessaires pour aider les pays les plus pauvres à mener à bien cette transition.

Quelle est la marche à suivre ? C’est là une question difficile. Si les solutions technologiques permettant de réduire les émissions sont bien connues, il est beaucoup plus compliqué de savoir comment prendre les décisions de développement les plus efficaces en réponse aux changements climatiques attendus.

Prenons en particulier le cas des investissements à long terme tels que les infrastructures. Les concepteurs de projets doivent décider aujourd’hui des modalités de conception de centrales hydroélectriques, de dispositifs d’irrigation et de routes. Quelle capacité de production d’électricité doivent-ils installer ? Combien d’hectares de terres faut-il prévoir d’irriguer ? Quelle épaisseur prévoir pour le bitume routier ? Ces décisions sont cruciales parce qu’elles déterminent la capacité du projet en question à produire tous les avantages escomptés dans les conditions climatiques futures. Une mauvaise décision peut enfermer un projet dans une solution conceptuelle inadaptée à l’évolution des circonstances, conduisant ainsi à gaspiller des ressources financières déjà trop rares et à passer à côté de belles opportunités de développement. 

ImageCes questions sont particulièrement importantes pour l’Afrique. En 2010, le Diagnostic des infrastructures nationales en Afrique (Africa Infrastructure Country Diagnostic), qui a donné lieu à la publication du premier ouvrage de la collection « L’Afrique en développement », Infrastructures africaines : une transformation impérative, a conclu que pour permettre à l’Afrique de rattraper son retard en matière d’infrastructure, il serait nécessaire d’investir 93 milliards de dollars par an pendant au moins dix ans. Le Programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA), adopté en 2012 par les chefs d’État et de gouvernement du continent, formule un plan de long terme ambitieux pour combler le déficit infrastructurel africain, en prévoyant notamment une augmentation sensible des capacités de production hydroélectrique et de stockage de l’eau. Comment le changement climatique affectera-t-il les plans définis par l’Afrique pour moderniser ses infrastructures ?

Notre publication récente, Enhancing the Climate Resilience of Africa's Infrastructure: The Power and Water Sectors [Améliorer la résilience climatique de l’infrastructure africaine : les secteurs de l’électricité et de l’eau] fait la lumière sur cette question. Utilisant pour la première fois une seule et même méthodologie ainsi qu’un large éventail de scénarios conformes à l’état de l’art, l’ouvrage évalue les impacts du changement climatique sur les plans d’expansion de l’hydroélectricité et de l’irrigation dans les principaux bassins fluviaux d’Afrique (Congo, Niger, Nil, Orange, Sénégal, Volta et Zambèze), ainsi que ses effets sur le secteur de l’électricité dans quatre pôles énergétiques (Afrique centrale, orientale, méridionale, occidentale).

Ce livre démontre que l’incapacité à intégrer le changement climatique dans la planification et la conception de l’infrastructure électrique et hydraulique pourrait mener, dans les pires scénarios de sécheresse, à une baisse significative des revenus de l’hydroélectricité ainsi qu’à une forte augmentation des dépenses d’énergie pour les consommateurs. Dans les scénarios le plus humides, un développement infrastructurel sur la base du statu quo pourrait mener à un manque à gagner financier substantiel si l’augmentation du niveau des précipitations n’est pas mise à profit pour accroître les capacités de production hydroélectrique. Selon nos estimations, le manque à gagner lié à une sécheresse maximale pourrait se situer entre 5 et 60 % par rapport aux valeurs de référence (selon les bassins fluviaux concernés), entraînant jusqu’à un triplement des dépenses de consommation provoqué par une production hydroélectrique moins abondante. Dans le scénario climatique le plus humide, les pertes potentielles seraient estimées à 15 à 130 % du niveau de référence. Concernant l’irrigation, les projections envisagent une perte de revenu maximale de 10 à 20 % pour la plupart des bassins. Dans les scénarios humides, le manque à gagner le plus élevé serait de 1 à 4 % ; le bassin de la Volta fait alors exception, avec manque à gagner environ dix fois supérieur.

Cela signifie-t-il que l’Afrique devrait ralentir ses investissements dans les infrastructures à cause du changement climatique ? Bien au contraire : une meilleure infrastructure de base renforcerait la résilience des pays africains au changement climatique. Mais les projets de long terme doivent prendre en compte le facteur du changement climatique dès les phases initiales de planification et jusqu’aux étapes ultérieures des études de faisabilité et de la conception.

Dans le cas de l’hydroélectricité, nous avons conclu que l’intégration des considérations de changement climatique au niveau de la planification des investissements pouvait permettre de réduire de moitié (voire davantage) l’impact du pire scénario climatique envisagé (perte de revenu ou opportunité manquée d’accroître celui-ci). L’analyse montre en outre que, pour tous les bassins étudiés, les gains obtenus sur le plan de la réduction des risques sont largement supérieurs aux coûts liés à la modification des plans d’investissements initiaux. Seul le bassin du Congo fait exception, en effet les projections climatiques prévoient une évolution limitée du régime hydrologique actuel, ce qui affaiblit l’argument économique en faveur de la modification des plans existants.

Comment dès lors développer une infrastructure africaine résiliente au changement climatique ? Il nous semble que les outils de base sont de plus en plus facilement disponibles mais qu’il faut encore accroître la confiance des praticiens dans leur utilisation. Il faut redoubler d’efforts afin de réunir porteurs de projets, spécialistes du climat et organismes de financement dans une action concertée face au défi de l’adaptation. La Banque Mondiale travaille avec la Commission de l’Union africaine et la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies (CEA/UNECA) afin de trouver une solution à ce défi. Nous proposerons ainsi à Paris le principe d’une Facilité d’investissement pour une Afrique résiliente au changement climatique. Restez à l’écoute !

Le développement vous intéresse? RDV sur le blog idées pour le développement, animé par l’Agence française de développement (AFD).


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