Lors d’une récente conférence intitulée Africa Big Ideas, des experts de la Banque mondiale s’étaient fixés pour objectif de bouleverser les idées reçues sur l’Afrique. Marcelo Giugale, directeur des programmes de politique économique et de lutte contre la pauvreté pour la Région Afrique de la Banque mondiale, a rappelé comment les transferts conditionnels en espèces, soit le principe de donner de l’argent liquide aux pauvres, inauguré voici plus de 20 ans au Mexique, avait suscité l’hostilité de nombreux experts du développement, y compris à la Banque mondiale. Aujourd’hui, ce dispositif en place dans plus de 70 pays en développement a fait ses preuves et est aujourd’hui reconnu comme un dispositif pour réduire la pauvreté.
De fait, une bonne idée ne fait pas toujours l’unanimité ; elle peut être illégale ou s’apparenter à un suicide politique ; et, si l’on en croit M. Giugale, bousculer les idées reçues n’est pas toujours simple. Mais au royaume des bonnes idées — voyez les cinq qui ont retenu mon attention — le risque fait partie de la récompense.
- La plus audacieuse : utiliser les jeux de hasard pour encourager une sexualité sans danger
L’idée est toute simple : tous ceux qui n’ont pas eu de MST pendant quatre mois d’affilée peuvent prendre part à un tirage au sort, dont le gros lot est une somme d’argent. Et ça fonctionne : une étude sur la question a constaté chez les participants une chute de 22 % des nouvelles infections au VIH. Où l’on voit qu’au jeu du hasard, un billet de loterie rapporte plus qu’une relation sexuelle non protégée… - La plus simple : arrêter de penser que les pauvres gâcheront l’argent reçu
Un travail novateur sur la manière dont les pauvres utilisent les transferts monétaires, en Tanzanie et ailleurs dans le monde, montre qu’ils ne se laissent pas tenter par cette manne inattendue. Ceux qui craignaient que les prestations en espèces ne servent à acheter de l’alcool ou du tabac en sont pour leurs frais… - La plus discutable : miser sur les mines pour financer l’accès à l’électricité
Deux Africains sur trois n’ont pas accès à l’électricité. Or ni les fonds publics ni les financements privés ne peuvent porter des projets énergétiques de grande envergure capables d’assurer une couverture universelle. C’est là où les mines entrent en jeu. Une étude récente de la Banque mondiale sur le rôle possible de l’extraction minière en Afrique subsaharienne montre que les opérateurs de services publics pourraient en retirer un flux de revenus stable et conséquent et consacrer cet argent à l’élargissement de l’accès à l’électricité. - La plus juste : briser le plafond de verre
Il s’agit de permettre aux femmes d’accéder aux professions dominées par les hommes. Pour la simple raison que les femmes qui travaillent dans des secteurs « typiquement masculins » gagnent trois fois plus d’argent que dans les professions « typiquement féminines ». C’est ce que montre une étude récente réalisée en Ouganda - La plus impérieuse : accorder la priorité aux sécheresses et aux conflits
Alors que l’Afrique se plaît à célébrer son essor, on se demande ce qui pourrait contrarier cet envol : le risque d’un ralentissement de la croissance dans les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ? Une nouvelle crise financière internationale ? Rien n’est moins sûr si l’on en croit une étude consacrée à la résistance de la croissance des pays africains aux chocs : les plus grandes menaces qui pèsent sur leur économie et leurs perspectives de réduire la pauvreté seraient davantage liées à des chocs internes (sécheresses ou guerres civiles) qu’à des chocs externes. Moralité, il faut privilégier les initiatives portant sur l’adaptation au changement climatique et la réduction des conflits.
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Pour revoir la conférence Africa Big Ideas 2014 : http://live.worldbank.org/africa-big-ideas-2014
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