Connecter 300 millions de personnes à l’électricité et construire un avenir résilient en Afrique

Cette page en:
Connecter 300 millions de personnes à l’électricité et construire un avenir résilient en Afrique Kafani Seid, électricien formé dans le cadre du projet SWEDD, installe l’électricité chez un client à Am Timan, au Tchad. Photo : Vincent Trémeau.

L’un des messages forts du récent Sommet africain sur l’énergie Mission 300 était que le fossé en matière d’accès à l’énergie – pour l’électricité et la cuisson propre – peut être comblé. Le déficit reste énorme en Afrique subsaharienne, en particulier dans les zones rurales et isolées. Ainsi près de 600 millions de personnes dans la sous-région vivent encore sans accès à l’électricité, ce qui représente près de 83 % de la population mondiale non électrifiée.

Le Groupe de la Banque mondiale s’associe à la Banque africaine de développement et à d’autres partenaires dans le cadre de Mission 300, une initiative ambitieuse visant à connecter 300 millions de personnes à l’électricité en Afrique subsaharienne d’ici 2030 et à accélérer le développement et la réduction de la pauvreté. Cette initiative représente également une opportunité inédite de rendre les personnes, les entreprises et les communautés plus résilientes face aux chocs et aux crises, qu’elles soient économiques ou d’autre nature. Une résilience d’autant plus nécessaire que ces aléas risquent de s’intensifier au cours des prochaines décennies.

Les nouvelles connexions électriques amélioreront considérablement le bien-être des populations, l’accès aux soins de santé et à l’éducation, ainsi qu’à d’autres besoins fondamentaux, tels que l’eau potable et l’assainissement. L’électricité permet de gagner du temps et d’améliorer la santé des femmes et des filles en alimentant une technologie de cuisson propre qui réduit l’exposition à la chaleur extrême et à la pollution atmosphérique locale. Elle crée également de nouveaux emplois, stimule la productivité et donne accès à de nouvelles opportunités grâce à la connectivité.

L’accès à l’électricité renforcera aussi la résilience des personnes parmi les plus vulnérables aux catastrophes naturelles et aux phénomènes météorologiques extrêmes. En Afrique, où plus des deux tiers de l’approvisionnement alimentaire post-récolte sont perdus, les pompes électriques, les nouvelles technologies de transformation des aliments et les équipements de conservation aideront les communautés à accroître et à préserver leur approvisionnement alimentaire et à diversifier leurs revenus, ce qui les rendra moins vulnérables aux inondations ou aux sécheresses graves. À mesure que les températures augmentent et que les vagues de chaleur deviennent plus fréquentes, les ventilateurs et les appareils de refroidissement peuvent aider à prévenir les maladies et les décès liés à la chaleur et à améliorer la productivité du travail (a).

Combiné aux technologies numériques, un meilleur accès à l’énergie permet de réduire les dommages causés aux communautés et de sauver des vies. Lors de sécheresses, d’inondations ou d’ouragans, les alertes précoces jouent un rôle essentiel. Une communication fiable aide les populations à savoir à quoi s’attendre et comment réagir comme par exemple, évacuer ou rester à l’abri à l’approche d’un ouragan ; planter des cultures plus résistantes à la sécheresse si les prévisions annoncent de faibles précipitations.

Lorsque des catastrophes surviennent, les autorités et les services d’urgence doivent coordonner leurs actions et collecter des données et des informations pour cibler leur soutien aux communautés. De l’accès à l’énergie dépend la capacité des particuliers comme des entreprises à réagir et à se rétablir rapidement – qu’il s’agisse de recharger un téléphone, d’utiliser des radios et des éclairages solaires, d’accéder à de l’argent ou de recevoir une aide gouvernementale. Mission 300 contribuera à la modernisation du secteur de l’énergie, qui offre une précieuse opportunité d’utiliser les données et la connectivité pour mieux anticiper et répondre aux chocs météorologiques dans le cadre des efforts de numérisation.

Mission 300 comblera le déficit énergétique en rendant les infrastructures énergétiques plus résilientes. Selon les estimations (a), les dommages causés par les phénomènes météorologiques extrêmes en Afrique subsaharienne coûtent au secteur de l’électricité jusqu’à 1,5 milliard de dollars par an, un fardeau pour les gouvernements et les services publics déjà limités par leur budget. Les efforts visant à améliorer l’accès à l’énergie seront vains si les infrastructures énergétiques essentielles ne suivent pas le rythme, et si le courant est coupé. Le manque de fiabilité dans la distribution d’électricité et les interruptions fréquentes ont un lourd impact sur les personnes, les entreprises et les économies dans leur ensemble.  Les pannes de courant obligent les entreprises et les infrastructures essentielles à compter sur des générateurs de secours coûteux et polluants, ce qui diminue la productivité, l’entrepreneuriat et l’emploi et réduit la compétitivité et les possibilités d’emploi. Une étude menée dans 23 pays africains montre que même une augmentation d’un pour cent des coupures d’électricité entraînerait des pertes de productivité substantielles, s’élevant en moyenne à 3,5 % pour les entreprises de la région.

Mission 300 intégrera les risques météorologiques extrêmes dans la planification des systèmes électriques ainsi que dans les solutions réseau et hors réseau. En Éthiopie, en Tanzanie, en Zambie et au Kenya, des sécheresses récurrentes et de plus en plus intenses exercent déjà une pression considérable sur les systèmes électriques et l’approvisionnement en hydroélectricité, affectant considérablement la productivité agricole et la sécurité alimentaire. En Afrique de l’Ouest, de nombreux pays sont confrontés à une double menace. D’une part en raison des vagues de chaleur fréquentes, qui peuvent mettre à rude épreuve les infrastructures électriques et créer des conditions propices aux incendies et, d’autre part, du fait des inondations, qui peuvent submerger les transformateurs et les sous-stations et emporter les lignes de distribution.

En ajoutant des solutions d’énergie renouvelable hors réseau, Mission 300 améliorera la résilience des systèmes électriques et atteindra les communautés que les technologies précédentes ne pouvaient pas atteindre. Par exemple, l’énergie renouvelable distribuée (ERD), comme les mini-réseaux ou les équipements solaires autonomes, augmentera les connexions dans les zones mal desservies et renforcera leur résilience. Aujourd’hui huit personnes sur dix privées d’électricité vivent dans des régions fragiles, isolées ou touchées par des conflits, et les technologies ERD représentent le moyen le moins coûteux et le plus simple de les connecter. Les solutions ERD sont par ailleurs portables, peuvent être rapidement déployées ou restaurées après un événement météorologique extrême, et elles peuvent servir d’alimentation de secours en cas de panne.

Au Nigeria, le projet DARES (a) aidera plus de 17 millions de Nigérians à accéder à une électricité propre et efficiente grâce à des solutions d’énergie renouvelable distribuées, remplaçant ainsi plus de 250 000 générateurs diesel polluants et coûteux. Il permettra non seulement de répondre aux besoins énergétiques immédiats, mais aussi de renforcer la résilience à long terme des communautés nigérianes en réduisant la vulnérabilité aux coupures de courant. Parmi les nombreux bénéficiaires, le Dr Garba Buwa (a) rappelle les difficultés que connaissaient son hôpital du fait de l’instabilité de l’approvisionnement en électricité. Son établissement bénéficie à présent d’une électricité propre et fiable, assurant la survie des mères et des nouveau-nés, et fournissant suffisamment d’éclairage pour les chirurgies.

L’accès à l’énergie transforme le quotidien des bénéficiaires, améliorant leur santé et leur qualité de vie, contribuant aussi à la création d’emplois et de moyens de subsistance qui sortent les gens de la pauvreté. L’accès à l’énergie sauve également des vies, permet de mieux résister aux chocs et de s’en remettre, en construisant des communautés plus résilientes et des économies dynamiques. Pour Meskerem, habitante du village isolé de Tum, la connexion à un mini-réseau solaire fourni par le programme d’électrification de l’Éthiopie lui a permis de gérer une petite épicerie, d’avoir la capacité de réfrigérer et d’emballer ses produits, et de cuisiner avec une cuisinière électrique et un four. Les revenus de son entreprise ont eu un effet d’entraînement, lui permettant d’acheter un ordinateur pour ses enfants, permettant d’améliorer leur éducation.

La mobilisation de financements publics et privés pour répondre de manière durable et rentable aux besoins d’adaptation jouera un rôle essentiel pour accélérer le développement intelligent. En augmentant les investissements, Mission 300 jette les bases essentielles pour combler les écarts d’accès à l’énergie et d’adaptation, ouvrant la voie à de meilleurs emplois et à des communautés plus prospères et résilientes à travers l’Afrique. 

****

Ce blog a été initialement publié en anglais sur la plateforme Development and a Changing Climate.


Celine Ramstein

Economiste principale de l’énergie à la Banque mondiale

Stéphane Hallegatte

Économiste en chef pour le changement climatique, Banque mondiale

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000