De nouvelles pistes pour créer davantage d’emplois pour les pauvres

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Champ d'oignons au nord de la Côte d’Ivoire -  Photo : Raphaela Karlen/Banque mondiale


En 2013, une personne sur dix dans le monde — soit environ 766 millions d’individus — vivait encore sous le seuil de pauvreté extrême. Pour la plupart (80 %), il s’agit de personnes vivant en milieu rurale avec un travail très peu productif (a). L’amélioration des perspectives d’emploi et de revenus pour ces travailleurs pauvres et vulnérables est au cœur du programme d’action du Groupe de la Banque mondiale et passera nécessairement par des initiatives globales d’insertion économique pour leur permettre d’accéder à des moyens de subsistance durables.

Les approches mises en œuvre jusqu’ici

Jusqu’il y a peu de temps, les décideurs ont privilégié deux grands types d’approches pour améliorer la productivité des populations pauvres (a) et les relier aux marchés afin de réduire la pauvreté : la première approche cible la pauvreté, tandis que la deuxième est axée sur la croissance.

L’approche centrée sur le « ciblage de la pauvreté » aide les pauvres à relever leur niveau de vie en leur offrant des possibilités d’accéder aux marchés du travail ou de créer une activité indépendante viable. Le modèle de progression (graduation model en anglais) promu par le BRAC en fait partie. Au fil des années, plusieurs gouvernements et ONG ont testé des programmes de ce type, qui s’efforcent de tracer des trajectoires de sortie de la pauvreté (extrême) et de protéger les bénéficiaires contre une exposition à de nouveaux chocs. Ils associent habituellement des mesures de soutien à la consommation (alimentaire ou monétaire), l’accès à des actifs productifs, une formation technique ainsi que l’ouverture de comptes épargne ou la formation de groupes d’épargne, une initiation aux principes de gestion et un accompagnement individuel et limité dans le temps. Malgré les effets positifs de cette approche, notamment en termes d’impact durable sur le niveau de revenu (a) et d’autres variables socioéconomiques (a), un certain nombre de questions demeurent : ces programmes sont-ils rentables ? Existe-t-il un modèle optimal en fonction du contexte ? Sont-ils reproductibles à grande échelle ? Leurs effets perdurent-ils dans le temps ?

Une approche plus durable pour extraire les individus de la pauvreté est centrée sur la croissance, afin de permettre à chacun d’accéder aux marchés et aux chaînes de valeur. Il s’agit d’identifier a priori les secteurs de l’économie, les filières et les débouchés commerciaux potentiellement lucratifs, offrant un véritable potentiel de croissance ou des marges de manœuvre pour réduire les inefficacités, le tout en fonction du contexte du pays considéré. Le modèle des « alliances productives » en fait partie, et a beaucoup de succès en Amérique latine depuis le début des années 2000. L’objectif est de renforcer les liens entre producteurs, acheteurs et secteur public au sein des chaînes de valeur agricoles à travers des alliances horizontales (a) entre petits producteurs, et, des alliances verticales entre ces exploitants et les acheteurs sur les marchés. Ces partenariats aident les producteurs à surmonter les défis d’accès aux marchés, à améliorer la qualité des produits et à augmenter leur niveau de production, les acheteurs se voyant quant à eux garantir un approvisionnement constant et en temps voulu. Il existe d’autres modèles de ce type dans le secteur des services avec, par exemple, les chaînes de valeur du tourisme rural. Les évaluations des alliances productives soulignent les résultats socioéconomiques positifs (a) obtenus, mais les projets mis en œuvre à ce jour n’ayant pas pour objectif de faire reculer la pauvreté, il est difficile d’affirmer qu’ils ont touché les plus pauvres ou leur ont été bénéfiques.

Malgré leurs résultats remarquables, ces deux approches présentent une faille importante : les programmes ciblant les plus démunis sont bien parvenus à améliorer leur niveau de vie mais pas suffisamment pour les extraire durablement de la pauvreté ; et les programmes offrant une voie de sortie durable de la pauvreté n’ont pas spécifiquement ciblé les plus démunis.

Prendre le meilleur de ces deux approches pour créer des programmes d’insertion économique « nouvelle génération » 

Consciente de ces insuffisances, la Banque mondiale travaille actuellement à de nouveaux programmes pour rapprocher les groupes vulnérables (pauvres, jeunes, réfugiés, déplacés, femmes, etc.) des marchés. En Côte d’Ivoire, le Projet d’insertion économique dans les chaînes de valeur  entend intégrer les ménages pauvres dans les filières agricoles offrant un réel potentiel de croissance. Pour tester cette nouvelle approche, il était indispensable de choisir un secteur qui permette de cibler les plus pauvres et qui présente un fort potentiel de croissance.

C’est la filière du riz qui a été retenue parce que de nombreux ménages, y compris les plus démunis, cultivent cette céréale, de sorte que le projet permettra de privilégier l’insertion des plus vulnérables. La filière offre en outre un véritable potentiel de croissance, à condition d’améliorer notamment la coordination interne, sachant que le gouvernement s’est engagé à satisfaire une consommation de riz en constante augmentation par la production locale, au lieu de compter sur le riz importé (60 % du riz consommé en 2013). Après avoir identifié les contraintes les plus importantes au sein de la filière, le projet a retenu une série d’interventions ciblées qui visent simultanément les riziculteurs, les organisations de producteurs et les rizeries dans le but d’améliorer les résultats en termes d’emplois, agricoles et non agricoles, et de contribuer à la réduction de la pauvreté en Côte d’Ivoire.

Cette approche novatrice, qui s’efforce de rapprocher les ménages les plus démunis des marchés en plein essor, peut avoir des impacts positifs durables pour les travailleurs vulnérables et leurs familles. Nous reviendrons plus en détail dans d’autres billets sur le projet ivoirien et d’autres programmes similaires que la Banque mondiale est en train d’élaborer.


Auteurs

Maria Laura Sanchez Puerta

Human Development Lead Economist and Program Leader for the Andean countries

Raphaela Karlen

Senior Social Protection Specialist

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