En plus d’un coût sanitaire et humain considérable, la pandémie de COVID-19 a entraîné un grave ralentissement économique qui a affecté le niveau de vie de millions de personnes dans le monde, en particulier les plus vulnérables. L’étude du marché du travail permet une mesure particulièrement précise des effets négatifs de la pandémie sur le niveau de vie.
En plus d’un degré d’incertitude économique sans précédent, les entreprises du secteur privé ont subi un triple choc. Tout d’abord, du côté de l’offre, les blocages et les restrictions en matière de déplacement des personnes ont entraîné la fermeture de nombreuses entreprises et limité l’accès au travail ainsi qu’à d’autres intrants. Deuxièmement, du côté de la demande, la baisse des revenus a réduit la consommation aux besoins essentiels. Troisièmement, le choc financier a durement frappé un certain nombre d’entreprises qui n’ont pas été soutenues par les banques ou qui n’ont pas bénéficié d’aides gouvernementales. La mobilité limitée et l’impossibilité du travail à domicile, en particulier pour les travailleurs peu qualifiés effectuant des tâches qui ne peuvent pas être exécutées à distance, associées à une demande de main-d’œuvre en chute libre se traduit par des pertes d’emplois, des revenus réduits et, finalement, un niveau de vie plus bas.
Statistique Maurice, l’agence nationale de statistique, et la Banque mondiale ont lancé une série de trois enquêtes téléphoniques à haute fréquence auprès des ménages pour surveiller les effets de la pandémie sur les conditions socioéconomiques des ménages mauriciens entre mai et juillet 2020. La Banque mondiale a assuré le financement de la collecte de données et de l’assistance technique à l’appui des enquêtes.
Les enquêtes ont permis de capturer des informations clés représentatives au niveau national sur l’accès aux biens et services de base, l’insécurité alimentaire, les changements dans le revenu des ménages, les chocs et les stratégies d’adaptation, ainsi que l’activité économique des membres du ménage âgés de 16 à 64 ans qui n’étudient pas à temps plein. Le nombre de ménages couverts en mai, juin et juillet était respectivement de 924, 907 et 803, avec un taux de réponse moyen d’environ 74 %, et une répartition des répondants par genre proche de la parité.
Quatre faits stylisés de l’impact de la pandémie de COVID-19 sur le marché du travail à Maurice
Fait stylisé 1. En juillet 2020, l’emploi reste inférieur de 36.800 postes ou 6,9 % par rapport au niveau observé au premier trimestre de l’année. À mesure que le confinement national a été levé en juin, les personnes qui ne pouvaient pas travailler à distance sont retournées graduellement sur leur lieu de travail. Cela se reflète dans l’augmentation des niveaux d’emploi en juin et juillet par rapport à mai, lorsque le pays était en confinement complet (graphique 1).
Graphique 1. Tendances de l’emploi dans son ensemble et par sexe, T1 - Juillet, 2020
Fait stylisé 2. La baisse du niveau de l’emploi est surtout attribuable à l’emploi informel. Au cours du confinement en mai, l’emploi informel salarié et l’emploi informel non salarié ont été très touchés, avec une baisse respective de 65 % et 51 % par rapport au premier trimestre. Avec la levée du confinement, l’emploi informel a rebondi mais reste inférieur d’environ 21 % au niveau observé au T1. D’autre part, l’emploi formel a diminué d’environ 10 % en mai et, en juillet, il n’est inférieur que de 1,4 % au niveau observé au premier trimestre.
Graphique 2. Tendances de l’emploi par type et statut de formalité, T1 - Juillet 2020
Fait stylisé 3. Le niveau de l’emploi a considérablement diminué dans le secteur des services et dans l’agriculture. L’emploi dans le secteur des services est en juillet inférieur d’environ 9 % au niveau d’emploi observé au premier trimestre, les activités d’hébergement et de restauration (-36 %) et de transport / stockage (-30 %) étant les plus durement touchées du secteur. Bien que l’agriculture ait enregistré une baisse de 16 %, sa petite taille (il ne représentait que 6 % de l’emploi total avant la pandémie) atténue l’impact du secteur sur l’emploi total. En revanche, l’emploi dans le secteur secondaire s’est complètement redressé grâce au rebond des activités de services et de construction.
Graphique 3. Tendances de l’emploi par secteur, T1 - Juillet 2020
Fait stylisé 4. Avec une baisse du nombre d’emplois presque neutre en matière de genre, les femmes ont plus largement quitté le marché du travail, tandis que les hommes ont majoritairement continué à chercher un emploi (graphique 4). Entre le premier trimestre et le mois de juillet, l’emploi a diminué d’environ 7 % chez les hommes et de 6,5 % chez les femmes (les changements de niveaux sont évidemment beaucoup plus importants chez les hommes étant donné le niveau d’emploi initial plus élevé). Le taux d’activité chez les femmes a diminué de 2,7 points, passant de 61 % à 58,3 %, érodant rapidement l’essentiel des progrès réalisés au cours de la dernière décennie. Le taux de chômage des femmes a légèrement augmenté d’environ 1 point de pourcentage, passant de 9,9 % à 11,1 %. En revanche, le taux de chômage chez les hommes a presque doublé : il est passé de 5,2 % à 9,8 %.
Graphique 4. Tendances du taux de chômage et d’activité selon le sexe, T1 - Juillet 2020
a. Taux de chômage | b. Taux d’activité |
Annexe technique
La population employée est composée de Mauriciens âgés de 16 à 64 ans qui ne font pas d’études à temps plein et qui ont travaillé pour un salaire, un profit ou un gain familial pendant au moins une heure au cours de la troisième semaine du mois d’enquête. Il comprend les personnes qui s’absentent temporairement du travail pour des raisons telles que les modalités de temps de travail, la nature de leur travail, les jours fériés, les congés annuels, les congés maladie, le congé maternité ou paternité.
Les personnes absentes pour d’autres raisons, comme le congé parental, le congé d’étude, d’autres congés personnels, la mise à pied, la désorganisation temporaire ou la suspension du travail, le manque de clients, de capital ou de matériel, la grève, le confinement, la quarantaine, une catastrophe naturelle, etc. sont classés comme employés si l’une des deux conditions suivantes est réunie :
- la durée totale prévue de l’absence est de trois mois ou moins ;
- le travailleur continue de recevoir une rémunération (intégrale ou partielle) versée par l’employeur.
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