L’Afrique est-elle en train de vieillir ? Alors même que le taux de fécondité y atteint des sommets historiques ? En raison de politiques soutenues en faveur de la santé maternelle et infantile, les enfants qui survivent et parviennent à l’âge adulte sont aujourd’hui de plus en plus nombreux, ce qui a contribué à grossir les rangs de la population jeune (de 1 à 15 ans). L’Afrique progresse également dans sa lutte contre la propagation du VIH et d’autres maladies transmissibles ; par ailleurs, la généralisation des traitements antirétroviraux fait que les adultes ont une espérance de vie relativement plus longue. L’effet conjugué de l’amélioration de la survie du jeune enfant et d’une baisse de la mortalité à l’âge adulte se traduira probablement à l’avenir par l’augmentation des personnes âgées (de 65 ans et plus). Selon les prévisions actuelles, leur nombre va pratiquement doubler dans les vingt prochaines années, pour atteindre 58 millions. C’est en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest que cette hausse sera la plus rapide et c’est en Afrique du Sud que les personnes âgées seront proportionnellement les plus nombreuses (14 % de la population). S’il est peu probable que l’Afrique atteigne, dans un avenir proche, les taux observés dans d’autres régions ou pays vieillissants (comme les États-Unis, le Japon ou l’Europe), le vieillissement de sa population va mettre à l’épreuve les économies ainsi que les systèmes de santé africains.
Selon les prévisions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre des décès dus à des maladies non transmissibles augmentera rapidement chez les adultes d’Afrique subsaharienne, pour rejoindre les niveaux observés dans d’autres régions du monde vieillissantes. Ces maladies, comme le diabète et les troubles cardiovasculaires, sont en hausse chez les personnes âgées mais aussi chez les adultes, et dans une proportion supérieure à la prévalence enregistrée aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Inde et en Chine. Les facteurs de risque, comme l’hypertension et la consommation d’alcool, sont également plus élevés en Afrique subsaharienne, tandis que que l’obésité et le tabagisme sont à des niveaux comparables à ceux des régions développées et vieillissantes.
Africa's Demographic Transition: Planning for the Future of Africa's Youth
Hausse de la population jeune en Afrique subsaharienne
L’apparition précoce d’affections chroniques et leur prévalence croissante parmi les adultes pourraient diminuer le taux d’activité en Afrique subsaharienne, qui s’établit aujourd’hui à 65 %, soit une proportion déjà inférieure à celle d’autres régions. Même si les personnes âgées y sont davantage représentées dans la population active, elles sont pour la majorité employées dans des secteurs informels, faiblement rémunérés, comme l’agriculture. Ces deux facteurs contribuent à diminuer l’épargne individuelle qui pourrait être sollicitée pour la prévention et le traitement des maladies.
Le vieillissement est corrélé à un niveau plus élevé des dépenses médicales. Au Kenya, par exemple, ces dépenses chez les 65-69 ans sont supérieures de 26 % à celles des 60-64 ans. Le niveau des dépenses de santé personnelles est également plus élevé chez les malades chroniques, et cette proportion s’accroît selon la gravité de l’état du malade. Selon l’OMS, dans les pays où le revenu par habitant est inférieur à 1 000 dollars, ces dépenses non remboursées représentent plus de 40 % des dépenses de santé. Face à une prévalence accrue d’affections chroniques en Afrique subsaharienne, les plus défavorisés pourraient être de plus en plus nombreux à engager des dépenses personnelles pour se soigner. Ce système n’est pas viable : dans une étude menée au Nigéria, plus de 60 % des participants ayant recouru à ces dépendes indiquaient qu’il leur était difficile d’accéder aux services de santé pour des raisons financières.
Même si le rythme de vieillissement de sa population demeure relativement peu élevé, les maladies chroniques pèseront de plus en plus sur l’Afrique. Pour bénéficier de leur « dividende démographique », les pays africains devront prendre en compte ce facteur et consolider leur système de santé de manière adéquate.
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