Le mois dernier, j’ai participé à la Conférence internationale sur la planification familiale à Kigali, au Rwanda. Des responsables politiques du monde entier étaient réunis pour se pencher sur les conditions du « dividende démographique », ou comment faire en sorte qu’une main-d’œuvre jeune et productive stimule une croissance économique plus rapide que celle de la population et, par conséquent, une augmentation du PIB par habitant. Je me réjouis que tous les participants, ministres des finances et autres représentants des plus hauts responsables africains, aient manifesté une conviction unanime : l’autonomisation des femmes, qui passe pour beaucoup par l’accès aux services de santé procréative, est essentielle à une croissance inclusive et durable.
C’est là tout l’enjeu de notre Projet sur le capital humain : aider les pays à investir plus efficacement dans leur population afin de développer le capital humain qui permet aux individus, aux familles et aux nations de prospérer. Nous collaborons avec les pays pour réaliser des investissements plus importants, plus pertinents et plus stratégiques dans leurs citoyens, étant entendu que l’autonomisation des femmes et l’accès aux services de santé procréative sont au cœur de ce programme. En effet, nous sommes convaincus qu’il ne peut y avoir de croissance économique durable sans autonomisation des femmes, et que cette autonomisation ne peut devenir une réalité sans accès à des services complets de santé procréative, ce qui couvre notamment la planification familiale.
Une croissance démographique plus rapide que la croissance économique perpétue le cercle vicieux de la pauvreté, puisque ce sont les familles les plus pauvres et les femmes les moins instruites qui en subissent davantage les conséquences. Et ces conséquences peuvent être dramatiques : sans une alimentation appropriée, les jeunes enfants risquent davantage de souffrir d’un retard de croissance, leur cerveau ne se développe pas correctement et ils n’auront pas les atouts nécessaires pour s’épanouir et réussir dans la vie. Pour les mères, le danger est tout aussi redoutable : les grossesses précoces et très peu espacées entraînent une augmentation importante de la mortalité maternelle.
Inversement, quand une femme peut choisir quand avoir des enfants et combien, elle peut faire de plus longues études, participer à la vie économique et exercer une activité qui profitera à sa famille, mais aussi à son pays. Un pays qui s’attache à favoriser l’autonomie des femmes, tout en investissant aussi dans le capital humain des jeunes, sera en mesure de tirer pleinement parti du dividende démographique, à savoir cette phase de croissance où l’économie, tirée par une main-d’œuvre qualifiée, productive et en bonne santé, progresse plus vite que la population. Les études menées sur le développement de l’Asie de l’Est ont montré que, dans les pays qui ont réalisé cette transition tant convoitée, le taux de fécondité était inférieur à quatre naissances vivantes par femme.
Les faits parlent d’eux-mêmes. Au Botswana (a), le taux de fécondité est tombé de 6,5 en 1975 à 2,7 aujourd’hui, grâce à une stratégie axée à la fois sur la santé, l’éducation et l’emploi. Pendant la même période, le PIB par habitant est passé de 430 à presque 7 600 dollars. Nous avons également travaillé avec le Bangladesh, le Brésil et d’autres pays pour assurer l’accès aux services de santé procréative, et les résultats sont spectaculaires : dans des villages bangladais, par exemple, les revenus des femmes ayant eu accès à la planification familiale sont supérieurs de 40 % à ceux des femmes ne bénéficiant pas de ces services (a), et la valeur de leurs biens matériels supérieure de 25 %.
Nous nous efforçons également d’améliorer la disponibilité et l’accessibilité financière des services de santé pour les femmes au Sahel et de favoriser leur autonomie. Le projet pour l’autonomisation des femmes et le dividende démographique au Sahel (ou « SWEDD » selon son acronyme en anglais) associe les communautés politiques et religieuses, mais aussi les hommes et les garçons, et s’emploie à offrir des débouchés aux femmes dans des pays où les taux de mariages d’enfants sont parmi les plus élevés du monde. Nous coopérons avec différents partenaires au sein du gouvernement et d’organisations multilatérales dans le but d’étendre la portée d’une initiative qui permet d’apporter des solutions multisectorielles à des problèmes qui le sont tout autant.
Grâce à des partenariats et à des ressources extérieures, nous soutenons l’action des gouvernements dans le domaine de la santé maternelle et infantile, l’un des plus importants investissements qu’un pays puisse réaliser « sans regrets ». Mais les financements sont largement insuffisants au regard des besoins, ce qui nécessite des investissements plus importants et plus soutenus. C’est pourquoi nous collaborons aussi étroitement avec le Mécanisme de financement mondial (GFF), une plateforme innovante et fédératrice pour le financement de la santé maternelle et infantile hébergée par la Banque mondiale et qui est un partenaire essentiel des pays du Sahel. Le GFF est conscient que, dans les pays où l’indice du capital humain est faible, nous devons libérer le potentiel des femmes et des filles. Ainsi, il y a tout juste un mois, à Oslo, des États et des organisations philanthropiques, comme la Norvège, le Canada et la Fondation Bill et Melinda Gates, se sont engagés à apporter plus d’un milliard de dollars pour élargir le champ d’action du GFF.
Si les pays agissent dès maintenant, les changements qui se produiront durant les prochaines années auront des effets positifs cumulés au cours des décennies à venir. Le monde en développement abrite la plus grande population de jeunes — et de jeunes femmes en particulier — que le monde ait jamais connue. Faisons-en un atout, en développant le capital humain de cette jeunesse qui passe en priorité par l’autonomisation des femmes.
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