Madagascar et les impacts sociaux de la sécheresse

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Open air cattle market in Southern Madagascar Open air cattle market in Southern Madagascar

Entre 2018 et 2022, le sud de Madagascar a connu une sécheresse prolongée en raison des précipitations de plus en plus rares dans un contexte de changement climatique. La sécurité alimentaire a été dévastée et la faim généralisée a atteint des proportions proches de la famine. L'appauvrissement et les impacts sanitaires de la malnutrition et du retard de croissance causés par ces années de vache maigre se feront sentir pendant des années.

La sécheresse affecte les relations sociales. Le fait de ne plus avoir accès à l'eau, de voir les récoltes décimées, de perdre ses moyens de subsistance et de voir les membres de sa famille souffrir de la faim peut entraîner des tensions sociales au sein des ménages et des communautés, et donner lieu à des violences et à des conflits. Bien que les impacts économiques, sanitaires et environnementaux de la sécheresse aient été vastement étudiés, les impacts sociaux de la sécheresse restent largement ignorés.

En 2020, la Banque mondiale s'est associée à des chercheurs du Global Studies Institute de l'Université d'État de Californie pour mettre en place un système de suivi des impacts sociaux de la sécheresse dans le sud de Madagascar. Tous les quatre mois, un panel représentatif de 480 répondants a été invité à réfléchir aux impacts de la sécheresse et à l'évolution des différentes dynamiques sociales. Les personnes interrogées ont indiqué que la sécheresse était à l'origine des problèmes suivants : manque d'accès à l'eau et à la nourriture, augmentation des prix des denrées alimentaires, aggravation de la pauvreté et pression sur les moyens de subsistance.

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Aerial view of a dry river in Southern Madagascar.
Dry river in Southern Madagascar. Photo: Tangala Mamy/World Bank

Ce système de suivi a révélé d'importantes tendances sociales pendant la sécheresse et la période de relèvement dans le sud de Madagascar. Voici trois tendances clés révélées par l'enquête :

1. La sécheresse a entraîné une augmentation perçue des taux de violence à l'égard des femmes.

Même avant la sécheresse, les conditions de vie dans le sud de Madagascar étaient particulièrement difficiles pour les femmes. Les régions du sud affichaient déjà les taux les plus élevés de violence à l'égard des femmes et des filles, en particulier en ce qui concerne la violence sexuelle, avec 16 % des femmes et des filles déclarant avoir subi des violences, contre une moyenne nationale de 7 %. Les normes culturelles et les croyances sur le genre, ainsi que l’ambiguité et la faiblesse des lois sur la violence, ont contribué à ce problème.

La sécheresse n'a fait qu'aggraver la situation. Les tâches domestiques telles que la corvée d'eau et la préparation des repas, traditionnellement considérées comme des responsabilités féminines, étant devenues plus difficiles à accomplir, les femmes ont été confrontées au risque de répercussions violentes de la part des membres masculins du ménage. À son apogée, 47 % des personnes interrogées ont fait état d'une aggravation de la violence à l'égard des femmes. L'enquête a également montré que les femmes tentaient activement d'atténuer l'impact de l'insécurité alimentaire sur leur famille en étant les premières à réduire leur consommation de nourriture pour s'assurer que leurs enfants aient de quoi manger.

2. La violence communautaire, y compris les vols et les vols de bétail, a augmenté pendant la sécheresse.

Les conflits communautaires de faible intensité persistent depuis longtemps dans le sud de Madagascar. Les vols de bétail dans la région sont le fait de groupes organisés, mais au niveau local, ils attirent de jeunes hommes à la recherche de revenus. Les personnes interrogées ont établi un lien entre l'aggravation de la faim et de la pauvreté pendant la sécheresse et l'augmentation des vols de bétail opportunistes, ainsi que d'autres actes préjudiciables tels que les vols, les enlèvements et les meurtres, les gens essayant d'accéder à des revenus par tous les moyens possibles.

3. La sécheresse prolongée a intensifié les migrations.

Le déplacement était une solution de dernier recours, adoptée uniquement lorsque les autres mécanismes d'adaptation des ménages avaient échoué, comme la recherche d'autres sources de revenus, la modification de la consommation alimentaire ou la vente de biens des ménages. L'enquête a montré que les schémas de migration à l'intérieur et à l'extérieur de la région se sont intensifiés pendant la sécheresse et n'ont pas souvent apporté les nouvelles opportunités espérées. Les femmes migrantes, par exemple, courent un risque accru de violence sexiste, notamment de traite d’êtres humains et d'autres formes de discrimination.

Ces conséquences sociales de la sécheresse à Madagascar ont aggravé la vulnérabilité et l'exclusion de personnes déjà pauvres, rendant encore plus difficile leur parcours pour sortir de la pauvreté et parvenir à un développement durable. La Banque mondiale travaille avec le gouvernement malgache pour apporter une perspective holistique en prenant en compte les conséquences sociales dans son intervention dans le sud de Madagascar. La Banque étudie la manière de faire le suivi et de mesurer tous les impacts sociaux de la sécheresse, parallèlement aux initiatives en cours visant à renforcer la sécurité alimentaire, à relancer l'agriculture familiale, à améliorer la résilience face à la sécheresse et la gestion des ressources en eau. Nous recherchons des solutions susceptibles de favoriser le soutien et la stabilisation des communautés après une période de grands bouleversements sociaux. Les données suggèrent qu'un rélèvement complet du sud de Madagascar ne sera possible que lorsque les impacts sociaux de la catastrophe auront été traités.


Auteurs

Joanna de Berry

Senior Social Development Specialist, Eastern and Southern Africa Region, World Bank

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