Renforcer la résilience : comment l'argent mobile a transformé la réponse aux crises au Cameroun

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How Mobile Money Transformed Crisis Response in Cameroon How Mobile Money Transformed Crisis Response in Cameroon

Début 2020, le Cameroun disposait d'un programme de filets sociaux bien établi. Le projet de filets sociaux avait atteint près de 10 % des pauvres (140 000 ménages) soit par le biais de transferts monétaires soit en offrant, principalement pour les jeunes, des emplois temporaires dans les travaux publics. Plus généralement, le projet avait permis de mettre en place des systèmes solides pour identifier les bénéficiaires, suivre la mise en œuvre et gérer les plaintes. Alors qu'il avait récemment étendu son appui aux réfugiés, le programme se concentrait encore sur le traitement de la pauvreté chronique plutôt que la réponse aux crises.

C'est la pandémie de COVID-19 qui a donné l'impulsion du changement. Afin d'atténuer les répercussions économiques négatives, le gouvernement avait lancé un programme de transferts monétaires d'urgence dans les zones urbaines. L'objectif était de fournir un revenu d'appoint à 80 000 employés du secteur informel affectés par les mesures de distanciation sociale. Cependant, il est rapidement apparu que des mécanismes plus réactifs étaient nécessaires afin de distribuer l'aide en temps voulu et en toute sécurité. Le gouvernement a alors décidé, pour la première fois, que les transferts seraient faits de façon électronique vers les comptes d'argent mobile des bénéficiaires, plutôt qu'en espèces.

Problèmes de "rodage"

Cette expérience s'est avérée transformatrice pour les filets sociaux au Cameroun, tant du point de vue du gouvernement que de la population. Mais cela n'est pas allé sans difficulté. Une évaluation de suivi financée par l'initiative G2Px (a) a contribué à identifier quatre leçons principales sur la base de la réponse apportée à la pandémie de COVID-19 :

  1. Une législation et une réglementation adaptées doivent être en place. Le gouvernement n'était pas en mesure d'émettre des transferts directs vers les comptes d'argent mobile des bénéficiaires en raison des exigences de preuves de paiement sur papier et de l'absence de cadre juridique concernant les transactions électroniques du gouvernement aux particuliers (G2P). Pour y remédier, les paiements ont dû passer par l'intermédiaire de banques commerciales et d'institutions de microfinance. Afin d'éliminer ce goulet d'étranglement, le gouvernement a fait passer en 2022 un décret autorisant les transactions G2P et des particuliers vers le gouvernement (P2G) pour les paiements électroniques.   
  2. La précision et la cohérence des données sont essentielles. Le passage des espèces à l'argent mobile exige une gestion des données plus strictes à chaque étape de la mise en œuvre.  Dans le cadre de la réponse à la pandémie de COVID-19, des données imprécises ou incomplètes ont entraîné des retards substantiels dans les paiements pour certains bénéficiaires. Ainsi, les informations figurant sur les cartes nationales d'identité, les cartes SIM, et les numéros de comptes financiers sont à présent collectées et vérifiées (dans la mesure de leur disponibilité) lors de l'inscription des bénéficiaires. 
  3. Le manque de pièces nationales d'identité constitue un obstacle pour la population cible. Au départ, environ un bénéficiaire sur cinq ne disposait pas de pièce d'identité valide pour ouvrir un compte financier ou enregistrer une carte SIM. Certains d'entre eux ont réussi à acquérir ou faire renouveler leur pièce d'identité, tandis que d'autres ont dû se faire remplacer par un autre adulte au sein du foyer en tant que bénéficiaire du transfert. Cet état de fait a révélé de profonds problèmes dans le système d'inscription à l'état civil du pays, incitant le projet à accompagner les bénéficiaires dans l'obtention d'un identifiant national. 
  4. Une communication claire est essentielle. Le dernier maillon de la chaîne de communication n'a pas toujours été efficace lors de la réponse à la pandémie de COVID-19. Cela a entraîné des confusions et une certaine défiance chez certains bénéficiaires. Malgré la mise en place d'un centre d'appels pour gérer les plaintes, peu de gens savaient qu'il existait. Sur la base de cette expérience, le projet a renforcé les activités de sensibilisation et sa stratégie de communication. Il prévoit par ailleurs d'inclure des formations en éducation financière de base et en matière de protection des consommateurs. 

Transition vers des systèmes de filets sociaux adaptatifs 

Malgré ces défis, l'adoption des transferts numériques n'est plus remise en cause au Cameroun. Les bénéficiaires les préfèrent très clairement : 78 % des personnes interrogées choisissaient l'argent mobile plutôt que le liquide ou d'autres moyens de paiement. Les personnes utilisant déjà l'argent mobile pouvaient recevoir leurs transferts plus rapidement et plus facilement, tandis que ceux qui n'utilisaient pas encore l'argent mobile ont pu découvrir les bénéfices qu'ils pouvaient tirer d'une meilleure inclusion financière. Pour le gouvernement, la numérisation des paiements a permis d'accroître l'efficacité opérationnelle, de réduire les coûts et les pertes, et d'accroître la transparence. 

L'expérience de la pandémie de COVID-19 a également ouvert la voie à une résilience améliorée et une meilleure préparation aux crises. Le gouvernement a lancé le projet pour le développement de filets de protection sociale adaptative et l’inclusion économique en 2022, qui place en son cœur la réponse aux chocs. Le projet comprend un large ensemble d'interventions visant à renforcer les revenus, les actifs et la résilience économique des ménages pauvres. Il vise également à fournir un appui en temps opportun en cas de crise. De plus, au-delà de l'expansion des paiements numériques en zones rurales, le projet développe un registre social national permettant de faciliter l'identification des bénéficiaires et de coordonner l'aide sociale. 

Lors du prochain choc – qu'il s'agisse d'un événement climatique, de risques sécuritaires ou de l'augmentation des prix à la consommation – le gouvernement aura établi des mécanismes pour identifier, atteindre et aider rapidement et efficacement les personnes dans le besoin.  Un dispositif essentiel pour s'assurer que les groupes les plus vulnérables soient protégés, particulièrement dans un contexte où la fréquence et la sévérité de ce type de crises risquent d'augmenter.


Auteurs

Omar Ndiaye

Senior Digital Payments Specialist

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