Trois priorités pour rendre les écoles sûres pour les filles afin de combattre la violence sexiste

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Chaque année, à la fin du mois de novembre, des militants prennent la parole pour rappeler au monde le fléau de la violence basée sur le genre et la Banque mondiale prête sa voix à la campagne pendant 16 jours pour prévenir et éliminer la violence a l’égard des femmes et des filles. Pour moi, la question s'articule autour de droits fondamentaux - le droit de chaque personne à ne pas être soumise à la violence et à jouir de son autonomie. Cela inclut le droit à une éducation de qualité dans un environnement sûr et protecteur qui donne à chaque individu la possibilité d'apprendre, de grandir et de s'épanouir. 

À cet égard, les filles d'Afrique subsaharienne sont encore très désavantagées. Sans le même accès à l'éducation, elles n'apprennent pas autant que les garçons.  Les données de 2019 montrent que seulement 41,3 % des filles et 46 % des garçons achèvent le premier cycle de l'enseignement secondaire. L'Afrique subsaharienne est la seule région dans laquelle le taux régional est plus élevé pour les garçons que pour les filles. 

En outre, la vie des filles est assombrie par les violences basées sur le genre (VBG). En Afrique subsaharienne, la violence à l'égard d’un partenaire intime - violence psychologique, sexuelle et physique commise par un partenaire intime ou un mari actuel ou ancien - est parmi les plus élevées au monde, 33 % des femmes âgées de 15 à 49 ans étant susceptibles de subir ce type de violence au cours de leur vie.  

Les filles des zones rurales sont particulièrement défavorisées. Selon une enquête à indicateurs multiples de 2017-2018, les filles des zones rurales de la République démocratique du Congo (RDC), par exemple, étaient beaucoup moins susceptibles d’entrer en 12eme année d’étude que les garçons des zones rurales (23 points de pourcentage de moins) et les garçons des zones urbaines (46 points de pourcentage de moins).  

Toute une série de facteurs contribuent à dissuader les filles d'atteindre le niveau d'éducation qu'elles méritent, tels que les normes sociales qui favorisent le mariage précoce. Les normes sociales et les valeurs qui tolèrent la violence basée sur le genre évoluent lentement et nécessitent un investissement durable dans des mesures telles que la sensibilisation de la communauté entière, la formation des militants et le renforcement des moyens de subsistance des femmes. Mais certains de ces facteurs peuvent être changés relativement rapidement grâce à la mise en avant de comportements exemplaires, des politiques décisives et des investissements. Concentrons-nous ici sur trois domaines d'action qui peuvent faire une grande différence dans la vie des filles. 

La première priorité est de briser l'acceptation sociale de la violence sexiste à l'école. Cela doit être affirmé haut et fort à tous les niveaux, depuis les plus hauts dirigeants du pays jusqu'aux institutions nationales et provinciales, aux familles et aux écoles, et soutenu par de véritables mesures de responsabilisation. 

Je suis contente d'entendre qu'en RDC, le gouvernement a commencé à renforcer la sécurité des écoles primaires avec le soutien de la Banque mondiale : 100 % des enseignants du primaire dans les provinces où opère le Projet d’urgence pour l'Equité et le Renforcement du Système Educatif (PERSE) ont signé un nouveau Code de bonne conduite qui inclut des définitions claires des comportements interdits en matière d'exploitation, d'abus et de harcèlement sexuels, et prévoit également des sanctions. Environ 20 000 points focaux scolaires ont été nommés dans toutes les écoles primaires publiques des provinces du projet et un canal dédié à la résolution des plaintes pour exploitation et abus sexuels et harcèlement sexuel (SEA/SH) a été intégré aux mécanismes de doléances du ministère (Allo Ecole, lancé en avril 2022). À la fin du mois d'octobre 2022, 64 plaintes SEA/SH ont été signalées depuis le début du projet. Un soutien psychosocial, médical et/ou juridique a été fourni à tous les survivants. Les procédures disciplinaires liées à 42 des 64 incidents SEA/SH signalés jusqu'à présent ont également été conclues, entraînant le licenciement du personnel enseignant impliqué dans 37 cas.

La deuxième priorité est d'atteindre et de réinscrire de toute urgence les filles qui ont abandonné l'école en raison des fermetures du COVID-19, d'une grossesse ou d'autres facteurs. Notre région ne peut pas se permettre d'aggraver la pauvreté éducative et de laisser une nouvelle génération d'enfants prendre encore plus de retard.  

Les pays sont conscients de ce risque et prennent des mesures pour protéger leur capital humain : Au Malawi, les impacts du COVID-19, aggravés par les cyclones et les difficultés économiques, ont entraîné une chute spectaculaire des taux de réussite aux examens, en particulier pour les filles, ce qui appelle une action urgente. Le financement supplémentaire du projet "Équité, qualité et apprentissage dans l'enseignement secondaire" comprend des subventions aux écoles pour fournir des transferts d'argent, dans un effort pour ramener les garçons et les filles à l'école, avec une application différenciée pour les filles. (Les premiers résultats montrent que les taux de réussite aux examens des filles ont commencé à se redresser par rapport à leur niveau le plus bas en 2020). En Angola, le projet d'autonomisation et d'apprentissage des filles comprend un meilleur accès aux services de santé sexuelle et reproductive. Pour les jeunes non scolarisés, le projet développe l'éducation de la deuxième chance, en y intégrant des compétences de vie et des informations sur la santé des adolescents. Il introduit un programme de bourses d'études destiné à 900 000 jeunes entrant dans l'enseignement secondaire, avec une prime d'inscription pour les filles. 

La troisième priorité consiste à rendre les écoles plus adaptées aux adolescentes, en comblant les lacunes critiques en matière d'accès à l'eau et à l'assainissement. 

En Tanzanie, par exemple, nos recherches ont révélé qu'environ 57 % des écoles ne disposaient pas d'installations fonctionnelles pour se laver les mains et que près de 40 % n'avaient pas d'alimentation en eau dans les locaux. En outre, plus de 60 % n'avaient pas d'endroit prévu pour jeter les serviettes hygiéniques. Plus de la moitié des latrines pour filles n'avaient pas de porte, ce qui augmente le risque de violence liée au genre dans les écoles et pousse les filles à abandonner leurs études. À l'inverse, les conclusions de la Banque mondiale ont montré qu'un assainissement et une gestion de l'hygiène menstruelle adéquats contribuaient à accroître la rétention et la participation des adolescentes dans le système éducatif. Des programmes tels que le programme d’eau et d’assainissement dans les zones rurales de Tanzanie, qui se concentre sur les besoins en assainissement des écoles, peuvent changer la donne pour les filles. De même, le programme d'amélioration de la qualité de l'enseignement secondaire qui soutient la mise en œuvre d'un programme très complet pour rendre les écoles plus sures, vise également à améliorer les infrastructures en veillant à ce qu’il y ait un ratio raisonnable de latrines par nombre d’élèves, tant pour les filles que pour les garçons.  

À la Banque mondiale, nous nous sommes engagés à donner plus d’autonomie aux femmes et aux filles. Depuis que nous avons lancé le Plan pour le capital humain en Afrique en 2019, environ 6 milliards de dollars de financement de la Banque ont été investis dans la défense des femmes et des filles. Pour accroître notre impact, nous travaillons actuellement sur un Plan d'action régional pour le genre, qui s'attachera à combler les écarts de revenus, d'actifs, d’accès au numérique et d'éducation entre les garçons et les filles ; à améliorer la santé reproductive ; à faire baisser les taux de VBG ; à s'attaquer aux normes sociales ; à renforcer les lois et réglementations ; et à impliquer les hommes et les garçons. 

Fille d'un maitre de conférences à l'université et d'une institutrice, j'attache naturellement de l'importance à l'éducation. Mais l'accent que je mets sur l'éducation des filles n'est pas seulement une préférence personnelle. Garder les filles à l'école, en rendant les écoles plus sûres et mieux adaptées aux filles, est la chose intelligente à faire pour stimuler le capital humain et faire progresser le développement économique du continent. 


Auteurs

Victoria Kwakwa

Vice-présidente, Afrique de l’Est et australe, Afrique

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