Entre 2014 et 2017, le délai de traitement des autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments a considérablement été réduit, passant de 2-3 ans à moins de 9 mois. Une performance extraordinaire, malgré le contexte sectoriel et politique difficile en Tunisie. Cette réforme administrative, et bien d’autres encore, sont le fruit du dialogue public-privé (DPP) sectoriel entamé depuis janvier 2014 avec l'appui du
Programme pour les Industries Compétitives et l'Innovation (CIIP). Ce processus a su résister aux cinq derniers remaniements gouvernementaux en Tunisie. Cette nouvelle approche participative, initiée à titre de pilote par le gouvernement tunisien, avec l’appui de la Banque mondiale, vise une transformation structurelle au sein de ses secteurs porteurs de manière à libérer leurs potentiels de croissance et leurs exportations. Quatre secteurs/clusters ont été impliqués pour ce pilote : les services informatiques, les composants électroniques, les médicaments humains et l’habillement.
Pour transformer le dialogue en un outil puissant de réformes à mettre en œuvre, pas moins de cinq ministères, 16 agences et administrations techniques, une dizaine d’associations professionnelles et représentants du secteur privés ont été mobilisés durant ces trois dernières années pour participer à près d’une centaine de réunions et workshops.
Mais si les DPP ont été mis en place dans plusieurs parties du monde avec un intérêt grandissant pour instaurer un climat de confiance et relancer l’économie, la pratique n’en est qu’à ses débuts en Tunisie. Cette expérience pilote a d’ailleurs été mise à l’honneur lors du « 9th Public-Private Dialogue Global Workshop » tenu en mai 2017 à Tunis.
Qu’en est-il aujourd’hui et que pouvons-nous retenir de cette expérience innovante en Tunisie ?
Les DPP sont plus productifs en étant organisés au niveau de clusters et/ou chaînes de valeur, plutôt qu’à un niveau sectorielL’expérience tunisienne a montré que le DPP de l’habillement a été moins réussi que celui du secteur pharmaceutique qui a compté parmi ses réalisations, outre l’accélération du traitement des dossiers d’AMM, une mise à niveau de la réglementation de l’enregistrement des médicaments, la publication d’un décret sur les essais cliniques, l’élaboration de scénarios de développement des exportations pour 2030 et la création d’un groupement d’entreprises exportatrices pour impulser l’export, ainsi que la facilitation d’un consensus sur la réforme de la fixation du prix du médicament. Et pour cause, en mobilisant des entreprises au niveau d’un cluster ou d’une chaine de valeur spécifique (exemple les médicaments humains pour le pharmaceutique) le DPP a été plus engageant et percutant qu’en le faisant au niveau sectoriel large (exemple, le textile-habillement). Ainsi, les DPP axés sur les clusters ou chaines de valeur spécifiques permettent d’aboutir à des conclusions plus concrètes, facilitent la mise en œuvre des réformes clefs, et engagent les entreprises sur des thèmes qui les concernent directement, les incitant ainsi à jouer un rôle collectif.
Un séquençage bien structuré entre études analytiques et ateliers participatifs permet d’aligner le dialogue sur les nouvelles tendances de marchéLa méthodologie a démarré par un diagnostic quantitatif et qualitatif des clusters respectifs et des tendances du marché avant de lancer le processus participatif. L’objectif étant de cerner les problématiques avec précision, les prioriser en fonction d’une ambition alignée avec l’évolution des marchés, pour pouvoir concevoir les stratégies appropriées. A titre d’exemple dans le cas du secteur pharmaceutique, les solutions proposées ont été développées au sein de groupes de travail spécifiques réduits, qui incluaient non seulement des acteurs influents, mais aussi des champions du changement pouvant favoriser la mise en œuvre de réformes. Les acteurs du DPP électronique, quant à eux, ont préféré opté pour un format de conférences trimestrielles, plus approprié à leurs contraintes identifiées et qui a donné lieu à la création d’un groupement d’intérêt économique appelé ELENTICA. Par ailleurs, les DPP ont été continuellement alimentés par l’intervention d’experts, ce qui a permis de contraster les solutions proposées par les participants avec des expériences internationales et vérifier ainsi leurs pertinences.
La volonté et l’engagement continu des acteurs, associés à une flexibilité face au calendrier politique, sont essentiels pour assurer la continuité des DPPInciter les acteurs clés, les champions du changement à travailler ensemble pour prioriser les contraintes sectorielles à lever, constitue l’un des préalables au démarrage des DPP. Par ailleurs, mettre le secteur privé dans une position de co-leadership avec le public a permis au dialogue de survivre aux différents gouvernements qui se sont succédés et de le maintenir sur la bonne voie. Et pour y faire face, la flexibilité dans le processus a permis une adaptation à la mise en œuvre et a assuré les résultats de la continuité du dialogue tout en atténuant les risques politiques.
La modération et la facilitation des DPP nécessite l’intervention d’un chef d’orchestre crédible et neutre, aussi bien durant la phase de démarrage que pour la continuité du processusDans le cas de la Tunisie, le parrainage du Premier Ministère, et l’appui de la Banque mondiale, ont permis de capitaliser sur une crédibilité auprès des acteurs publics et privés, et ainsi lancer ce processus sans précédent dans le contexte tunisien. Le témoignage des participants à ce sujet a été clair : l'implication directe de la primauté et de l’appui technique de Banque mondiale a considérablement accru la confiance dans le processus et renforcé la volonté de s’y investir. Une équipe de facilitation et de modération a permis de sécuriser le processus entre les sessions de travail et durant les phases de transition des différents gouvernements. Enfin, et même si les DPP sont fortement liés à des ministères spécifiques, le rôle du Premier ministère est d’autant plus important lorsque certaines réformes sont interministérielles et nécessitent de relever d’une instance plus élevée pour aligner les différents ministères impliqués, tel que pour la réforme du prix du médicament qui fait intervenir le ministère de la santé, le ministère du commerce et le ministère des affaires sociales.
La transparence et la communication externe renforcent l’appropriation des DPP et mitigent les risques liés à la résistance au changementDurant tout le processus, l’ensemble des documents, notes et analyses ont été diffusés aux parties prenantes du secteur public et privé de manière régulière. Cela est important pour instaurer une transparence dans les échanges et restitutions effectués par les secteurs public et privé, mais également entre les acteurs public-public et privé-privé. Cela permet également d’éviter tout risque de manipulation d’information et d’orientation influente pour des intérêts particuliers. Par ailleurs, une communication externe soutenue, basée sur des résultats chiffrés, a permis de suivre le progrès réalisé, de s’approprier les réalisations et d’éviter les contestations qui ne seraient pas basées sur des éléments concrets.
Mais au-delà de ces cinq enseignements, une des principales leçons à retenir serait que les DPP peuvent être répliqués sur un nombre illimité de clusters ou chaînes de valeur : il n’est plus nécessaire de se limiter uniquement aux secteurs dits « stratégiques » étant donné que cette approche nécessite des ressources financières mesurées et que la valeur ajoutée peut être visée dans tous les domaines d’activité. Pour le faire de manière pérenne et efficace, un transfert de capacités et une meilleure coordination au sein des administrations techniques tunisiennes se met désormais en place, notamment grâce aux nouveaux projets d’investissement financés par la Banque mondiale.
Pour transformer le dialogue en un outil puissant de réformes à mettre en œuvre, pas moins de cinq ministères, 16 agences et administrations techniques, une dizaine d’associations professionnelles et représentants du secteur privés ont été mobilisés durant ces trois dernières années pour participer à près d’une centaine de réunions et workshops.
Mais si les DPP ont été mis en place dans plusieurs parties du monde avec un intérêt grandissant pour instaurer un climat de confiance et relancer l’économie, la pratique n’en est qu’à ses débuts en Tunisie. Cette expérience pilote a d’ailleurs été mise à l’honneur lors du « 9th Public-Private Dialogue Global Workshop » tenu en mai 2017 à Tunis.
Qu’en est-il aujourd’hui et que pouvons-nous retenir de cette expérience innovante en Tunisie ?
Les DPP sont plus productifs en étant organisés au niveau de clusters et/ou chaînes de valeur, plutôt qu’à un niveau sectorielL’expérience tunisienne a montré que le DPP de l’habillement a été moins réussi que celui du secteur pharmaceutique qui a compté parmi ses réalisations, outre l’accélération du traitement des dossiers d’AMM, une mise à niveau de la réglementation de l’enregistrement des médicaments, la publication d’un décret sur les essais cliniques, l’élaboration de scénarios de développement des exportations pour 2030 et la création d’un groupement d’entreprises exportatrices pour impulser l’export, ainsi que la facilitation d’un consensus sur la réforme de la fixation du prix du médicament. Et pour cause, en mobilisant des entreprises au niveau d’un cluster ou d’une chaine de valeur spécifique (exemple les médicaments humains pour le pharmaceutique) le DPP a été plus engageant et percutant qu’en le faisant au niveau sectoriel large (exemple, le textile-habillement). Ainsi, les DPP axés sur les clusters ou chaines de valeur spécifiques permettent d’aboutir à des conclusions plus concrètes, facilitent la mise en œuvre des réformes clefs, et engagent les entreprises sur des thèmes qui les concernent directement, les incitant ainsi à jouer un rôle collectif.
Un séquençage bien structuré entre études analytiques et ateliers participatifs permet d’aligner le dialogue sur les nouvelles tendances de marchéLa méthodologie a démarré par un diagnostic quantitatif et qualitatif des clusters respectifs et des tendances du marché avant de lancer le processus participatif. L’objectif étant de cerner les problématiques avec précision, les prioriser en fonction d’une ambition alignée avec l’évolution des marchés, pour pouvoir concevoir les stratégies appropriées. A titre d’exemple dans le cas du secteur pharmaceutique, les solutions proposées ont été développées au sein de groupes de travail spécifiques réduits, qui incluaient non seulement des acteurs influents, mais aussi des champions du changement pouvant favoriser la mise en œuvre de réformes. Les acteurs du DPP électronique, quant à eux, ont préféré opté pour un format de conférences trimestrielles, plus approprié à leurs contraintes identifiées et qui a donné lieu à la création d’un groupement d’intérêt économique appelé ELENTICA. Par ailleurs, les DPP ont été continuellement alimentés par l’intervention d’experts, ce qui a permis de contraster les solutions proposées par les participants avec des expériences internationales et vérifier ainsi leurs pertinences.
La volonté et l’engagement continu des acteurs, associés à une flexibilité face au calendrier politique, sont essentiels pour assurer la continuité des DPPInciter les acteurs clés, les champions du changement à travailler ensemble pour prioriser les contraintes sectorielles à lever, constitue l’un des préalables au démarrage des DPP. Par ailleurs, mettre le secteur privé dans une position de co-leadership avec le public a permis au dialogue de survivre aux différents gouvernements qui se sont succédés et de le maintenir sur la bonne voie. Et pour y faire face, la flexibilité dans le processus a permis une adaptation à la mise en œuvre et a assuré les résultats de la continuité du dialogue tout en atténuant les risques politiques.
La modération et la facilitation des DPP nécessite l’intervention d’un chef d’orchestre crédible et neutre, aussi bien durant la phase de démarrage que pour la continuité du processusDans le cas de la Tunisie, le parrainage du Premier Ministère, et l’appui de la Banque mondiale, ont permis de capitaliser sur une crédibilité auprès des acteurs publics et privés, et ainsi lancer ce processus sans précédent dans le contexte tunisien. Le témoignage des participants à ce sujet a été clair : l'implication directe de la primauté et de l’appui technique de Banque mondiale a considérablement accru la confiance dans le processus et renforcé la volonté de s’y investir. Une équipe de facilitation et de modération a permis de sécuriser le processus entre les sessions de travail et durant les phases de transition des différents gouvernements. Enfin, et même si les DPP sont fortement liés à des ministères spécifiques, le rôle du Premier ministère est d’autant plus important lorsque certaines réformes sont interministérielles et nécessitent de relever d’une instance plus élevée pour aligner les différents ministères impliqués, tel que pour la réforme du prix du médicament qui fait intervenir le ministère de la santé, le ministère du commerce et le ministère des affaires sociales.
La transparence et la communication externe renforcent l’appropriation des DPP et mitigent les risques liés à la résistance au changementDurant tout le processus, l’ensemble des documents, notes et analyses ont été diffusés aux parties prenantes du secteur public et privé de manière régulière. Cela est important pour instaurer une transparence dans les échanges et restitutions effectués par les secteurs public et privé, mais également entre les acteurs public-public et privé-privé. Cela permet également d’éviter tout risque de manipulation d’information et d’orientation influente pour des intérêts particuliers. Par ailleurs, une communication externe soutenue, basée sur des résultats chiffrés, a permis de suivre le progrès réalisé, de s’approprier les réalisations et d’éviter les contestations qui ne seraient pas basées sur des éléments concrets.
Mais au-delà de ces cinq enseignements, une des principales leçons à retenir serait que les DPP peuvent être répliqués sur un nombre illimité de clusters ou chaînes de valeur : il n’est plus nécessaire de se limiter uniquement aux secteurs dits « stratégiques » étant donné que cette approche nécessite des ressources financières mesurées et que la valeur ajoutée peut être visée dans tous les domaines d’activité. Pour le faire de manière pérenne et efficace, un transfert de capacités et une meilleure coordination au sein des administrations techniques tunisiennes se met désormais en place, notamment grâce aux nouveaux projets d’investissement financés par la Banque mondiale.
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