Publié sur Voix Arabes

Les Tunisiens éclairent le chemin vers un nouveau contrat social

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“The moon is the same moon above you
Aglow with its cool evening light
but shining at night; in Tunisia
never does it shine so bright.”

~ Dizzy Gillespie, lyrics to Night in Tunisia*

L’étincelle allumée par le désespoir et l’oppression à Sidi Bouzid a fait jaillir une immense flamme dans tout le pays. Se propageant des ruelles de Sousse aux champs d’oliviers puis au port de Sfax, traversant les rues de Meknès, cette étincelle a gagné les villes de Tunisie à la manière de ces chevaux arabes ardents et fougueux qui ont vécu ici pendant des siècles. Elle a poursuivi sa route le long de la côte de Monastir pour se répandre dans les rues de Sbikha et de Chebba jusqu’à illuminer de son éclat le cœur même de Tunis.

Arne Hoel l World Bank 2012Mohamed Bouazizi ne saura jamais que son message, porté par la flamme qu’il a allumée dans sa petite ville de Sidi Bouzid, allait déclencher le réveil de son pays. Vivant, ses mots s’étaient surtout heurtés à un mur. Mais son immolation a eu un retentissement plus large, symbolisant le profond mécontentement qui s’est emparé de la population dans bon nombre de pays de la région depuis des décennies. Écoutons Abou Kacem Echebbi, l’un des grands poètes tunisiens : « Lorsqu’un jour le peuple veut vivre, force est pour le Destin de répondre.Force est pour les ténèbres de se dissiper. Force est pour les chaînes de se briser… ». Nous en avons la preuve aujourd’hui, où la volonté du peuple a placé la Tunisie sur une trajectoire historique vers une plus grande justice sociale et une meilleure qualité de vie pour tous.

Dans tous les pays arabes, j’entends dire qu’un nouveau contrat social se prépare, cet accord implicite reposant sur un consentement mutuel de poser des règles solides pour établir des devoirs réciproques entre citoyens et dirigeants. En Tunisie, l’une de ces nouvelles règles reconnaît le droit à l’information, comme en témoigne l’adoption en mai 2011 d’une loi y garantissant l’accès. Un séminaire récent, organisé à Tunis pour sensibiliser aux nouvelles obligations de l’administration et de la société civile à cet égard, a permis de constater comment ce dialogue prenait forme. De fait, l’adoption de ce texte constitue un immense pas dans la bonne direction pour tenter de mettre au jour les réseaux de corruption et le règne de l’arbitraire qui ont tant pesé sur les niveaux de vie des Tunisiens dans le passé. Eux le savent bien, qui affirment que « la lumière du jour est le meilleur des désinfectants ».

Pourtant, une autre forme de contrat paraît encore plus fascinante : le droit de la société envers elle-même. Alors que le pays sort d’une révolution, ses institutions fonctionnent toujours, solidement ancrées dans les notions de dignité et de respect mutuel qui constituent le tissu social national. Ces temps-ci, on entend souvent les habitants de Tunis dire qu’ils veulent réaffirmer l’esprit de la révolution : « Ce n’est pas un texte de loi qui nous obligera à changer, nous évoluerons de nous-mêmes ». Alors que le pays écrit une page cruciale de son histoire, seule la volonté du peuple décidera en dernier ressort de la voie à suivre. En matière de droit à l’information, l’application concrète de cette nouvelle loi dépendra autant de ceux qui fournissent l’information que de ceux qui la réclament. Ce sont les Tunisiens qui éclaireront le chemin, guidés par cette lumière qui « ne brille jamais aussi fort » qu’en Tunisie, comme le célébrait Dizzie Gillespie.

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*Traduction: « La lune est la même que celle qui t’éclaire, dispensant sa fraîche lueur du soir mais brillant dans la nuit ; jamais elle ne brille si fort qu’en Tunisie ».


Auteurs

Lida Bteddini

Analyste-recherchiste en gouvernance

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