Publié sur Voix Arabes

Jordanie : améliorer la sécurité des femmes dans les transports publics pour leur permettre de participer davantage à l’activité économique

Personnes rassemblées dans un centre de transport en Jordanie. (2015 , Campagne de 'Maan Nasel') Personnes rassemblées dans un centre de transport en Jordanie. (2015 , Campagne de 'Maan Nasel')

À l’échelle mondiale, les menaces réelles ou perçues de violences (comme le harcèlement sexuel) dans les transports et, plus généralement, dans l’espace public constituent l’une des principales entraves à la mobilité des femmes. Le manque de sécurité dans les transports explique l’absentéisme scolaire des filles et le fait que les femmes ne recherchent pas d’emplois éloignés de leur domicile ou renoncent à travailler, sans oublier les problèmes d’accès à des services de santé ou de garde des enfants. Selon l’Organisation internationale du travail, l’accès limité à des moyens de transport sûrs est le premier obstacle à la participation des femmes aux marchés du travail dans les pays en développement, avec une baisse de 16,5 % de la probabilité pour les femmes d’exercer une activité.

L’impact négatif de l’absence de moyens de transport adaptés risque d’être plus sensible dans les pays où les inégalités hommes-femmes sur le marché du travail sont plus prononcées. La Jordanie en témoigne, où 14 % seulement des femmes exercent une activité, contre 64 % pour les hommes. Selon une étude de 2018, 47 % des femmes jordaniennes interrogées déclaraient avoir décliné un emploi à cause de la situation dans les transports publics, citant les problèmes d’accessibilité, d’abordabilité et de harcèlement sexuel parmi les principaux motifs de refus. Un tel constat doit nous inciter à résoudre les problèmes de mobilité pour augmenter la participation des femmes à la population active et stimuler la croissance économique.

Comment améliorer la mobilité ?

Fin 2018, avec le soutien de la Banque mondiale, le gouvernement jordanien a défini des « règles de conduite » pour encadrer le comportement des passagers, des chauffeurs et des opérateurs dans les transports publics. Ces règles ont été élaborées sous l’égide des autorités jordaniennes lors de la préparation du deuxième financement programmatique à l’appui de politiques de développement en faveur de l’emploi et d’une croissance équitable en Jordanie (a). Elles s’inscrivent dans le cadre des projets de réforme du gouvernement en cours et à venir en vue d’améliorer la qualité des transports publics. Ce code de conduite classe le harcèlement sexuel et les discriminations sexistes parmi les infractions, impose la création de mécanismes pour remonter des informations relatives à d’éventuelles transgressions et définit des indicateurs de suivi des progrès.

Avec l’appui du Mécanisme pour l’égalité des sexes au Machreq (MGF) et en concertation avec la commission nationale jordanienne pour les femmes (JNCW), la Banque mondiale et le ministère des Transports ont œuvré pour rendre ces règles de conduite opérationnelles et offrir une expérience de transport de meilleure qualité à tous les usagers des transports publics, hommes et femmes. « Les initiatives engagées pour gérer les infractions dans les transports publics tendent à être liées à des opérations précises, comme le traitement de violences sexistes dans tel ou tel autobus ou le fonctionnement d’une ligne ferroviaire dans telle ou telle ville », souligne le ministre des transports, Khalid Walid Saif. « Les règles de conduite en cours d’introduction ont la particularité de viser un changement systémique. Nous espérons obtenir ainsi des résultats à plus grande échelle. »

Malgré le retard provoqué par la pandémie de coronavirus (COVID-19), la Banque mondiale et les équipes gouvernementales ont fait de réels progrès depuis le début de l’année pour rendre ce code de conduite opérationnel. Pour l’instant, l’essentiel des efforts ont porté sur la conception d’une application mobile de signalement des infractions, dont la mise au point a nécessité une compréhension nuancée de l’environnement culturel afin de veiller à ce que les utilisateurs ne se mettent pas en danger lorsqu’ils dénoncent des faits et, parallèlement, à ce que des actions soient rapidement prises.

May Mansour, responsable de projet pour l’initiative SADAQA, précise les choses : « En tant de groupe de défense des droits des femmes qui s’emploie à lever les obstacles structurels à la participation des Jordaniennes à la population active, y compris l’absence de transports efficaces et sûrs, nous estimons que l’application associée au code de conduite permettra aux femmes empruntant les transports publics de faire entendre leur voix, soit pour commenter la qualité du service, soit pour signaler une infraction grave nécessitant une intervention immédiate. » Des discussions sont en cours avec différentes parties prenantes pour choisir l’hébergeur de l’application chargé de traiter les commentaires envoyés par les usagers.

Prochaines étapes

Dans les prochains mois, la Banque mondiale et les équipes gouvernementales réuniront un certain nombre de groupes de discussion avec des usagers des transports publics afin de recueillir leur avis sur l’application. Ils décideront du concept à affiner puis à finaliser et achèveront l’élaboration des supports de formation tout en réfléchissant au plan de communication qui accompagnera le lancement de l’application et permettra de sensibiliser aux nouvelles règles de conduite.


Auteurs

Nato Kurshitashvili

Spécialiste de l’égalité hommes-femmes

Ibrahim Dajani

Responsable du pôle d’expertise

Mira Morad

Spécialiste des transports

Gaelle Samaha

Consultante pour les questions de transport

Sahar Aloul

Consultante sur les questions de développement et militante féministe

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