Dans le sillage du premier
Rapport sur le développement dans le monde intégralement consacré à l’éducation, l’une des clés pour des sociétés stables et inclusives, nous inaugurons notre série annuelle « Rentrée des classes » sur l’état de l’éducation dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord par un entretien, en deux parties, avec Safaa El Tayeb El-Kogali, chef de service au pôle mondial d’expertise en Éducation de la Banque mondiale. Nous y abordons les défis auxquels sont confrontés les systèmes éducatifs dans la région et les mesures prises pour les résoudre.
La question de l’éducation des enfants syriens réfugiés est un grand sujet de préoccupation depuis quelques années. Comment les systèmes éducatifs des pays d’accueil ont-ils géré ce problème?
Safaa El Tayeb El-Kogali: En cette rentrée de septembre, près de 350 000 enfants syriens réfugiés au Liban et en Jordanie vont intégrer le système éducatif public formel. Depuis l’éclatement de la crise, les deux pays se sont engagés à assurer l’éducation de tous les enfants vivant sur leur territoire et s’efforcent, avec l’appui de la communauté internationale, de tenir cette promesse. De grosses difficultés subsistent cependant. Au Liban, les effectifs scolarisés dans le système public ont pratiquement doublé. Pour gérer cet afflux, un tiers des établissements publics ont mis en place une double journée scolaire. Ce système de double vacation est également en vigueur dans 200 établissements publics de Jordanie. Malgré les efforts exceptionnels consentis pour améliorer l’accès à l’école, pratiquement la moitié des réfugiés syriens d’âge scolaire (de 3 à 18 ans) ne peuvent pas suivre une scolarité formelle. Pour 120 000 réfugiés, la solution passe par une éducation non formelle, sous forme de « programmes d’apprentissage accélérés » au Liban ou de « cours de rattrapage » en Jordanie, qui permet de récupérer le temps perdu et de faciliter la transition vers un cursus formel certifié. Mais 230 000 enfants sont toujours privés de toute forme d’éducation. Cela concerne surtout les plus jeunes et ceux qui ont l’âge d’entrer dans le secondaire.
Comment remédier à ces carences qui pénalisent tant d’individus?
Safaa El Tayeb El-Kogali: Dans les deux pays, les futurs programmes prendront en charge les besoins des groupes d’âge les plus vulnérables, en agissant à la fois sur les contraintes de l’offre et de la demande. Il s’agira par exemple d’agrandir les écoles maternelles existantes et d’en construire de nouvelles ou de mettre en place des transferts monétaires pour lutter contre les mariages précoces et le travail des enfants. Les deux pays prévoient également de renforcer leurs systèmes d’éducation et de formation technique et professionnelle, pour approfondir les compétences des jeunes et les aider à décrocher des emplois décents. Mais au-delà du problème d’accès, nous devons veiller à la qualité des apprentissages. Devant la forte hétérogénéité des profils et les profondes vulnérabilités liées aux déplacements forcés et à la pauvreté, les systèmes éducatifs doivent redoubler d’efforts pour répondre aux besoins cognitifs et socio-affectifs des élèves et faire en sorte que tous acquièrent les apprentissages fondamentaux. Les évaluations formatives pour repérer les élèves en difficulté et mieux les aider, le déploiement de conseillers pédagogiques et psychologiques dans les écoles, l’introduction des principes de l’enseignement différencié et de l’éducation inclusive dans la formation des enseignants ou encore le renforcement du rôle des directeurs d’établissement et de la communauté locale (y compris les représentants des réfugiés) dans les établissements font partie des initiatives prises par le Liban et la Jordanie pour relever ces défis. Mais elles doivent faire systématiquement l’objet d’évaluations solides, notamment sur le plan de l’impact, afin de vérifier leur efficacité et d’optimiser leur mise en œuvre.
Pouvez-vous détailler les objectifs de certaines des grandes réformes de l’éducation engagées dans la région?
Safaa El Tayeb El-Kogali: Les pays de la région investissent dans l’éducation parce qu’ils ont conscience de son importance pour garantir l’inclusion économique et sociale et pour assurer la paix et la stabilité. Avec le temps, les objectifs ont évolué : après avoir développé l’accès à l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, il s’agit désormais d’améliorer les apprentissages. Les pays veulent s’assurer que leurs jeunes quitteront l’école ou l’université en maîtrisant les compétences indispensables pour réussir dans la vie. La plupart se lancent dans des réformes à grande échelle dans le but de démanteler des obstacles communs à la région. Un enfant qui n’acquiert pas dès le départ les bases indispensables pour apprendre sera pénalisé tout au long de sa scolarité. Les piètres résultats des pays de la région dans les évaluations internationales des élèves du primaire et du secondaire en mathématiques, dans les matières scientifiques et en lecture sont à cet égard révélateurs. C’est pour cela que les réformes (à l’image du deuxième projet de développement de l’éducation au Liban) commencent à s’intéresser au déficit d’apprentissage dès le plus jeune âge pour développer l’éducation de la petite enfance et améliorer la qualité de l’enseignement dans les premières années de scolarité.
Quels sont les autres grands défis pour les systèmes éducatifs de la région?
Safaa El Tayeb El-Kogali: La jeunesse fait aussi partie des priorités des gouvernements, qui veulent donner aux jeunes gens les compétences dont ils auront besoin tout au long de leur vie. Il faut pour cela faciliter la transition entre l’école et le monde du travail, comme s’y emploie un projet mis en place en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Au-delà de la spécificité des besoins éducatifs, tous ces pays rencontrent souvent les mêmes problèmes. Le Groupe de la Banque mondiale et le Groupe de la Banque islamique de développement ont ainsi identifié un certain nombre de défis cruciaux lors des vastes consultations organisées dans le cadre de l’initiative « Éducation au service de la compétitivité » (ou E4C). Cette initiative offre un cadre pour les réformes de l’éducation et les interventions, avec cinq grands objectifs : veiller à ce que tous les enfants soient prêts à apprendre, grâce à une éducation de la petite enfance de qualité ; renforcer les bases de l’apprentissage en améliorant l’approche de la lecture et du calcul dès le plus jeune âge ; impartir aux jeunes des compétences qui leur permettront de s’adapter ; faciliter la transition entre l’école et le monde du travail ; et améliorer les services à travers la responsabilisation grâce à la diffusion d’informations. Pour aider les pays à relever ces défis essentiels, le Groupe de la Banque mondiale, le Groupe de la Banque islamique de développement et leurs partenaires s’efforcent de coordonner leurs initiatives, de s’inspirer des meilleures pratiques régionales et internationales, et de créer des outils et des plateformes d’échange.
La question de l’éducation des enfants syriens réfugiés est un grand sujet de préoccupation depuis quelques années. Comment les systèmes éducatifs des pays d’accueil ont-ils géré ce problème?
Safaa El Tayeb El-Kogali: En cette rentrée de septembre, près de 350 000 enfants syriens réfugiés au Liban et en Jordanie vont intégrer le système éducatif public formel. Depuis l’éclatement de la crise, les deux pays se sont engagés à assurer l’éducation de tous les enfants vivant sur leur territoire et s’efforcent, avec l’appui de la communauté internationale, de tenir cette promesse. De grosses difficultés subsistent cependant. Au Liban, les effectifs scolarisés dans le système public ont pratiquement doublé. Pour gérer cet afflux, un tiers des établissements publics ont mis en place une double journée scolaire. Ce système de double vacation est également en vigueur dans 200 établissements publics de Jordanie. Malgré les efforts exceptionnels consentis pour améliorer l’accès à l’école, pratiquement la moitié des réfugiés syriens d’âge scolaire (de 3 à 18 ans) ne peuvent pas suivre une scolarité formelle. Pour 120 000 réfugiés, la solution passe par une éducation non formelle, sous forme de « programmes d’apprentissage accélérés » au Liban ou de « cours de rattrapage » en Jordanie, qui permet de récupérer le temps perdu et de faciliter la transition vers un cursus formel certifié. Mais 230 000 enfants sont toujours privés de toute forme d’éducation. Cela concerne surtout les plus jeunes et ceux qui ont l’âge d’entrer dans le secondaire.
Comment remédier à ces carences qui pénalisent tant d’individus?
Safaa El Tayeb El-Kogali: Dans les deux pays, les futurs programmes prendront en charge les besoins des groupes d’âge les plus vulnérables, en agissant à la fois sur les contraintes de l’offre et de la demande. Il s’agira par exemple d’agrandir les écoles maternelles existantes et d’en construire de nouvelles ou de mettre en place des transferts monétaires pour lutter contre les mariages précoces et le travail des enfants. Les deux pays prévoient également de renforcer leurs systèmes d’éducation et de formation technique et professionnelle, pour approfondir les compétences des jeunes et les aider à décrocher des emplois décents. Mais au-delà du problème d’accès, nous devons veiller à la qualité des apprentissages. Devant la forte hétérogénéité des profils et les profondes vulnérabilités liées aux déplacements forcés et à la pauvreté, les systèmes éducatifs doivent redoubler d’efforts pour répondre aux besoins cognitifs et socio-affectifs des élèves et faire en sorte que tous acquièrent les apprentissages fondamentaux. Les évaluations formatives pour repérer les élèves en difficulté et mieux les aider, le déploiement de conseillers pédagogiques et psychologiques dans les écoles, l’introduction des principes de l’enseignement différencié et de l’éducation inclusive dans la formation des enseignants ou encore le renforcement du rôle des directeurs d’établissement et de la communauté locale (y compris les représentants des réfugiés) dans les établissements font partie des initiatives prises par le Liban et la Jordanie pour relever ces défis. Mais elles doivent faire systématiquement l’objet d’évaluations solides, notamment sur le plan de l’impact, afin de vérifier leur efficacité et d’optimiser leur mise en œuvre.
Pouvez-vous détailler les objectifs de certaines des grandes réformes de l’éducation engagées dans la région?
Safaa El Tayeb El-Kogali: Les pays de la région investissent dans l’éducation parce qu’ils ont conscience de son importance pour garantir l’inclusion économique et sociale et pour assurer la paix et la stabilité. Avec le temps, les objectifs ont évolué : après avoir développé l’accès à l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, il s’agit désormais d’améliorer les apprentissages. Les pays veulent s’assurer que leurs jeunes quitteront l’école ou l’université en maîtrisant les compétences indispensables pour réussir dans la vie. La plupart se lancent dans des réformes à grande échelle dans le but de démanteler des obstacles communs à la région. Un enfant qui n’acquiert pas dès le départ les bases indispensables pour apprendre sera pénalisé tout au long de sa scolarité. Les piètres résultats des pays de la région dans les évaluations internationales des élèves du primaire et du secondaire en mathématiques, dans les matières scientifiques et en lecture sont à cet égard révélateurs. C’est pour cela que les réformes (à l’image du deuxième projet de développement de l’éducation au Liban) commencent à s’intéresser au déficit d’apprentissage dès le plus jeune âge pour développer l’éducation de la petite enfance et améliorer la qualité de l’enseignement dans les premières années de scolarité.
Quels sont les autres grands défis pour les systèmes éducatifs de la région?
Safaa El Tayeb El-Kogali: La jeunesse fait aussi partie des priorités des gouvernements, qui veulent donner aux jeunes gens les compétences dont ils auront besoin tout au long de leur vie. Il faut pour cela faciliter la transition entre l’école et le monde du travail, comme s’y emploie un projet mis en place en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Au-delà de la spécificité des besoins éducatifs, tous ces pays rencontrent souvent les mêmes problèmes. Le Groupe de la Banque mondiale et le Groupe de la Banque islamique de développement ont ainsi identifié un certain nombre de défis cruciaux lors des vastes consultations organisées dans le cadre de l’initiative « Éducation au service de la compétitivité » (ou E4C). Cette initiative offre un cadre pour les réformes de l’éducation et les interventions, avec cinq grands objectifs : veiller à ce que tous les enfants soient prêts à apprendre, grâce à une éducation de la petite enfance de qualité ; renforcer les bases de l’apprentissage en améliorant l’approche de la lecture et du calcul dès le plus jeune âge ; impartir aux jeunes des compétences qui leur permettront de s’adapter ; faciliter la transition entre l’école et le monde du travail ; et améliorer les services à travers la responsabilisation grâce à la diffusion d’informations. Pour aider les pays à relever ces défis essentiels, le Groupe de la Banque mondiale, le Groupe de la Banque islamique de développement et leurs partenaires s’efforcent de coordonner leurs initiatives, de s’inspirer des meilleures pratiques régionales et internationales, et de créer des outils et des plateformes d’échange.
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