Publié sur Voix Arabes

Un nouveau rapport éclaire les enjeux des tempêtes de sable dans la région MENA et propose des solutions

Tempête de sable et un nuage orange planant sur Gafsa, Tunisie. (Lukasz Janyst / Shutterstock.com) Tempête de sable et un nuage orange planant sur Gafsa, Tunisie. (Lukasz Janyst / Shutterstock.com)

Quand une tempête de sable s’abat sur Le Caire, Marrakech ou Riyad, un gigantesque nuage orange (a) engloutit les rues et tous ceux qui ne se sont pas mis à l’abri. Balayés par des vents violents, les sols s’effritent et un rideau de sable, de poussière et de débris se forme. Ces phénomènes extrêmes, qui surviennent en quelques minutes, prennent tout le monde de court : les familles et les enfants s’empressent de se calfeutrer ; les ports, les écoles et les aéroports ferment.

Depuis le siècle dernier, les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) sont confrontés à une hausse de la fréquence et de l’intensité des tempêtes de sable et de poussière. Comme le montrent les recherches menées sur le terrain et les images satellites, le désert du Sahara est la première source de poussière et de sable de la planète. Dans un récent rapport intitulé Sand and Dust Storms in the Middle East and North Africa (MENA) Region —Sources, Costs and Solutions (a), nous dressons un état des lieux détaillé des données disponibles et proposons plusieurs pistes pour améliorer les systèmes d’alerte et réduire l’incidence de ces phénomènes météorologiques extrêmes sur la santé et l’économie.

Notre rapport se penche par ailleurs sur leurs répercussions économiques et chiffre à plus de 150 milliards de dollars leur coût annuel, ce qui correspond à plus de 2,5 % du PIB pour la plupart des pays de la région. 

À mon arrivée au sein de l’équipe MENA de la Banque mondiale, le manque d’études sur les tempêtes de sable et de poussière et leurs effets sur l’environnement et la santé était criant. On assiste depuis à un intérêt international croissant pour le sujet au sein des organismes et partenaires des Nations Unies, et notamment à la Banque mondiale, où l’équipe chargée des questions d’environnement pour la région MENA s’est attachée à étudier ces questions de manière plus approfondie. Nous savons qu’une mauvaise gestion des terres dégrade les sols, ce qui contribue aux tempêtes de poussière et de sable. Or ces particules ont de graves incidences sur la santé, les moyens de subsistance et les communautés qui y sont exposées.

Les tempêtes de poussière et de sable provoquent de graves problèmes de santé

En comparant la qualité de l’air dans la région MENA et dans d’autres parties du globe, on observe que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord présentent l’une des plus fortes concentrations au monde de particules en suspension PM2,5 et PM10  (a). Les populations d’Iraq, d’Égypte et du Pakistan sont particulièrement exposées, avec respectivement 10 300, 15 500 et 30 000 décès prématurés par an dus à la mauvaise qualité de l’air. Les études sanitaires sur lesquelles notre rapport s’appuie établissent un lien direct entre les bronchopneumopathies chroniques obstructives et les concentrations élevées de poussière en suspension dans l’air. Ces travaux, qui portent notamment sur les consultations en services d’urgences, montrent clairement que la poussière provoque et exacerbe l’asthme. Au Koweït, par exemple, les tempêtes de poussière ont entraîné une hausse de 8 % des admissions quotidiennes aux urgences liées à cette pathologie sur une période de cinq ans. Dans le cas du Qatar, une autre étude citée dans le rapport met en évidence une augmentation de 30 % des crises d'asthme après un épisode venteux. 

Les tempêtes de poussière ont un effet délétère sur la santé et la vie humaine aussi bien dans les zones arides que dans les régions sous le vent. Des études prouvent que la poussière venue d’Afrique peut atteindre les Caraïbes et la Floride, et altérer la qualité de l’air dans tout le bassin caribéen.

Cependant, peu de travaux évaluent le coût des tempêtes de poussière et de sable à l’échelle nationale. Rien qu’en quantifiant une partie de ces coûts colossaux, la véritable ampleur du problème apparaît déjà, sombre et inquiétante.

Quels sont les facteurs qui favorisent les tempêtes de poussière et de sable, et comment y remédier ?

L’altération des sols joue un rôle important, mais encore mal compris. Conséquence d’une dégradation accrue de ses sols (a), la région MENA enregistre des pertes de services écosystémiques environ quatre fois supérieures à la moyenne mondiale . En Jordanie, par exemple, où les zones de pacage couvrent plus de 80 % du territoire, l’appauvrissement des sols est tel que le bétail ne peut plus paître dans les zones pastorales. L’érosion des sols et les tempêtes de poussière en période de sécheresse s’intensifient également. Au Maghreb, région qui englobe les pays du nord-ouest de l’Afrique jusqu’au Sahara, l’effet combiné du surdéveloppement et des changements climatiques a entraîné une dégradation spectaculaire des sols. 

Les effets dévastateurs des tempêtes de poussière sur la santé, le bien-être et l’économie font enfin l’objet d’une vive attention. Les Nations Unies ont lancé une nouvelle coalition pour lutter contre les tempêtes de sable et de poussière (a) avec l’objectif de faire connaître cet enjeu et de canaliser des ressources au profit de la région MENA. Il est désormais possible d’envisager le financement de projets innovants de restauration à grande échelle pour lutter contre la dégradation des terres dans une région où les moyens de subsistance dépendent de la productivité des sols et où les plus démunis sont les plus vulnérables. L’amélioration des systèmes d’alerte, tant au sol que par satellite, est essentielle pour obtenir de meilleurs résultats sur le plan de la santé. Il est urgent d’accompagner ces pays pour enrayer la dégradation des sols et l’intensification des tempêtes de poussière et de sable. Nous devons tout faire pour éviter que le sol, desséché, ne s'envole.

Village de Bilad Sayt dans les montagnes Al Hajar dans le Sultanat d'Oman. (Alexey Stiop / Shutterstock.com.
Village de Bilad Sayt dans les montagnes Al Hajar dans le Sultanat d'Oman. (Alexey Stiop / Shutterstock.com

Une gestion durable des terres peut freiner la formation de poussière et limiter les tempêtes de sable.


Auteurs

Craig M. Meisner

Senior Environmental Economist in the Middle East & North Africa Region.

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