Cela près de dix mois que le monde subit la pandémie et, visiblement, la reprise économique va se faire attendre. Les gouvernements de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) commencent à réfléchir à des solutions pour rouvrir leurs économies (a) et accélérer le redressement tout en continuant de gérer l’urgence sanitaire.
En injectant directement des fonds dans les actifs matériels, les investissements dans les infrastructures peuvent étayer la croissance à court et moyen termes. À plus long terme, ils contribuent à consolider la productivité des entreprises, réduire les coûts de transaction, améliorer l’accessibilité à l’emploi, multiplier les possibilités d’éducation grâce à une meilleure connectivité et renforcer l’égalité en facilitant l’accès aux services publics essentiels. Des études (a) conduites dans la région MENA montrent qu’un investissement dans les infrastructures de 1 milliard de dollars peut créer 138 000 emplois à court terme, accélérer la croissance de 0,48 % et, à longue échéance, procurer 442 000 emplois additionnels (induits).
Quatre maîtres-mots doivent présider à tout plan de reprise post-COVID-19 afin d’exploiter à plein le potentiel des investissements infrastructurels dans la région MENA :
- Stratégie : privilégier le long terme pour garantir la prévisibilité et la certitude des politiques engagées ;
- Innovation : agir en faisant preuve d’ouverture d’esprit, de tolérance et de créativité tout en introduisant les technologies émergentes ;
- Convergence : décloisonner les décisions en favorisant la collaboration de tous, les partenariats et les priorités transversales ;
- Agilité : faire preuve de davantage de flexibilité pour s’adapter aux contextes nationaux et aux nouvelles conditions tout en sachant exploiter rapidement les informations disponibles pour corriger le tir.
La pandémie a révélé les faiblesses des infrastructures dans les pays de la région MENA. Les investissements d’infrastructure visant à stimuler la reprise doivent être précédés par une remise à plat de la planification stratégique, alignée sur le Programme d’action des Nations Unies pour le développement durable et l’Accord de Paris sur le changement climatique (a).
Accélérer la transition vers une économie décarbonée
Cela commence par la généralisation des énergies renouvelables et des principes d’efficacité énergétique. Malgré une part encore faible dans la production totale d’énergie (le renouvelable représentant environ 10 % des capacités installées), la région MENA a fait d’énormes progrès pour déployer des technologies reposant sur les énergies renouvelables : les capacités de production (hors hydroélectricité) sont ainsi passées de 1,1 GW en 2010 à 7,2 GW en 2018. Les pays de la région ont tous les atouts pour profiter de la baisse rapide des coûts et de la croissance exponentielle de l’industrie solaire. Le prix avantageux des centrales solaires à grande échelle, si l’on en croit les chiffres communiqués par l’Abu Dhabi Power Corporation (ADPower) (a), place les pays de la région MENA aux avant-postes de la transition énergétique dans le monde et contribuera à accélérer la décarbonation de la région et, parallèlement, à créer des emplois et renforcer la compétitivité.
Bâtir un système de mobilité plus intelligent, plus vert et plus inclusif
L’état des routes et les accidents amputeraient chaque année le PIB de la région MENA de 5,5 % (a). Une transformation intelligente, verte et durable du secteur du transport devrait faire partie des priorités du processus de redressement post-pandémie. Des routes en meilleur état permettent aux enfants et aux femmes d’aller à l’école, d’accéder à des soins de santé et de trouver des débouchés professionnels. Pour être inclusive, la reprise doit rapprocher les zones rurales et en retard des marchés. Et la création de couloirs économiques respectueux de l’environnement, dynamiques et multimodaux en vue d’attirer des investissements privés dans les activités de fabrication, d’agroalimentaire et de logistique peut contribuer à endiguer un chômage des jeunes en constante augmentation.
Accélérer aussi la transformation numérique
La pandémie de COVID-19 a révélé les lignes de fracture de l’accès au numérique dans la région (connexion à la bande passante et utilisation), qui suivent celles liées au sexe, à la pauvreté et au lieu de résidence. La portée des services numériques doit être étendue, entre pays de la région et au sein de chaque pays. La pandémie ne fait que souligner l’urgence de cette évolution. La lenteur de la pénétration du numérique liée à un manque de compétitivité et d’investissement dans le haut débit augure mal d’une reprise résiliente. Le développement du numérique doit être au cœur des plans de relance. Les technologies numériques, et notamment les solutions disruptives et les paiements en ligne, jouent un rôle décisif pour améliorer la contestabilité des marchés, mais également pour faire évoluer des secteurs comme la santé, l’agriculture et l’éducation. Le déploiement accéléré des infrastructures numériques améliorera l’accès à des services internet bon marché de qualité et renforcera les capacités des gouvernements à assurer des services publics dématérialisés, promouvoir les compétences numériques, stimuler la création d’entreprises et d’emplois et renforcer la productivité et la compétitivité des petites et moyennes entreprises.
Attirer plus de capitaux
Les besoins en capitaux et investissements pour combler le déficit d’infrastructures dans la région MENA sont conséquents : pour tenir les objectifs en la matière à l’horizon 2030, elle devra y consacrer au bas mot 8,2 % de son PIB. Au cours de la décennie écoulée, les dépenses d’infrastructure ne sont ressorties qu’à 3 % du PIB en moyenne — les financements provenant pour l’essentiel des budgets publics alimentés par de lourds emprunts auprès d’institutions multilatérales et bilatérales. Les contraintes budgétaires découlant de la pandémie et le niveau insoutenable de l’endettement du fait d’emprunts excessifs vont réduire la capacité des gouvernements à engager les investissements infrastructurels nécessaires. C’est l’occasion pour le secteur privé d’accompagner les investissements dans les infrastructures régionales, mais cette mobilisation des capitaux privés exige une ligne politique claire et des cadres réglementaires solides.
Quel rôle pour la Banque mondiale ?
Alors que les pays de la région MENA sont concentrés sur la riposte à la pandémie de COVID-19 et les leviers à actionner, à terme, pour relancer la croissance et l’économie, ils doivent impérativement reconnaître la place centrale des infrastructures et envisager des solutions de financement durables. En matière d’infrastructures, la Banque mondiale a pour principe de soutenir leur déploiement physique et d’accompagner les institutions chargées d’assurer la transformation dans le but d’aider la région à s’engager résolument sur une trajectoire de croissance verte, durable et sans exclus.
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