D’après la légende, la reine de Saba serait originaire du Yémen, et même si l’Éthiopie revendique également être sa terre d’origine, personne ne conteste que le Yémen a autrefois vu régner plusieurs reines indomptables. Pour l’époque, c’était vraiment exceptionnel.
Aujourd’hui, le Yémen se distingue pour d’autres raisons : il se classe au dernier rang, ou quasiment, des classements mondiaux portant sur l’égalité hommes-femmes et l’émancipation féminine ; c’est l’un des rares pays au monde où il n’existe pas d’âge minimum pour le mariage ; enfin, il possède des restrictions juridiques qui font obstacle à la mobilité des femmes, à leur capacité à prendre des décisions, à leur participation à la société et à leur accession aux opportunités économiques.
Un récent rapport de la Banque mondiale, intitulé en anglais The Status of Yemeni Women: From Aspiration to Opportunity, souligne à la fois cette persistance des disparités entre les sexes au Yémen mais aussi les progrès réalisés sur le plan de l’égalité.
La bonne nouvelle, c’est que le taux d’alphabétisation des femmes et leur espérance de vie progressent plus de deux fois plus vite au Yémen que dans les autres pays de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA). Mais la mauvaise nouvelle, c’est que des disparités criantes sont enracinées dans les normes sociales relatives aux rôles respectifs de l’homme et de la femme au sein du ménage et de la communauté : 40 % seulement des filles de 6 à 13 ans sont inscrites à l’école, contre 63 % des garçons. Pas moins de 90 % des femmes en âge de travailler n’exercent pas d’activité rémunérée, contre 20 % pour les hommes.
Même si la Constitution du Yémen garantit l’égalité entre hommes et femmes, des lois discriminatoires restent en vigueur. Ainsi, les femmes mariées sont soumises au code de la famille. Les actions menées par le Comité national des femmes ont abouti, en 2010, à une réforme de la loi sur la nationalité qui autorise les femmes mariées à des non-Yéménites de transmettre la nationalité yéménite à leurs enfants. Mais d’autres restrictions juridiques demeurent : contrairement aux hommes, les femmes mariées ne peuvent choisir ni où ni comment vivre, se déplacer ou travailler. Elles sont dans l’obligation juridique d’obéir à leur mari.
Ces contraintes ne sont pas seulement rattachées à la culture ou la religion : une base de données montre que l’Algérie, l’Égypte, le Liban, le Maroc et la Tunisie ont réussi à s’en débarrasser.
L’injustice des mariages d'enfants
Et il y a aussi la question pressante des mariages d'enfants. À 17 ans, la majorité des femmes yéménites sont mariées : environ 14 % des filles le sont avant 15 ans et 52 % avant 18 ans.
Les médias internationaux se sont fait l’écho de l’histoire tragique de fillettes mariées. Ainsi, Nojood Ali a été mariée à huit ans à un homme de 32 ans et a subi des violences. En 2008, à l’âge de 10 ans, elle a eu le courage d’aller au tribunal pour demander l’annulation de son mariage et son histoire a amené l’opinion publique à réclamer des réformes.
La loi de 1992 sur le statut personnel fixait l’âge minimum du mariage pour les garçons et les filles à 15 ans, ce qui est loin d’être conforme aux engagements du Yémen au titre des conventions internationales. Ce pays a en effet ratifié la Convention sur les droits de l’enfant en 1991, laquelle énonce clairement que toute personne de moins de 18 ans est un enfant. Mais cette disposition a été supprimée en 1999, abolissant ainsi cette protection pourtant minime.
Plus de 70 % des personnes interrogées, hommes et femmes confondus, dans le cadre d’une enquête de 2011 sur le statut des femmes dans les pays de la région MENA se sont déclarés favorables au rétablissement d’un âge de mariage minimum pour les filles. Le Comité national des femmes au Yémen ne cesse de faire pression en faveur du rétablissement de cette disposition et a failli voir ses espoirs concrétisés en 2009.
Des pays à la culture proche de celle du Yémen, comme l’Algérie, le Bangladesh, l’Égypte et le Maroc, ont fixé l’âge minimum pour le mariage à 18 ans pour les filles, ce qui prouve que ce vide législatif peut être comblé.
Rétablir un âge minimum pour le mariage
L’instauration d’un âge minimum légal pour le mariage est un point de départ essentiel, mais d’autres lois connexes doivent elles aussi être réformées, notamment celle relative au divorce. Ainsi, au titre d’une telle loi, une fillette de 11 ans, mariée de force, a dû rembourser sa dot pour pouvoir mettre fin à son mariage.
Mais, à l’évidence, la réforme juridique ne suffit pas. Pour que les lois soient effectivement mises en œuvre, il est indispensable d’améliorer le système des naissances, des mariages et d’identification nationale, et accompagner la législation de sanctions réelles en cas d’infraction, d’une sensibilisation au droit et de l’existence de services juridiques bon marché.
Cette réforme juridique doit aussi s’inscrire dans un ensemble de politiques publiques qui ciblent la pauvreté. Il faut par exemple la compléter de transferts monétaires conditionnels qui offrent des incitations financières aux familles afin qu’elles laissent les filles aller à l’école et contribuent ainsi à remédier aux situations économiques désastreuses qui obligent les parents à donner leurs filles en mariage.
Libérer une ressource nationale inexploitée
Cette révision du cadre juridique aura pour conséquence d’émanciper les femmes mais aussi de libérer la ressource qu’elles représentent pour le pays. Des exemples venus d’Éthiopie et de Turquie le montrent bien. En 2000, la réforme du code de la famille en Éthiopie a relevé l’âge minimum du mariage et autorisé les femmes à travailler sans avoir besoin de l’autorisation de leur mari. Les femmes ont ainsi vu leur taux de participation à la population active augmenter. En Turquie, en 1997, le relèvement de trois ans de l’âge de la scolarité obligatoire a conduit à une baisse du nombre de mariages d’enfants et de celui des grossesses précoces.
Lorsque les femmes sont instruites, la santé et le potentiel de la génération suivante sont assurés. Quand on leur demande comment ils envisagent leur avenir, les adolescents, qu’ils soient filles ou garçons, disent vouloir un métier respecté, un mariage solide et une vie familiale réussie. Les filles interrogées dans le cadre d’une enquête financée par la Banque mondiale dans la ville portuaire d’Aden, au sud du Yémen, par exemple, aspirent à devenir « médecin pour aider les autres » ou « avocat pour défendre les opprimés », montrant que l’esprit des reines du Yémen reste bien vivant aujourd’hui.
Aujourd’hui, le Yémen se distingue pour d’autres raisons : il se classe au dernier rang, ou quasiment, des classements mondiaux portant sur l’égalité hommes-femmes et l’émancipation féminine ; c’est l’un des rares pays au monde où il n’existe pas d’âge minimum pour le mariage ; enfin, il possède des restrictions juridiques qui font obstacle à la mobilité des femmes, à leur capacité à prendre des décisions, à leur participation à la société et à leur accession aux opportunités économiques.
Un récent rapport de la Banque mondiale, intitulé en anglais The Status of Yemeni Women: From Aspiration to Opportunity, souligne à la fois cette persistance des disparités entre les sexes au Yémen mais aussi les progrès réalisés sur le plan de l’égalité.
La bonne nouvelle, c’est que le taux d’alphabétisation des femmes et leur espérance de vie progressent plus de deux fois plus vite au Yémen que dans les autres pays de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA). Mais la mauvaise nouvelle, c’est que des disparités criantes sont enracinées dans les normes sociales relatives aux rôles respectifs de l’homme et de la femme au sein du ménage et de la communauté : 40 % seulement des filles de 6 à 13 ans sont inscrites à l’école, contre 63 % des garçons. Pas moins de 90 % des femmes en âge de travailler n’exercent pas d’activité rémunérée, contre 20 % pour les hommes.
Même si la Constitution du Yémen garantit l’égalité entre hommes et femmes, des lois discriminatoires restent en vigueur. Ainsi, les femmes mariées sont soumises au code de la famille. Les actions menées par le Comité national des femmes ont abouti, en 2010, à une réforme de la loi sur la nationalité qui autorise les femmes mariées à des non-Yéménites de transmettre la nationalité yéménite à leurs enfants. Mais d’autres restrictions juridiques demeurent : contrairement aux hommes, les femmes mariées ne peuvent choisir ni où ni comment vivre, se déplacer ou travailler. Elles sont dans l’obligation juridique d’obéir à leur mari.
Ces contraintes ne sont pas seulement rattachées à la culture ou la religion : une base de données montre que l’Algérie, l’Égypte, le Liban, le Maroc et la Tunisie ont réussi à s’en débarrasser.
L’injustice des mariages d'enfants
Et il y a aussi la question pressante des mariages d'enfants. À 17 ans, la majorité des femmes yéménites sont mariées : environ 14 % des filles le sont avant 15 ans et 52 % avant 18 ans.
Les médias internationaux se sont fait l’écho de l’histoire tragique de fillettes mariées. Ainsi, Nojood Ali a été mariée à huit ans à un homme de 32 ans et a subi des violences. En 2008, à l’âge de 10 ans, elle a eu le courage d’aller au tribunal pour demander l’annulation de son mariage et son histoire a amené l’opinion publique à réclamer des réformes.
La loi de 1992 sur le statut personnel fixait l’âge minimum du mariage pour les garçons et les filles à 15 ans, ce qui est loin d’être conforme aux engagements du Yémen au titre des conventions internationales. Ce pays a en effet ratifié la Convention sur les droits de l’enfant en 1991, laquelle énonce clairement que toute personne de moins de 18 ans est un enfant. Mais cette disposition a été supprimée en 1999, abolissant ainsi cette protection pourtant minime.
Plus de 70 % des personnes interrogées, hommes et femmes confondus, dans le cadre d’une enquête de 2011 sur le statut des femmes dans les pays de la région MENA se sont déclarés favorables au rétablissement d’un âge de mariage minimum pour les filles. Le Comité national des femmes au Yémen ne cesse de faire pression en faveur du rétablissement de cette disposition et a failli voir ses espoirs concrétisés en 2009.
Des pays à la culture proche de celle du Yémen, comme l’Algérie, le Bangladesh, l’Égypte et le Maroc, ont fixé l’âge minimum pour le mariage à 18 ans pour les filles, ce qui prouve que ce vide législatif peut être comblé.
Rétablir un âge minimum pour le mariage
L’instauration d’un âge minimum légal pour le mariage est un point de départ essentiel, mais d’autres lois connexes doivent elles aussi être réformées, notamment celle relative au divorce. Ainsi, au titre d’une telle loi, une fillette de 11 ans, mariée de force, a dû rembourser sa dot pour pouvoir mettre fin à son mariage.
Mais, à l’évidence, la réforme juridique ne suffit pas. Pour que les lois soient effectivement mises en œuvre, il est indispensable d’améliorer le système des naissances, des mariages et d’identification nationale, et accompagner la législation de sanctions réelles en cas d’infraction, d’une sensibilisation au droit et de l’existence de services juridiques bon marché.
Cette réforme juridique doit aussi s’inscrire dans un ensemble de politiques publiques qui ciblent la pauvreté. Il faut par exemple la compléter de transferts monétaires conditionnels qui offrent des incitations financières aux familles afin qu’elles laissent les filles aller à l’école et contribuent ainsi à remédier aux situations économiques désastreuses qui obligent les parents à donner leurs filles en mariage.
Libérer une ressource nationale inexploitée
Cette révision du cadre juridique aura pour conséquence d’émanciper les femmes mais aussi de libérer la ressource qu’elles représentent pour le pays. Des exemples venus d’Éthiopie et de Turquie le montrent bien. En 2000, la réforme du code de la famille en Éthiopie a relevé l’âge minimum du mariage et autorisé les femmes à travailler sans avoir besoin de l’autorisation de leur mari. Les femmes ont ainsi vu leur taux de participation à la population active augmenter. En Turquie, en 1997, le relèvement de trois ans de l’âge de la scolarité obligatoire a conduit à une baisse du nombre de mariages d’enfants et de celui des grossesses précoces.
Lorsque les femmes sont instruites, la santé et le potentiel de la génération suivante sont assurés. Quand on leur demande comment ils envisagent leur avenir, les adolescents, qu’ils soient filles ou garçons, disent vouloir un métier respecté, un mariage solide et une vie familiale réussie. Les filles interrogées dans le cadre d’une enquête financée par la Banque mondiale dans la ville portuaire d’Aden, au sud du Yémen, par exemple, aspirent à devenir « médecin pour aider les autres » ou « avocat pour défendre les opprimés », montrant que l’esprit des reines du Yémen reste bien vivant aujourd’hui.
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