Publié sur Voix Arabes

Face à la pandémie de COVID-19, investir dans le capital humain est plus que jamais nécessaire dans les pays du Golfe

Young man working in an office. Young man working in an office.

La pandémie de COVID-19 (coronavirus) a porté de sérieux coups aux systèmes de santé et d'éducation, au marché de l'emploi et à la protection sociale dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Ainsi, 50 % des médicales régulières n'ont pas été réalisés et plus de 12 millions de jeunes n'ont pas pu suivre leurs cours à l'école et dans les universités en raison des fermetures imposées par la situation sanitaire.  Malgré ces difficultés, la pandémie a toutefois été l'occasion d'accélérer des réformes qui n'auraient sans doute pas été adoptées aussi rapidement dans des circonstances ordinaires, qu’il s'agisse du recours à la technologie dans l'éducation, de la télémédecine ou encore de l’essor des transferts monétaires destinés aux personnes vulnérables. 

La pandémie actuelle souligne l'urgence d'augmenter les investissements dans le capital humain, ce qui est indispensable pour le développement économique en général, mais tout particulièrement pour les pays du CCG qui ne peuvent pas, à long terme, continuer à dépendre des revenus du pétrole et du gaz pour financer leur développement. Les conséquences des chocs affectant la demande et l'offre ont été exacerbées dans les pays du CCG par la chute brutale des prix  du pétrole qui a lourdement pesé sur les recettes fiscales  et affaibli les soldes du commerce extérieur. Or, l'investissement dans le capital humain contribue à transformer les économies et à promouvoir la croissance, avec de vastes répercussions positives sur le bien-être et la prospérité des populations.

La plupart des pays du CCG mettent déjà fortement l'accent sur le développement humain et ont alloué une part importante de leur budget à cette priorité, mais ils doivent encore faire davantage pour améliorer l'efficacité de ces investissements, surtout dans les conditions actuelles.

L’indice de capital humain

Les gouvernements du CCG ont manifesté une forte volonté politique en faveur de cette transformation, l'Arabie saoudite, le Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Koweït ayant été parmi les premiers pays à adopter le projet de la Banque mondiale pour le capital humain. Ce projet est une initiative mondiale visant à améliorer les investissements dans trois domaines clés — connaissances, compétences et santé de la population —, dont le niveau est mesuré par un nouvel indice. L’indice de capital humain permet de quantifier la contribution de la santé et de l’éducation à la productivité de la main-d’œuvre future d'un pays. Plus précisément, il reflète le capital humain qu'un enfant né aujourd'hui peut espérer accumuler à l'âge de 18 ans, compte tenu des conditions sanitaires et d'éducation dans le pays où il vit.

Bien que les pays du CCG aient reconnu l'importance du capital humain, ils pourraient encore mieux faire. En effet, ces six pays sont mieux classés dans l'indice de capital humain que la moyenne de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, mais moins bien que leurs pairs des autres régions ayant des niveaux de revenu par habitant similaires. Ce classement relatif indique que de médiocres résultats d'apprentissage et des problèmes de santé ralentissent la formation du capital humain et entravent les progrès vers une croissance durable et équitable.

Les pays du CCG doivent remédier à quatre principaux problèmes pour développer leur capital humain

  1. De faibles niveaux de compétences de base chez les écoliers : en dépit d'investissements publics substantiels dans l'éducation, les six pays membres du CCG obtiennent des résultats inférieurs à ceux des autres pays à revenu élevé dans les évaluations internationales des élèves. En outre, bien que leurs taux de scolarisation soient très bons, le niveau d'instruction effectif est en réalité bien plus faible si l’on corrige le nombre d’années de scolarité en fonction de la qualité des apprentissages. Enfin, on constate des écarts importants entre les filles et les garçons en matière d'apprentissage, les garçons étant systématiquement moins performants.
  1. Une discordance entre l’éducation et le marché du travail : les enseignements dispensés par les systèmes éducatifs ne préparent pas adéquatement les étudiants aux compétences nécessaires à l'emploi.
  1. Des taux relativement élevés de mortalité et de morbidité des adultes en raison de la prévalence des maladies non transmissibles : en 2016, l'espérance de vie moyenne à la naissance dans les pays du CCG était d'environ 76 ans, ce qui est relativement élevé par rapport aux pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Cependant, le pourcentage de décès dus à des maladies non transmissibles a atteint 71,5 %, ce qui correspond à un taux sensiblement élevé.
  1. Un marché du travail particulier : les salaires dans le secteur public sont plus généreux que dans le secteur privé (où il faudrait créer la plupart des nouveaux emplois) et l'emploi y est quasiment garanti pour les ressortissants nationaux.

Face à cette situation, les pays du CCG devraient envisager quatre grandes stratégies en faveur du capital humain

  1. Investir dans un développement de qualité de la petite enfance afin de remédier aux faibles compétences de base des enfants : il est essentiel d'investir dans les six premières années de la vie d'un enfant, car c'est à ce moment que se forment les éléments constitutifs du cerveau et que l'environnement de l'enfant en stimule le développement.
  1. Préparer les jeunes pour l'avenir : améliorer les acquis scolaires des élèves, répondre aux besoins du marché du travail et réduire les facteurs de risque pour la santé sont des priorités essentielles.
  1. Permettre une plus grande participation de la population adulte au marché du travail : pour y parvenir, il convient de favoriser l'apprentissage tout au long de la vie, la participation des femmes à la vie active, la reconversion ou le perfectionnement des adultes au chômage ou sous-employés, et l'amélioration de la santé pour réduire la mortalité et la morbidité des adultes.
  1. Créer un environnement propice au développement du capital humain : un environnement productif permettra d'optimiser les dépenses publiques dans l'éducation et la santé, d'évoluer vers une approche multisectorielle du capital humain et de favoriser les normes sociales et les intérêts politiques qui conduiront à une meilleure productivité et une plus grande prospérité.

La transformation économique est une entreprise de longue haleine et l'amélioration de la formation du capital humain est l’une des clés d'une croissance durable. Une fois que la pandémie sera derrière nous et que les pays du CCG auront retrouvé ce qui pourrait bien être une « nouvelle normalité », il sera essentiel d'accélérer les investissements dans le capital humain pour construire un autre modèle de croissance, diversifié et durable.

 

 


Auteurs

Sameh El-Saharty

Chef de programme pour le Développement humain, Région Moyen-Orient et Afrique du Nord

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